Mboso remonté sort le carton rouge
  • mar, 26/04/2022 - 16:32

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1551|LUNDI 25 AVRIL 2022.

Souvent, on s'en prend à l'autre en s'oubliant soi-même.
C'est vouloir enlever la paille dans l'œil du voisin sans retirer la poutre qui gît dans le sien. La vérité est que la politique c’est (aussi) un jeu de la barbichette : «je te tiens, tu me tiens par la barbichette».
À trop chercher à faire mal à l'autre, il arrive un moment où on oublie que l'autre est peut-être aussi puissant, parfois plus puissant que soi-même et qu'il est capable de recourir à des armes tactiques...
Voilà que des députés parmi les plus connus de notre Chambre basse sont rattrapés par leur passé. Eux, qui, aux élections de 2018 voire celles d'avant, ont pesé pour se fabriquer des listes des « élus » en écartant ceux qui ne leur plaisaient pas. Objectif: gouverner, gouverner seuls, avec leurs mentors...

Il faut certainement être clair : il ne s'agit pas de pardonner une gouvernance de dysfonctionnements. Il s'agit de montrer qu'il y a peut-être plus grave chez soi-même et que s'il faut régler des comptes, il faut alors tout régler...

Ils avaient organisé une véritable saillie contre Christophe Mboso N'kodia Pwanga. Mécontents qu'il ait aidé à la chute de la majorité FCC-PPRD, ait œuvré au départ du bureau Mabunda, puis, à la destitution du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, ils lui ont préparé un destin d'humiliations. La vengeance c’est un plat qui se mange froid voire surgelé. Jamais un président de Chambre n'avait fait face à autant d'attaques et reçu autant de motions hostiles. Présentement, une pétition de déchéance fait grand bruit.

Sauf qu'on est en politique...
Que le FCC-PPRD, après sa déchéance, cherche désormais à se reconstruire en vue de ne pas disparaître, il n'y a aucun mal. Mais la stratégie de règlements des comptes peut se révéler dangereuse.

EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE...
Voici que tous ceux qui ont juré de lui faire mal se trouvent listés comme les plus absentéistes des plénières à la Chambre basse. Or, cette question est réglée par la Constitution («Le mandat de député national ou de sénateur prend fin par (...) l'absence non justifiée et non autorisée à plus d’un quart des séances d’une session», art. 110), de même que par le règlement intérieur de l'Assemblée nationale (art. 95.6).

Dans le passé, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à l'époque député, fut exclu de l'Assemblée nationale pour ne s'être jamais présenté à une plénière. Avec lui, Eugène Diomi Ndongala, Antipas Mbusa Nyamwisi, Claude Kiringa, Jean Maweja Muteba, etc. Faut-il interdire à l'autre de recourir à un texte auquel on a eu recours soi-même? Est pris qui croyait prendre...

D'où l'interpellation le 18 avril 2022, par motion incidentielle, du député Paulin Odiane (Isiro Ville, province de Haut Uele, Ensemble pour la République).
«Les élus sont ici pour représenter une circonscription électorale mais s'ils ne viennent pas participer aux activités de notre chambre, c'est un acte d'immoralité. Sans la loi, sans la discipline, nous ne pouvons aller de l'avant. Appliquer la loi signifie que ceux qui ont violé cette disposition constitutionnelle et réglementaire doivent être invalidés pour que leurs suppléants viennent les remplacer parce qu'ils ne trouvent pas le temps de représenter leurs électeurs».

Le 20 avril 2022, la conférence des présidents (Groupes et Commissions) sous la direction du président de la Chambre a validé la motion. «Il était question de parler du régime disciplinaire de l'Assemblée nationale en ce qui concerne les députés nationaux. Il s'est révélé opportun de parler de la question de l'absentéisme des députés nationaux dans les séances plénières. Le rapport a été élaboré, nous avons compilé toutes les listes. Un tableau a été établi. Les absents sont connus. Une commission spéciale sera constituée.

Les députés seront convoqués pour venir justifier et présenter leurs moyens de défense et, après, une décision sera prise pour décourager ce genre des pratiques», déclare le rapporteur, le député national Joseph Lembi Libula (Lisal, Mongala, Equateur, MLC, ATI-NTIC).

Au total, ce sont 112 députés qui pourraient être invalidés, perdraient leur immunité parlementaire, s'exposant du coup, à des poursuites judiciaires. Parmi eux, on cite Néhémie Mwilanya Wilonja (FCC-PCD-PRRD, Fizi, Sud-Kivu), Aubain Minaku Ndjalandjoko (FCC-PPRD, Idiofa, Kwilu), Henri-Mova Sakany (FCC-PPRD, Lukunga, Kinshasa), Boniface Balamage Nkolo (FCC-ECT, Idjwi, Sud-Kivu), Charles Nawej Mundele (FCC-AAAC, Kahemba, Kwango), André-Pierre Papy Niango Iziamay Munshemvula (FCC-APCO, Bandundu Ville, Kwilu), Marie Claire Alfani Machozi (Afdc-A, Walikale, Nord-Kivu), l'ex-Premier ministre Adolphe Muzito Fumutshi (UREP, Kikwit Ville, Kwilu).

Face à un homme qui n'a rien oublié et paraît résolu, chacun des députés cités cherche désormais un moyen de défense.
Le 22 avril, le Front commun pour le Congo, plate-forme de l'ex-président Kabila, qui pourrait voir ses leaders exclus de la Chambre basse, a donné de la voix.

Il invoque «un jeu subtil, calculé et malicieux, une dérive dictatoriale et un musèlement de l'opposition» ; estime que «du point de vue du Règlement Intérieur de l'Assemblée nationale et des us et coutumes parlementaires, le décompte des absences aux séances, s'il échet, se fait à la fin de chaque session, et qu'en tout état de cause, aucune allusion ne peut être faite aux sessions passées, dont les délais sont forclos».

Il ressort le Covid-19. « Depuis le 15 mars 2020, et pendant plusieurs mois, sur décision du Bureau adoptée par la plénière, les séances de l'Assemblée Nationale se sont tenues dans un contexte particulier dominé par le Covid-19, et sous un format très réduit (pas plus de 60 députés), en application d'une recommandation pertinente de l'Union Interparlementaire (UIP), des directives claires contenues dans l'Ordonnance n° 20/014 du 24 mars 2020 proclamant l'état d'urgence sanitaire pour faire face à la pandémie du Covid-19 et des instructions du secrétariat technique de la riposte contre le Covid-19».

L'ancien ministre des Sports, le député André-Pierre Papy Niango Iziamay Munshemvula qui porte la nouvelle pétition de déchéance du président de l'Assemblée nationale mais dont nul ne sait désormais le sort, donne une autre posture. Il documente sa capacité de résistance.

«Depuis ma tendre jeunesse, j'ai affronté l'oppression et la tyrannie. Je suis le fruit d'une lutte et d'un combat politique contre les antivaleurs. Ce ne sont pas les intimidations démodées que nous avons mises en déroute avec Mobutu qui me feront reculer».

Après qu’elle aura auditionné chacun des 112 députés incriminés, à la commission mise en place de délibérer et à la plénière de décider. La peur a changé de camp.
T. MATOTU.


Related Posts

About author

Portrait de T. MATOTU