Le FMI classe le Congo dans le peloton de cinq pays d'Afrique au sud du Sahara
  • mer, 18/05/2022 - 11:41

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1552|MERCREDI 18 MAI 2022.

Un rapport du FMI (Perspectives de l’économie mondiale, avril 2022) classe le Congo, du point de vue des perspectives de croissance, dans le peloton de tête en 2023 avec le Sénégal (9,2%), le Rwanda (7,4%), le Niger (7,2%), suivi de la Côte d'Ivoire (6,7%). Sur 45 pays d'Afrique au Sud du Sahara, le Congo occupe la quatrième position (6,9%).

La reprise économique en Afrique subsaharienne a été plus prononcée que cela avait été prévu au second semestre de 2021. D’où une révision en forte hausse de l’estimation de croissance de l’an dernier, de 3,7 % à 4,5 %. En 2022, en revanche, ce regain de vigueur est hypothéqué, selon le FMI.

La guerre en Ukraine a provoqué un choc économique mondial qui touche la région au moment où les pays disposent d’une marge d’action restreinte, voire inexistante, pour y faire face. L’envolée des prix du pétrole et des denrées alimentaires pèse en particulier sur les soldes extérieurs et budgétaires des pays importateurs de produits de base et a accentué les craintes à l’égard de la sécurité alimentaire dans de nombreux pays.

Les prix des denrées alimentaires élevés pénaliseront de manière disproportionnée les franges de la population les plus vulnérables, surtout dans les zones urbaines. En outre, le choc menace d’aggraver certains des problèmes particulièrement préoccupants de la région, notamment les séquelles sociales et économiques de la pandémie de Covid-19, les changements climatiques, les risques sécuritaires accrus dans la région du Sahel et le durcissement en cours de la politique monétaire aux États-Unis.

EN 2023, LA REPRISE VA S'ACCELERER.
Tous ces facteurs expliquent pourquoi la dynamique de croissance de la région s’est essoufflée. Cette année, la croissance de l’activité économique devrait s’établir à 3,8 %, freinée par la dégradation des perspectives de croissance des pays importateurs de pétrole.

La reprise économique devrait s’accélérer en 2023, la croissance s’établissant à environ 4 % en rythme tendanciel à moyen terme. Ce rythme de croissance n’est toutefois pas suffisant pour regagner le terrain perdu en raison de la pandémie. De fait, les objectifs de développement durable de la région seront beaucoup plus difficiles à atteindre.

La pandémie a aussi laissé de profondes séquelles sociales, comme en témoigne de manière flagrante l’augmentation du nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté. La fermeture prolongée des écoles a aussi eu de graves conséquences sur les élèves et étudiants, en écourtant leur formation, en réduisant leur productivité ultérieure et en pesant sur les perspectives à moyen terme de l’Afrique subsaharienne.

À plus long terme, les autorités devront composer avec un climat de très grande incertitude en disposant de moins de possibilités d’action et d’une faible marge d’erreur. Sur le plan international, une guerre de longue durée en Ukraine pourrait encore faire monter les cours des produits de base (ce qui pourrait déclencher des crises alimentaires dans certains pays), accroître les primes de risque et fragiliser la demande mondiale.

L’Afrique subsaharienne est aussi vulnérable face à un durcissement plus prononcé que prévu des conditions monétaires mondiales et à un ralentissement de la croissance en Chine et en Europe. À l’échelon local, la lenteur de la campagne de vaccination expose de nombreux pays à de nouvelles vagues de Covid-19 et pourrait favoriser l’apparition de nouveaux variants. Les risques sécuritaires et les conflits persistants pourraient peser sur la croissance économique.

Qui plus est, la région demeure fortement exposée à des chocs climatiques de plus en plus fréquents et violents.

TROIS PRIORITES FACE A DES CHOIX POLITIQUES.
Outre une accélération de la campagne de vaccination afin de protéger la région contre de nouvelles vagues de Covid-19, ci-après trois priorités d’action.

I. Trouver un équilibre entre inflation et croissance.
La hausse des cours des produits de base imputable à la guerre en Ukraine, surtout des denrées alimentaires et de l’énergie, a exacerbé les récentes tensions inflationnistes dans de nombreux pays. Comme les volumes de production restent bien inférieurs aux niveaux tendanciels antérieurs à la pandémie dans la plupart des pays, les banques centrales doivent trouver un compromis difficile entre juguler l’inflation et stimuler la croissance.

Pour piloter cet arbitrage, les banques centrales devront surveiller de près l’évolution des prix, se tenir prêtes à relever les taux si les anticipations d’inflation s’inscrivent en hausse, se prémunir contre les risques que la hausse des taux d’intérêt fait peser sur la stabilité financière et conserver un cadre d’action crédible fondé sur une forte indépendance et une communication transparente. Certaines ont déjà commencé à relever leurs taux d’intérêt, et un resserrement plus marqué sera peut-être nécessaire dans de nombreux cas.

II. Faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Il faut éviter, face à la guerre, d'accroître la vulnérabilité liée à la dette. Les retombées de la guerre en Ukraine touchent la région au moment où l’espace budgétaire des pays est extrêmement restreint. Les ratios d’endettement public se situent aujourd’hui à leurs plus hauts niveaux depuis le début du siècle, et de nombreux pays à faible revenu sont en situation de surendettement ou proche de celle-ci.

Par conséquent, la riposte budgétaire doit être soigneusement calibrée et viser à protéger les ménages les plus vulnérables contre la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie à travers des transferts ou des aides ciblés sans accroître la vulnérabilité liée à la dette. Pour trouver des ressources destinées à protéger les ménages vulnérables dans les pays importateurs de produits de base, surtout ceux qui sont soumis à des contraintes financières plus lourdes, il faudra redéfinir en profondeur les priorités de dépenses, par exemple en supprimant les subventions inutiles accordées aux entreprises publiques.

Dans les pays exportateurs de produits de base, la hausse des cours de ces produits peut permettre d’engranger d’importants gains budgétaires exceptionnels, mais uniquement si les pouvoirs publics maîtrisent les dépenses consacrées aux subventions à l’énergie. L’essentiel de ces gains devrait ensuite être utilisé pour reconstituer la marge de manœuvre disponible, surtout dans les pays dont les finances publiques sont très vulnérables. Au-delà des besoins immédiats, les pays devront pour la plupart poursuivre le rééquilibrage budgétaire afin de réduire la vulnérabilité liée à la dette et de créer les conditions d’une croissance à moyen terme plus solide et plus durable.

Pour ce faire, il faudra améliorer la mobilisation des recettes et l’efficience des dépenses publiques dans le contexte de cadres budgétaires à moyen terme crédibles. Il est important que les mesures de rééquilibrage des finances publiques protègent les franges plus fragiles de la population et privilégient les besoins de développement. Emprunter cette trajectoire complexe sera difficile, si bien que de nombreux pays auront besoin d’une aide internationale.

L’allocation de 23 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI à la région en 2021 a apporté un soutien indispensable pour consolider les positions extérieures et financer des dépenses urgentes durant la pandémie. L’engagement du Groupe des Vingt à transférer 100 milliards de dollars en DTS à des pays vulnérables constitue une autre étape importante. La communauté internationale devrait cependant aller plus loin, par exemple en supprimant les obstacles à la mise en œuvre du cadre commun et en permettant des restructurations de dette rapides et efficaces le cas échéant.

III. Gérer l’ajustement des taux de change.
Le resserrement monétaire aux États-Unis et l’accroissement des primes de risque lié à la guerre en Ukraine ont exercé des pressions à la baisse sur les taux de change dans toute la région. Dans les pays à régime de change fixe, les autorités devraient trouver le juste équilibre entre les politiques monétaire et budgétaire pour préserver la crédibilité de la parité fixe. Dans les pays dotés de régimes plus flexibles, une dépréciation peut contribuer à atténuer les effets du resserrement à l’échelle mondiale. Toutefois, même pour ces derniers pays, des décisions difficiles sont peut-être à prévoir.

Pour beaucoup, les avantages à court terme d’une dépréciation du taux de change sont à l’évidence limités, compte tenu des importantes asymétries de devises et de la répercussion sur l’inflation. Un recours ciblé à une intervention sur le marché des changes peut permettre de contrer des fluctuations excessives du taux de change, mais la marge d’intervention est souvent restreinte en raison de la faiblesse des réserves internationales. Un durcissement monétaire pourrait donc s’avérer nécessaire dans certains pays pour soutenir les taux de change, malgré l’atonie de l’activité économique.

L’après-crise : vers une croissance solide, inclusive et durable.
Au-delà de la pandémie et des tensions géopolitiques actuelles, pour créer des emplois et atteindre les objectifs de développement durable, il faudra que l’Afrique subsaharienne enregistre une croissance solide, inclusive et durable. Pour ce faire, les pouvoirs publics devront prendre des mesures résolues afin de diversifier davantage leur économie, de libérer le potentiel du secteur privé et de s’attaquer aux problèmes posés par les changements climatiques.

De nombreux pays de la région restent fortement tributaires des exportations de produits de base, de sorte que leur production est plus irrégulière et leur croissance économique plus faible. C’est pourquoi il est capital de diversifier davantage leur économie.

À cette fin, les pays exportateurs de produits de base devraient tirer parti de la hausse des cours de ces produits pour renforcer la crédibilité de leurs cadres macroéconomiques, améliorer le climat des affaires et d’investissement et envisager de recourir à des interventions sectorielles ciblées en cas de défaillances du marché.

Pour dynamiser la croissance potentielle, il faut aussi exploiter pleinement le potentiel du secteur privé. Ainsi, la mise en place réussie de la Zone de libre-échange continentale africaine doperait fortement la croissance et la compétitivité de la région. Les pouvoirs publics devraient aussi rechercher de nouveaux circuits de financement pour stimuler l’investissement privé, par exemple en accordant des aides transparentes et bien pensées, destinées à financer des projets d’infrastructures en collaboration avec les institutions internationales de financement du développement.

La transformation numérique ouvre aussi de grandes perspectives, mais soulève aussi de nouveaux problèmes et risques. Par exemple, de nombreux pays étudient la possibilité d’adopter des monnaies numériques de banque centrale afin de renforcer l’inclusion financière, de réduire le coût des envois de fonds et d’offrir une solution de rechange aux cryptomonnaies privées qui sans cela pourraient fragiliser la transmission de la politique monétaire.

Enfin, les changements climatiques sont extrêmement problématiques pour la région, étant donné son exposition à des catastrophes liées à des phénomènes météorologiques et sa dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale. Investir dans l’adaptation revêt donc une importance cruciale. Toutefois, la transition écologique ouvre aussi de nouvelles perspectives pour l’Afrique subsaharienne, compte tenu de son potentiel en énergies renouvelables. Une aide financière internationale sera indispensable pour que la région puisse financer le coût de l’adaptation, exploiter les possibilités offertes par la transition écologique et garantir un accès à l’énergie juste et peu coûteux.

UNE SERIE DE CHOCS PREJUDICIABLES.
Depuis la publication de l’édition d’octobre 2021 des Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, l’Afrique subsaharienne a subi une série de chocs préjudiciables. La guerre en Ukraine a ébranlé les marchés mondiaux des produits de base, accentué les tensions géopolitiques et assombri les perspectives déjà ternes de la région, marquées par un resserrement monétaire en cours dans les pays avancés, l’exposition à de nouvelles vagues de contaminations à la Covid-19 en raison des faibles taux de vaccination, et l’instabilité politique et les risques sécuritaires dans de nombreux pays.

Elle a provoqué une envolée des cours des produits de base en ébranlant les exportations d’énergie et de denrées alimentaires depuis la Russie et l’Ukraine. Même si certains gros exportateurs de produits de base en retireront peut-être un gain inattendu, la hausse des cours pèse sur les soldes budgétaires et extérieurs des pays importateurs de ces produits, tout en menaçant aussi la sécurité alimentaire et l’accessibilité de l’énergie pour leurs catégories de population les plus vulnérables.

Dans ce contexte, plusieurs pays sont fortement tributaires des importations de blé, quelques-uns d’entre eux important directement une grande partie de cette céréale d’Ukraine et de Russie. En outre, la hausse des prix des engrais et du pétrole augmentera le coût de la récolte, du transport et de la transformation des aliments, ce qui exercera de nouvelles pressions à la hausse sur les prix des denrées alimentaires.

Même avant la guerre en Ukraine, les tensions inflationnistes dans les grands pays avancés se sont révélées plus fortes et plus durables que prévu. Face à la nouvelle dynamique de hausse des cours des produits de base, le rythme du resserrement monétaire dans les pays avancés est plus rapide qu’anticipé il y a quelques mois et se traduit par une augmentation sensible des rendements souverains. La hausse des rendements s’explique aussi par un accroissement des primes de risque imputable à la montée des tensions géopolitiques.

Ces facteurs se conjuguent pour réduire les flux d’investissements de portefeuille dans la région et exercer des pressions à la baisse sur la plupart des taux de change.
Le recul de la demande émanant des principaux partenaires commerciaux pour cause de ralentissement de l’activité mondiale constitue aussi un obstacle pour l’Afrique subsaharienne. Aux États-Unis, la croissance économique en 2022 devrait être inférieure de 1,5 % à la prévision d’octobre 2021, du fait d’une moindre relance budgétaire et d’un durcissement des conditions monétaires.

Les perspectives économiques se sont aussi dégradées dans la zone euro et en Chine, avec des révisions à la baisse de la croissance pour 2022 de respectivement 1,5 et 1,2 point de pourcentage environ.

UNE REPRISE INCERTAINE ET INSUFFISANTE.
Après une accélération en 2021, la reprise est menacée
Les chiffres effectifs du PIB pour le troisième trimestre de 2021 ont en général été meilleurs que prévu. D’après les indicateurs à haute fréquence, l’activité économique s’est modérée au quatrième trimestre de 2021, mais a dans l’ensemble bien résisté à la propagation du variant Omicron.

Par conséquent, la projection de croissance du PIB réel en Afrique subsaharienne pour 2021 a été revue en forte hausse par rapport à la prévision d’octobre 2021, de 3,7 % à 4,5 %. L’examen des différents groupes de pays montre que l’Éthiopie est à l’origine de la forte révision à la hausse pour les pays pauvres en ressources naturelles : elle a obtenu de meilleurs résultats économiques que prévu malgré de multiples chocs (pandémie, conflit et infestation acridienne).

En revanche, dans les pays tributaires du tourisme, la croissance pour 2021 a été revue à la baisse puisque la pandémie a continué à peser sur la reprise de leur économie. Le choc sur les cours des produits de base après l’invasion de l’Ukraine par la Russie a porté un coup d’arrêt à la dynamique de reprise économique de la région, la croissance globale pour 2022 devant fléchir à 3,8 %.

Les chiffres cumulés cachent de grandes disparités entre les pays de la région (graphique 7). La croissance des pays exportateurs de pétrole en 2022 a été revue à la hausse de 0,8 point de pourcentage (par rapport à la prévision d’octobre 2021), même si les problèmes sécuritaires et le vieillissement des infrastructures limitent l’offre de pétrole.

En revanche, les perspectives de croissance des pays importateurs de pétrole se sont dégradées, avec des révisions à la baisse d’environ 0,4 point de pourcentage. Parmi les pays importateurs de pétrole, les révisions sont plus marquées pour les pays fragiles, la croissance pour 2022 ayant été revue à la baisse de 0,5 point de pourcentage.
Le choc sur les cours des produits de base a aussi des effets très asymétriques sur les recettes publiques et les soldes budgétaires dans toute la région (graphique 8).

Dans les pays exportateurs de pétrole, les recettes budgétaires pour 2022 ont été revues à la hausse de 2,1 points de pourcentage du PIB. Les pays exportateurs d’autres produits de base devraient aussi enregistrer une progression de leurs recettes, quoique plus modeste. Toutefois, l’impact de ces hausses sur les soldes budgétaires est nettement plus modéré en raison de l’augmentation des dépenses consacrées aux subventions à l’énergie. En revanche, les soldes budgétaires des pays pauvres en ressources naturelles se dégraderont fortement.

LES PRINCIPAUX PAYS ET GROUPES DE PAYS.
◗ En Afrique du Sud, après avoir été relativement solide au premier semestre de 2021, la croissance a ralenti au second semestre. La troisième vague de Covid-19 et les tensions sociales en juillet ont eu un impact négatif sur la croissance au troisième trimestre, qui n’a été qu’en partie neutralisé par un rebond au quatrième trimestre.

Après le rebond de 2021 lié à la levée des confinements, la croissance devrait s’essouffler pour s’établir à un modeste 1,9 % en 2022, freinée par des obstacles structurels (y compris dans le secteur de l’électricité) et par un durcissement des conditions financières mondiales. En l’absence d’un rééquilibrage budgétaire, selon les projections, la dette publique s’accroîtra constamment ces prochaines années pour atteindre 83,7 % du PIB d’ici à 2026. L’amélioration de la croissance.

◗ Au Nigéria, les perspectives de croissance se sont améliorées grâce à une hausse des prix du pétrole et à une reprise plus vigoureuse que prévu de l’industrie manufacturière et de l’agriculture. La croissance devrait atteindre 3,4 % en 2022, puis retomber à 2,9 % à compter de 2024. Une grande incertitude liée aux cours du pétrole et aux conditions financières entoure les perspectives. En outre, les faibles taux de vaccination, l’accroissement des risques sécuritaires et les fortes tensions sur les prix pèsent sur les perspectives de croissance à moyen terme.

◗ En Angola, la croissance s’est établie à 0,7 % en 2021, ce qui a mis fin à une série de cinq années de récession. Le pays n’a pas pu tirer pleinement parti des prix élevés du pétrole, dans la mesure où des problèmes techniques à répétition et la faiblesse des investissements ont eu une incidence sur la production de pétrole. La croissance devrait s’accélérer pour atteindre 3 % en 2022, les secteurs autres que celui du pétrole (agriculture, construction et transport) en étant les principaux moteurs. À moyen terme, la croissance pourrait progressivement se hisser à 4 % sous l’impulsion des cours élevés du pétrole et des bons résultats des secteurs autres que celui du pétrole.

◗ En Éthiopie, la croissance devrait ralentir pour passer de 6,3 % sur l’exercice 2021 à 3,8 % sur l’exercice 2022 en raison de l’intensification du conflit armé au premier semestre de l’exercice, des effets persistants de la pandémie sur fond de faibles taux de vaccination et des retombées de la guerre en Ukraine. Les prix élevés des denrées alimentaires et des produits de base et les hauts risques d’endettement assombrissent aussi les perspectives. Le pays est fortement tributaire des importations de blé en provenance de Russie et d’Ukraine, ce qui accentue les pressions sur les prix des denrées alimentaires.

◗ Dans les pays tributaires du tourisme, la reprise économique s’avère particulièrement délicate. La trajectoire de reprise dans le secteur des voyages internationaux est plus longue que dans les autres secteurs. Avec l’apparition du variant Omicron, de nombreux pays tributaires du tourisme ont connu un tassement de leur reprise à court terme. Certains pays ont été mieux lotis grâce à des envois de fonds massifs (Comores, Gambie) ou à une campagne de vaccination rapide (Seychelles). En revanche, d’autres subissent des pertes de revenu persistantes s’élevant jusqu’à 15 % du PIB (Cabo Verde, Maurice).

◗ Dans les pays fragiles, la croissance économique devrait connaître une très légère accélération et passer de 4,6 % en 2021 à 4,8 % en 2022, soit une accélération beaucoup plus modeste que prévu en octobre 2021. En outre, les perspectives risquent fortement d’être révisées à la baisse.

De nombreux pays, en particulier dans la région du Sahel, sont confrontés à des problèmes sécuritaires et à une instabilité politique durables, conjugués à des sanctions régionales et internationales. Les craintes à l’égard de la sécurité alimentaire se sont nettement accentuées en raison de la hausse rapide des prix des denrées alimentaires, ce qui accroît les risques de troubles sociaux. En outre, la hausse de l’inflation et l’espace budgétaire restreint limitent encore les possibilités d’action.

Au-delà de 2022, l’Afrique subsaharienne devrait afficher une croissance légèrement supérieure à 4 % (ou à 1,8 % exprimée par habitant). Cela est nettement en deçà du rythme nécessaire pour que la région compense les pertes de production dues à la pandémie. En effet, les revenus par habitant devraient rester inférieurs de plus de 4 % aux projections antérieures à la pandémie. Par ailleurs, comme la production dans les pays avancés devrait atteindre son niveau tendanciel d’avant la pandémie à court terme, l’écart entre la région et les pays avancés qui est apparu du fait de la crise de Covid-19 risque de perdurer.

L’Afrique subsaharienne peinait à créer des possibilités d’emploi pour sa population active en pleine croissance même avant la pandémie. Néanmoins, le Covid-19 a fragilisé davantage les marchés du travail, surtout dans les secteurs impliquant des contacts nombreux, qui emploient des catégories comparativement plus vulnérables, dont des femmes et des travailleurs peu qualifiés (Aslam et al., 2021).

En conséquence, la tendance à un recul de la pauvreté sur le long terme qui s’était imposée auparavant dans la région s’est inversée et 39 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l’extrême pauvreté en 2020 et en 2021 (Lakner et al., 2020; Banque mondiale, 2022). Parallèlement, les inégalités se sont creusées entre les groupes de revenus et les régions infranationales, ce qui accroît le risque de tensions sociales et d’instabilité politique. La hausse sensible des prix des denrées alimentaires imputable à la guerre en Ukraine risque d’accentuer encore considérablement la pauvreté et les inégalités dans toute la région.

La pandémie a aussi nui à l’accumulation de capital humain, compte tenu de la fermeture prolongée des écoles. En Afrique subsaharienne, les écoles ont fermé pendant 128 jours en moyenne entre février 2020 et octobre 2021, soit bien plus longtemps que dans les pays avancés, où la fermeture a duré 84 jours environ. Les fermetures d’écoles plus longues en Afrique continueront à creuser l’écart de résultats d’apprentissage et à peser sur la croissance à moyen terme.

L’augmentation rapide des prix mondiaux des denrées alimentaires, qui ont atteint leurs plus hauts niveaux en plus de dix ans, a exacerbé les tensions sociales. Les effets sont particulièrement prononcés sur les ménages plus pauvres qui consacrent une proportion beaucoup plus importante de leur revenu aux achats de denrées alimentaires. Cela provoque une montée des craintes à l’égard de l’insécurité alimentaire dans plusieurs pays (Érythrée, Madagascar, R-dC, Soudan du Sud, Tchad). Dans certains pays, l’insécurité alimentaire, couplée à des possibilités d’emploi lentes et inégales, met en péril la stabilité politique.

VA-T-ON VERS DES PERSPECTIVES BAISSIERES?
Une poursuite de la guerre en Ukraine et des restrictions durables aux exportations depuis la Russie pourraient exercer de nouvelles pressions à la hausse sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Cela pèserait fortement sur les pays importateurs de produits de base de la région, en accentuant l’insécurité alimentaire, en alimentant les tensions sociales et en pénalisant le plus les populations vulnérables. Une exacerbation des tensions géopolitiques entre la Russie et les pays occidentaux pourrait aussi accroître l’aversion pour le risque à l’échelle mondiale et augmenter les coûts d’emprunt, surtout pour les pays ayant une position budgétaire plus précaire.

La région est aussi exposée à une accélération du rythme du resserrement monétaire dans les pays avancés. Par exemple, un relèvement imprévu de 25 points de base du taux à dix ans des fonds fédéraux aux États-Unis pourrait amputer la croissance dans la région de quelque 0,25 point de pourcentage, sous l’effet d’une hausse des coûts d’emprunt et d’un recul de la demande extérieure. Aucun pays ne serait à l’abri d’un tel choc.

Néanmoins, les pays préémergents et les pays riches en ressources naturelles sont particulièrement vulnérables. La région est aussi exposée à un ralentissement en Chine, qui représente plus de 20 % des exportations de l’Afrique subsaharienne. Sur le plan intérieur, compte tenu des faibles taux de vaccination, l’Afrique subsaharienne demeure exposée au risque de nouvelles vagues de Covid-19. En outre, comme un grand nombre de personnes restent non vaccinées, le risque d’apparition de nouveaux variants augmente, ce qui menace des vies et des moyens de subsistance dans la région et au-delà.

Les risques de ralentissement peuvent aussi se concrétiser si la situation sécuritaire continue à se détériorer en Afrique subsaharienne. Les projections de référence supposent un relâchement progressif des tensions politiques et militaires dans toute la région. Cependant, si l’instabilité politique et les risques sécuritaires perduraient ou s’aggravaient, les perspectives économiques pourraient se dégrader sensiblement.

Par exemple, des conflits actifs ont tendance à réduire l’activité économique dans les pays concernés d’environ 2,5 % en moyenne et peuvent avoir des effets de contagion très négatifs sur les pays voisins. L’Afrique subsaharienne est aussi fortement exposée à des chocs climatiques, notamment des sécheresses, des tempêtes et des inondations. Ces phénomènes, qui deviennent plus fréquents et plus graves, ont une incidence particulière sur les perspectives de croissance de la région, étant donné sa dépendance à l’égard de l’agriculture et ses ressources limitées pour lancer des opérations d’assistance à la suite de catastrophes.

Une accélération de la campagne de vaccination demeure indispensable afin de réduire le risque de nouvelles vagues de Covid-19 et d’apparition de nouveaux variants.
Pour ce faire, il faudra déployer des efforts à l’échelle nationale et internationale. Sur le plan intérieur, les pays devraient continuer de s’employer à résoudre les problèmes logistiques et d’engager des campagnes de communication pour vaincre les réticences à la vaccination.

En outre, plusieurs pays sont prêts à investir dans des centres de production de vaccins (Georgieva, 2022). La communauté internationale devrait veiller à ce que des dons de vaccins réguliers et prévisibles soient effectués et aider les pays les plus pauvres à financer l’achat de doses supplémentaires.

En plus d’augmenter les taux de vaccination, il est capital d’investir dans les traitements, le dépistage et la surveillance épidémiologique pour renforcer la résilience des systèmes de santé locaux. Outre la lutte contre la pandémie, trois priorités d’action urgentes se dégagent pour la région : contenir les tensions inflationnistes persistantes sans trop peser sur la croissance, protéger les catégories de population vulnérables contre l’envolée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires sans accroître la vulnérabilité liée à la dette, et gérer les ajustements des taux de change en réponse au durcissement des conditions monétaires mondiales.

Les pays de la région ont pour la plupart subi de fortes tensions inflationnistes durant l’année écoulée, qui ont concerné tant les denrées alimentaires (qui représentent environ 40 % du panier de consommation de la région) que les produits non alimentaires. Les facteurs internationaux ont joué un rôle important, par exemple par l’intermédiaire des cours élevés des produits de base, des sécheresses et des restrictions à l’exportation dans les grands pays exportateurs de produits alimentaires, et des pénuries d’approvisionnement à l’échelle mondiale (Choi, 2021).

La guerre en Ukraine a exacerbé ces tensions via des prix encore plus élevés du pétrole et des denrées alimentaires, en particulier du blé, qui est un aliment de base essentiel dans plusieurs pays, dont l’Éthiopie, le Kenya, le Mozambique, le Sénégal et la Tanzanie.

Cependant, la situation dans les différents pays de la région est loin d’être homogène, ce qui semble indiquer que les facteurs locaux jouent un rôle important. Même si des récoltes très abondantes dans certains pays ont permis de maintenir les prix des denrées alimentaires à un niveau modéré, la sécheresse dans la Corne de l’Afrique (Éthiopie et certaines régions du Kenya) et les conflits (notamment dans la région du Sahel) ont eu un impact négatif sur la production et les prix des aliments. Dans les pays qui sont plus tributaires des importations de denrées alimentaires, les tensions sur les prix sont plus marquées en raison de la hausse des prix denrées alimentaires mondiaux.

Les tensions inflationnistes ont aussi été plus prononcées dans les pays qui ont connu des dépréciations plus fortes. Les cours élevés du pétrole ont permis de réduire les pressions sur le taux de change et l’inflation correspondante dans les pays exportateurs de pétrole, alors qu’ils ont provoqué une hausse des prix de l’énergie et de l’inflation dans les pays importateurs de pétrole.

Même si l’inflation a été mieux ancrée et plus basse par le passé dans les pays dotés de régimes de parité fixe, les pressions sur les prix se sont aussi accentuées mais restent modestes (Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Togo).


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