Le jeune administrateur de Vijana abattu laisse à Kiri deux enfants malades de 9 et 8 ans
  • jeu, 14/11/2019 - 03:36

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES. Le Soft International n°1471|JEUDI 14 NOVEMBRE 2019. L’affaire Dolly Makambo Nawez suit son instruction à la Haute Cour Militaire par l’audition des témoins. Jeudi dernier, les juges ont rejeté la demande de récusation de sa composition introduite par les avocats du ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires Coutumières de la ville de Kinshasa. Les juges ont décidé de la poursuite de l’affaire en flagrance devant la même composition présidée par le colonel Nzau qui oppose l’ancien bourgmestre de la commune de la Gombe à la famille du jeune Administrateur gestionnaire du Centre de santé Vijana âgé de 29 ans, Belvis Kuku Ilo abattu à bout portant le 30 novembre 2019 par un policier de la garde du ministre. De très sérieux soupçons pèsent sur Dolly Makambo Nawez ministre accusé d’avoir commandité ce crime - les policiers s’étaient rendus au centre hospitalier à bord d’un véhicule du ministère - de connivence avec l’acquéreur d’une partie morcelée de terrain querellée. Belvis Kuku Ilo aurait eu des démêlés avec son médecin directeur qui n’aurait trouvé aucun inconvénient que l’espace de terre soit cédé. L’un des avocats du ministre, le pasteur Théodore Ngoy Ilunga wa Nsenga qui conteste dans ce dossier un caractère flagrante estime que «l’auteur du meurtre de l’administrateur gestionnaire du centre de santé Vijana - qui n’est pas le ministre provincial - soit réellement jugé». La famille du défunt est plongé dans le deuil mais les obsèques n’ont pas encore eu lieu. Le corps de Belvis Nkuku est interné à la morgue de l’Hôpital Général de référence de Kinshasa, ex-Maman Yemo, sur instruction de la Haute Cour Militaire. La culture africaine veut que lorsqu’on a perdu un parent, on ne peut exercer une activité avant la mise en terre du mort. Le Soft International a voulu faire parler la famille du défunt pour en savoir plus sur ce jeune Administrateur de centre hospitalier mort au front - sur le lieu de travail - dans une affaire qui a ému les Congolais. Qui est Belvis Nkuku? Depuis quand travaillait-il dans ce centre hospitalier? Alors que son médecin directeur aurait aimé voir l’espace de terre disputé, pourquoi et comment s’y est-il opposé au point d’y laisser la vie. Cet jeune est-il un martyr? Un entretien qui s’est déroulé dimanche 10 novembre dans la commune de Barumbu au Camp Onatra, immeuble Inkisi, sixième niveau au n° 6B. Sur le lieu de deuil. Oncle paternel du défunt et responsable direct de la famille en l’absence des parents biologiques actuellement à Kiri, province de Mai-Ndombe, Jean-Pierre Mputu dit éprouver «un sentiment de tristesse» que partage toute la famille. Comme aîné, Belvis fut un calibre au sein de notre famille. «Il était un homme sur qui reposait l’espoir de la famille. Nous déplorons cet ignoble acte coordonné par des personnes censées assurer notre protection». Votre fils avait-il un lien direct ou indirect avec le policier qui a tiré sur lui? Depuis que notre fils est né, il n’a jamais été en contact ni de près ni de loin avec un élément de la police ou de l’armée. Pas même pas avec les grandes personnalités de ce pays. Votre fils était-il en conflit avec le ministre Dolly Makambo? A notre connaissance, nous ignorons l’existence d’un conflit entre lui et le ministre Dolly Makambo, d’autant plus que de son vivant et pendant qu’il prestait au centre hospitalier Vijana, Belvis ne s’est jamais plaint d’une quelconque menace de la part de ce dernier. Que reprochez-vous à Dolly Makambo? Nous attaquons le ministre Dolly Makambo pour le fait qu’il soit l’incitateur direct de ce meurtre. Le chauffeur et la jeep qui transportaient les deux éléments de la police le jour du meurtre étaient à son service. Cette jeep venait directement du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité de la ville de Kinshasa. Le jour du meurtre, la sentinelle de Vijana ne voulait pas laisser entrer l’équipe du ministère de l’Intérieur. C’est suite à l’appel effectué par le chauffeur du ministre, Serge Kamanda, que le Médecin Directeur de Vijana intimant l’ordre à la sentinelle d’ouvrir la grille et de laisser entrer les éléments de la police. A cela, il faut ajouter les tortures qu’a subit notre fils de la part surtout de la personne qui tenait la bêche à la main ainsi que de l’élément de la police qui l’a tabassé avant de l’abattre. Tous ces faits constituent une preuve irréfutable de l’implication directe du ministre Dolly Makambo dans le meurtre de notre fils. Depuis quand votre défunt fils travaillait au centre hospitalier Vijana? Belvis a commencé à offrir ses services au centre hospitalier Vijana depuis le 6 novembre 2018 après qu’il ait été notifié par le Ministère de la Santé au regard du statut du centre, qui est une propriété de l’Etat congolais. C’est à partir de cette période qu’il s’est mis à travailler comme Administrateur Gérant ayant en charge la logistique et les moyens généraux de tout le centre. La gestion du patrimoine était aussi sous sa responsabilité. Le 6 novembre 2019, Belvis aurait accompli un an de travail à Vijana. Pourquoi votre fils a-t-il fait sien ce dossier qui date de 1987 quand les anciens comme son médecin directeur, ont abandonné le dossier? L’implication directe de notre fils dans ce conflit foncier se justifie par le fait qu’il voulait préserver son travail acquis péniblement et celui du reste du personnel du centre, d’autant que leur dispositif médical était menacé de déguerpissement. Aussi, lui comme Administrateur Gérant de ce centre hospitalier, il avait la charge directe de la logistique, des moyens généraux et du patrimoine du centre. Voilà ce qui justifie son comportement. Belvis a toujours été un homme intègre. Il luttait contre la corruption érigée à Vijana dans laquelle s’est rendu coupable son médecin directeur de connivence avec le ministre Dolly Makambo, la famille Okenge qui avait vendu une partie de cette parcelle et le nouvel acquéreur, Bakatshuraki Semey. Quelle relation Belvis Nkuku entretenait-il avec l’ensemble du personnel du centre? Notre fils avait une bonne relation avec tous ses collègues de service, à l’exception de son médecin directeur qui le menaçait tout le temps. Il était objet de menace de la part de celui-ci et, entre eux, le torchon ne cessait de brûler. D’ailleurs, avant qu’il ne soit abattu, Belvis nous a fait part du fait que son médecin directeur souhaitait qu’il arrête de s’impliquer au péril de sa vie dans ce conflit foncier. Après un intense échange de parole engagé un jour entre eux, ses collègues avaient suggéré qu’il aille s’excuser auprès du médecin directeur. Ce que Belvis a fait. Et le médecin directeur l’a interpellé en disant qu’il était encore enfant et que cela était imprudent pour lui de s’approprier d’une si complexe affaire. Belvis Nkuku vous avait-il prévenu d’une menace qu’il aurait reçue d’une personne ou d’une autre? Oui, il avait signalé à sa tante l’existence d’une mésentente persistante entre lui et son chef direct, le médecin directeur. Plusieurs fois, ce dernier a dit ouvertement à Belvis Nkuku d’abandonner l’affaire pour ne pas risquer sa vie. Que laisse Belvis Nkuku en termes de charge au niveau de la famille? Bien qu’il ne fût pas encore officiellement marié, Belvis Nkuku laisse derrière lui deux garçons dont l’aîné âgé de 9 ans, le deuxième de 8 ans. Ces deux enfants sont à Kiri dans la province de Mai-Ndombe. Le jour avant son assassinat, il avait acheté des médicaments qu’il comptait envoyer à ses enfants malades et le sont toujours. Nous gardons ces médicaments avec nous. Quel message voulez-vous passer aux Congolais en rapport avec ce meurtre? Nous déplorons cet acte criminel tout en comptant sur l’implication personnellement du Chef de l’Etat parce qu’il nous a promis tout au long de son mandat un Etat de droit où la justice sera faite équitablement. L’AG Belvis Nkuku n’est pas mort pour un intérêt personnel, mais plutôt pour une cause commune. Il était très opposé à la magouille entre le ministre Dolly Makambo et l’acquéreur d’une partie de la parcelle en complicité avec la hiérarchie du centre hospitalier Vijana. Toute notre famille et certainement tous les Congolais attendent que les coupables rendent compte de leurs actes. Nous ne tolérons pas que quelqu’un d’autre ait pu ôter la vie à notre fils en dehors du Tout Puissant. Belvis était un jeune cadre de ce pays, mais aussi un point de repère pour notre famille. Nous exigeons justice et dommages à la hauteur du crime. Propos recueillis par JULIEN MAO MAMPO.


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