Le Trésor public ne s'est jamais aussi bien porté
  • lun, 20/03/2023 - 22:55

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.

Le Soft International n°1578|lundi 20 mars 2023.

Un titre et un seul résume tout : «Niveau record historique de mobilisation des recettes intérieures malgré le contexte difficile».

C'est la conclusion d'une étude présentée mardi 14 mars 2023 à Kinshasa par l'économiste principal du ministère des Finances, Jean-Paul Boketsu. Une fière chandelle sans aucun doute pour le ministre des Finances Nicolas Serge Kazadi-Nzuji qui assure également, depuis avril 2022, avec la destitution le 31 mars du ministre Jean-Marie Kalumba Yuma, l'intérim à la tête du ministère de l'Économie nationale. Impossible d'oublier celui ou ceux qui donne (nt) le/la. Celui (ceux) qui indique (nt) «la note (de musique) de départ de l'œuvre, en chantant ou en jouant d'un instrument, afin que les artistes sachent dans quelle tonalité ils doivent chanter ou jouer ».

PLUS DE 100% DE TAUX DE RÉALISATION.
En l'espèce, le Président de la République, Chef de l'État dont la conduite et la réussite de l'action du Gouvernement, de son Gouvernement - et, du coup, de chacun des membres du Gouvernement - est un enjeu politique de taille et aussi, bien entendu, le chef du Gouvernement, à savoir, le Premier ministre. Le Président de la République n'est-il pas celui qui «convoque et préside le Conseil des ministres» (art. 79 de la Constitution)?
Le Gouvernement ne définit-il pas, «en concertation avec le Président de la République», les actes de la politique de la Nation (art. 91) et qui est le chef du Gouvernement - qui «assume la responsabilité» de l'action menée - sinon le Premier ministre même s’il est vrai que «le ministre est responsable de son département, (il) applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la direction et la coordination du Premier ministre» (art. 93)?
Le 14 mars 2023, en la salle Capitole de l'Hôtel Kin Plaza by Rotana, l'économiste Jean-Paul Boketsu n'a pas parlé en l'air. Il a même opté de s'abstenir de phrases « trop alambiquées ».
Il a voulu partir de l'évidence que jamais une phrase ne saurait remplacer une image qui parle en elle-même et qui ne requiert (parfois et souvent) aucun commentaire. «Image»? Oui, en l'espèce, des tableaux, des graphiques. Au total treize. D'abord sur ce « niveau record historique de mobilisation des recettes intérieures malgré le contexte difficile ».
En 2020, le Congo a mobilisé 6.968 milliards de CDF de recettes intérieures. L'année suivante, soit 2021, le Trésor public congolais a engrangé 11.610 milliards. En 2022, c'est un nouveau bon toujours aussi impressionnant: 18.427 milliards. En deux ans, depuis 2020, le Trésor public congolais a donc assisté à un triplement des recettes intérieures. Une hausse de 67% en 2021 et de 60% en 2022.
Un résultat réalisé certes malgré un «contexte économique difficile», titre l'économiste principal du ministère des Finances.
Depuis peu, le Congo et le monde assistent en effet à une «multitude de chocs persistants, difficiles à négocier».
Guerre en Ukraine, résurgence en Chine de l'épidémie du Covid-19, et, comme il n'y a pas deux sans trois, guerre rwandaise à l'Est du pays, dans les Kivu, dans des territoires riches en minerais stratégiques dont le coltan très recherchés par les fabricants de téléphone portable. Une guerre menée, selon tous les rapports d'experts onusiens, par l'armée nationale rwandaise, la Rwanda Defence Force, sous couvert des supplétifs du mouvement M23 qualifié par Kinshasa de «terroriste».
Il y a ensuite le «ralentissement de l'économie mondiale et l'inflation au sommet», situation résumée par Jean-Paul Boketsu en trois points comme suit : «Ralentissement de l'économie mondiale et contraction de la croissance dans la plupart des pays»; «inflation record, supérieure aux niveaux cible et à ceux enregistrés avant la pandémie » du Covid-19 ; « durcissement des conditions financières ». Qu'est-ce qui explique ces performances exceptionnelles et, pour le coup, inattendues réalisées en si peu de temps au ministère des Finances depuis que Nicolas Serge Kazadi-Nzuji, fils du professeur Jacques Kazadi, premier doyen noir de la Faculté des Sciences économiques de l'Université de Kinshasa, en a pris, le 28 avril 2021, la direction avec la nomination du Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge ? Un titre pour l'économiste principal du ministère des Finances : «Taux de réalisation des recettes intérieures». Au total, entre 105 et 125% de taux de réalisation en l'espace de deux ans. Soit, pour la DGI, la Direction Générale des Impôts, entre 117 et 156% pour la période examinée ; entre 96 et 112% pour la DGRAD, la Direction Générale des Recettes Administratives et Domaniales pour la même période ; entre 108 et 84% pour la DGDA, la Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participations.
En comparaison avec neuf autres pays africains (Congo-Brazzaville, Guinée Équatoriale, Angola, Nigeria, Burundi, Ghana, Botwana, Zambie, Gabon), le Congo-RDC se classe, une fois n'est pas coutume, à la première place, avec 124% de taux d'accroissement des recettes intérieures en 2022 en comparaison avec l'année 2020. En clair, en considérant les neuf pays ci-haut cités, le Congo-RDC réalise « la croissance la plus vigoureuse des pays d'Afrique sub-saharienne». Le Congo-RDC est suivi (bien loin derrière) par l'autre Congo, le Congo-Brazzaville avec 91%, la Guinée Équatoriale 89%, l'Angola 88%, le Nigeria 77%, le Burundi 68%, le Ghana 63%, le Botswana 56%, et la Zambie 47% et le Gabon qui clôture la liste avec 44%. Mais aussi une « gestion prudente et rationnelle de la dette publique », soit 12,9% en 2020, 14,9% en 2021, 17,6 en 2022. Soit un pourcentage du PIB de loin en deçà du seuil de surendettement.
En même temps, l'économiste du ministère des Finances note une «augmentation continue des ressources extérieures mobilisées». Soit en 2022 une hausse de 21% (1,50 milliard de $US en 2020 ; 1,63 milliard de $US en 2021 et 1,98 milliard de $US en 2022).

«IMPACT RÉEL» SUR LA VIE DES CONGOLAIS.
Au total, poursuit Jean-Paul Boketsu, ces performances de Nicolas Serge Kazadi-Nzuji depuis qu'il a pris la tête du ministère des Finances, résultent des «réformes accélérées et plus réactives qui améliorent la crédibilité et la signature-Pays».
Il faut, en l'espèce, retenir la conclusion satisfaisante de la deuxième et de la troisième revues du Programme économique soutenu par le Fonds Monétaire International, FMI en sigle, mais aussi des réformes entreprises par ce ministre qui connut, dans une autre vie, les locaux de ce ministère où il vit passer, au titre de conseiller économique et financier, trois ministres, Pierre Pay Pay wa Syakassighe, Gilbert Kiakwama Kia Kiziki et Marco Banguli N'sambwe Mbali.
Entre autres réformes entreprises, Jean-Paul Boketsu mentionne celles qui renforcent la transparence et élargissent l'espace budgétaire ; celles qui rationalisent les dépenses publiques et relancent l'économie, qui renforcent le développement du système financier, améliorent le climat des affaires, renforcent la compétitivité et l'attractivité du pays, libèrent la croissance économique.
D'autres réformes visaient à renforcer la bonne gouvernance, à lutter contre la corruption, le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme, à moderniser l'administration du ministère des Finances.
Ces performances dans la mobilisation des recettes publiques ont-elles eu un impact, mieux un « impact réel », sur l'économie et, donc, sur les conditions de vie des Congolais ?
C'est la question que se posent les Congolais et qu'a anticipée dans son étude l'économiste du ministère des Finances. Réponse, la voici : l'inflation a été «maîtrisée à un niveau favorable» pour la période sous examen par rapport aux neuf autres pays africains examinés. Si l'Éthiopie s'en est tirée avec 34% de taux d'inflation, le Ghana 27%, l'Angola 22%, le Nigeria 19%, l'Afrique au Sud du Sahara avec une moyenne de 14%, le Congo-RDC affiche un taux de 13%, battu dans la catégorie des pays examinés, par un seul pays, l'Afrique du Sud avec 7%.
Autre signe d'impact sur l'économie nationale : les dépenses en capital de l'État ont été multipliés par 12 (douze) depuis 2020.
Si, en 2020, ces dépenses se situaient autour de 251 milliards de CDF, elles étaient de l'ordre de 1.138 milliards de CDF en 2021 et de 3.109 milliards de CDF en 2022. Quant aux réserves de change, elles étaient de 700 millions de $US en 2020, de 3.200 milliards de $US en 2021 et de 4.400 milliards de $US en 2022.

RECETTES EN TERMES DE «PRIORITÉS».
Comment aujourd'hui et demain, tout au moins en 2023, maintenir l'élan de bonnes nouvelles? Quelques recettes en termes de «priorités» proposées dans l'étude présentée à l'hôtel Kin Plaza by Rotana par l'économiste principal du ministère des Finances. Au total, elles se résument à «maintenir le cap de la modernisation, des réformes et des performances dans un contexte marqué par les défis électoraux et sécuritaires», ce qui permettrait d'atteindre des assignations de 22.487 milliards de CDF.
Avec une telle mobilisation accrue des ressources, le Congo atteindrait «la trajectoire triennale fixée par la Gouvernement», en passant de 8,6 milliards de $US en 2021 à 15 milliards de $US en 2023.
Dans le cadre de son programme de «réformes ambitieuses» appelé «contrats de performance», le ministre Nicolas Serge Kazadi-Nzuji projette des réformes fiscales mais aussi douanières et parafiscales. Il s'agit notamment d'introduire la facture normalisée pour la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), de recouvrer l'IPR (impôt professionnel sur la rémunération) à tous les niveaux, de digitaliser le processus fiscal, d'intensifier les actions de recouvrement forcé du solde débiteur, de finaliser l'implantation du système de traçabilité des produits d'accises, de mettre en place un plan de désengagement progressif des conventions/contrats entre la DGDA et des partenaires privés, de renforcer les mécanismes d'encadrement des recettes parafiscales, d'améliorer la gestion des imprimés de valeur et administratif.
Le ministre des Finances Nicolas Serge Kazadi-Nzuji veut également accélérer les réformes du secteur des Finances publiques, parachever la recapitalisation de la Banque Centrale du Congo, BCC en sigle, créer une banque de développement, lutter contre l'évasion des primes d'assurance en rapatriant les primes soustraites à l'étranger, moderniser l'administration des finances et de finaliser la construction du Centra financier de Kinshasa. Il n'empêche qu'après tant de résultat et un tel matelas d'argent en CDF comme en $US, les questions fusent de partout.
Comment expliquer que le panier de la ménagère devient soudain intenable ? Pourquoi une telle remontée des prix sur le marché des biens et services? Le CDF dévisse tant face à la devise étrangère? Bien sûr. Mais comment la devise étrangère, plus particulièrement cette unité de mesure qu'est le fameux billet vert, est-elle soudain à rechercher dans la rue au moyen d'une lampe introuvable, les banques commerciales refusant de la céder ou ne pouvant la vendre qu'à leurs prix ? Puisque le pays est désormais entré plain-pied dans la phase pré-électorale, les Congolais sont-ils en train d'assister à une spéculation découlant de l'anticipation politique ? Au fond, n'est-il pas grand temps que la gouverneure de la Banque Centrale du Congo, Mme Malangu Kabedi Mbuyi dont c'est la matière prenne le micro pour s'expliquer face aux Congolais ? C'est en tout cas ce qui se serait passé sous d'autres cieux et, contrairement à ce que d'aucuns pourraient croire, pas seulement en Occident.

D. DADEI.

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