Le Chef de l’Etat pourrait débuter cette semaine son dialogue en vue de la cohésion nationale
  • dim, 17/05/2015 - 14:11

Rarement le Président de la République n’a reçu à sa ferme de Kingakati le Bureau politique de la majorité un jour de semaine. Il faudrait pouvoir faire une plongée dans ses bloc-notes pour voir à quand une réunion de l’instance dirigeante de la majorité présidentielle aurait eu lieu un jour de semaine. Kabila aime à prendre avis, à écouter son interlocuteur, à respecter l’agenda de ses collaborateurs et s’enquiert toujours si telle date, tel endroit, telle heure agréent. Il arrive à ce qu’il évite à inviter un dimanche sauf s’il vous pouvez respecter l’heure du culte... «Voyons-nous après que vous ayez été au culte», l’a-t-on parfois entendu, si c’est un dimanche qu’il lui plairait de vous faire venir...

COHESION, OBJECTIF ULTIME.
Or, la semaine dernière, il y a bien eu une réunion du Bureau politique de la Majorité Présidentielle un jour de semaine, à savoir le mercredi 13 mai. Dirigée par le Président de la République lui-même au titre d’Autorité Morale de la Majorité Présidentielle...
A l’ordre du jour, un message, le sien. Et ce message fut délivré en moins de six minutes sinon moins... Elle doit avoir été très importante cette communication présidentielle pour que le Chef de l’Etat ait estimé devoir faire faire aux sociétaires de sa majorité deux heures de route pour le rencontrer dans sa ferme dans l’hinterland kinois, à Kingakati. Elle fut en effet très importante.
Dans la grande salle de réunion qui sert aussi de restaurant de la ferme présidentielle, le Président de la République est là, arrivé avant tout le monde, assis, à sa table habituelle. Signe qu’il n’y avait pas une minute à perdre et que le temps comptait pour tout le monde? Aussitôt le quorum atteint, il s’assure auprès du secrétaire général de la Majorité à sa droite si la réunion pouvait s’ouvrir! «J’avais un message à vous délivrer et je voulais vous le faire moi-même, afin d’éviter des rumeurs, des on-dit, suite à l’absence d’information, voire de l’intox», débute-t-il.
«En fait, comme vous le savez déjà, depuis deux ou trois semaines, j’ai dépêché un émissaire, à la demande de l’opposition, pour lui dire que j’ai accepté de la recevoir et qu’il s’informe sur ce dialogue qu’ellle appelle, son contenu, les termes de référence, le cahier des charges. Quand et où pourrait-il se tenir? Selon quel format?»
Puis, une fois n’est pas coutume, le Chef de l’Etat a confié cette charge à un haut fonctionnaire de l’Etat - le patron des Services Kalev Mutond - car «les hommes politiques ne se font pas confiance», explique-t-il, toujours avec cette même voix monocorde qui le caractérise. Signe que le Chef de l’Etat, aussi bien de la part de ceux de son camp que de la part de ses compatriotes d’en face, éprouvait le besoin d’une écoute responsable, neutre, pointue, guère engagée. Il a désigné l’un de ces fonctionnaires pour qui seule compte l’intemporalité. C’est-à-dire la vérité. Un homme préoccupé par le seul souci d’Etat quand les politiques passent. Et pour que les choses soient plus claires encore, Kabila se veut plus explicite: «Je fais la différence entre l’homme politique - le politicien - pour qui seule compte sa réélection au lendemain de son élection et l’homme d’Etat pour qui comptent les générations futures». C’est dire si le travail de durée doit se poursuivre: la reconstruction du pays, les chantiers des infrastructures, etc.
Même si au moment où le Chef de l’Etat reçoit à Kingakati la trentaine de membres du Bureau politique auxquels se sont joints des présidents des groupes parlementaires de la majorité des deux Chambres, il semble n’avoir pas bouclé encore la boucle de ses pré-contacts avant le dialogue proprement dit, il va sans dire qu’il a déjà sa propre idée de ces échanges s’il n’a pas reçu les premières compilations.

EGLISES ET DIPLOMATES.
Son envoyé avait en effet mission d’écouter et d’entendre «sur le banc», mais aussi de se faire délivrer un document écrit plus élaboré.
Le dialogue dont le lieu et le format restaient à définir, avait pour «but ultime la cohésion nationale» - «il nous faut préserver l’essentiel» - qui n’est possible que par la paix à consolider, la stabilité à asseoir, la quiétude à délivrer à la population - il n’y a pas de stabilité économique sans la paix, ni de croissance sans la paix - la tenue d’élections annoncées à organiser en dehors d’émotion et agitation.
On pourrait être surpris et arguer que la cohésion fût réalisée aux Concertations nationales dont l’Exécutif actuel est issu. Si cela l’a été, c’est oublier qu’elle est comme le Graal, une quête permanente. Mais le Président de la République n’entendait pas s’enfermer avec les seuls membres de l’opposition radicale. Il veut rencontrer également des hommes de Dieu, les Eglises - l’Eglise catholique peut-être en premier pour prendre ses avis - tout comme des membres du corps diplomatique accrédités dans notre pays.
A ce dialogue qu’on sent imminent, il souhaite se faire une idée aussi large que possible sur comment chacun des acteurs appréhende les questions majeures auxquels le pays fait face. Il ne sera pas acceptable que demain quelqu’un dise que Kabila n’est pas homme de dialogue, qu’il est habité par l’intransigeance... Au contraire, le Président de la République s’est déclaré prêt à écouter qui accepte de venir pour faire le point des contradictions en vue de clarifier les chemins de la reconstruction.
Le Soft International ne cache pas le sentiment de joie qu’il éprouve. Ici même, Tryphon Kin-kiey Mulumba, a écrit: «Il nous faut avec courage parler avec les leaders, qui sont prêts à nous écouter! Tous sont prêts, il suffit de les écouter! Quand les Congolais auront réalisé un consensus en interne dans un pays exposé à toutes les convoitises, il n’y aura pas un diplomate de quelque pays que ce soit pour venir imposer un schéma!» (Lettre à l’Histoire, n°1312, 16 avril 2015). Certainement sauf que ces acteurs locaux sont malheureusement trop souvent des porte-voix de ceux qui les poussent au devant et dont il nous faut saisir et comprendre la pertinence de la démarche.
Le Congo - faut-il le répéter - a un destin: être aux côtés et l’allié des Puissants. «Le Congo au sous-sol qui recèle des ressources fabuleuses, trésor disputé de l’Humanité, s’est trouvé aux côtés de l’Occident triomphant, perd son destin et voit sa classe politique maîtrisant à peine les rudiments de la politique internationale être tentée par le communisme vu de l’Occident comme un ennemi exécrable à éradiquer». «Le Congo a échoué à se faire reconnaître son statut privilégié de pays stratégique (Mobutu l’avait compris et en a tiré profit). Notre pays s’est éloigné de sa trajectoire, abandonnant son destin. Dans la sous-région, le Cameroun, le Gabon, etc., sont restés dans leur orbite. L’Angola, ex-marxiste, a négocié sa mue. Comme le Congo voisin. Le Rwanda nous a-t-il pris notre place?» (Comment aux côtés de l’Occident le Congo gagna la guerre, comment il perdit la victoire» (Le Soft International n°1315, daté lundi 4 mai 2015).
D. DADEI.


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