La motion Shadari qui éteignit la motion Kiakwama
  • lun, 14/12/2015 - 03:25

Dans les couloirs de la majorité, on murmure: c’était ça ou rien. A malin, malin et demi.

C’est au président du groupe parlementaire PPRD - le premier groupe de la majorité parlementaire, secrétaire général adjoint du PPRD - Emmanuel Ramazani Shadari mu Landa (dép. de Kabambare, secteur Bangu Bangu, Maniema) qu’est venu la charge de porter le fer et d’éteindre la motion de défiance contre le Vice-premier ministre Evariste Boshab Mabudj en charge de l’Intérieur et Sécurité. La motion était initiée par des députés de l’opposition Mohindo Nzangi (MSR), Fidèle Babala Wangu (MLC) et Gilbert Kiakwama Kia-Kiziki (CDC). Celui-ci ayant fait le même jour le déplacement de l’île de Gorée, au Sénégal, où se tient un rassemblement d’opposants et d’activistes congolais, c’est Fidèle Babala Wangu qui a donné lecture du texte.
Aussitôt après, Emmanuel Ramazani Shadari mu Landa est passé à la contre-attaque par une motion incidencielle violemment attaquée sur les rangs de l’opposition qui ont été désertés, les députés de l’opposition promettant de boycotter les plénières tant que la Cour constitutionnelle n’a pas départagé les deux camps. L’opposition dénie le fait qu’une motion de défiance puisse être attaquée par une motion incidentielle, avis que ne partage pas la majorité. Ci-après, le texte de Shadari:
«Je voudrais intervenir par motion incidentielle par rapport à la motion de défiance initiée par nos collègues députés de l’opposition, en l’occurrence 52 députés nationaux qui au demeurant ont usé de leur pouvoir de contrôler et ou de sanctionner ceux qui gèrent l’appareil gouvernementale au quotidien.
Je ne voudrais pas revenir ici sur la volonté autrefois manifestée par notre plénière, volonté tendant à mettre en place une commission ad hoc chargé d’examiner la recevabilité de toute motion de défiance ou de censure avant son examen par notre Chambre. Je n’y reviens pas parce que les choses sont, on ne peut plus claires. C’est-à-dire que visiblement en lisant attentivement la motion de défiance de nos collègues, on se rend compte sans difficultés que ladite motion ne présente aucune chance de recevabilité pour plusieurs raisons dont les plus fondamentales sont:
D’abord, la motion sus évoquée remet sous débats des interrogations sur lesquelles la Haute Cour, je vais dire la Cour constitutionnelle a déjà tranchées. Les signataires de la motion, du reste tous de l’opposition, reprochent au Gouvernement la non application de la loi de programmation du 28/02/2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces d’une part, et d’autre part dans l’exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 8 septembre 2015 d’avoir délibérément violer la Constitution.
Or, la Cour constitutionnelle, comme tout le monde le sait, a déjà formellement pris position sur ces deux griefs, position qu’il n’appartient pas à l’Assemblée nationale de reconsidérer par l’examen de cette motion, et ce, en vertu de l’article 151 de notre loi fondamentale.
Concernant la non application de la loi de programmation par exemple, la difficulté de son exécution a été très suffisamment mise en exergue par la même Cour Constitutionnelle dans l’arrêt du 8 septembre 2015 lorsque saisie par une rêquette en interprétation de certaines dispositions de la loi sur la programmation et la loi électorale, la Cour a relevé elle-même l’incompatibilité de tenir un calendrier électoral d’organisation des élections des Gouverneurs et Vice-gouverneurs dans les nouvelles provinces, qui sont conformes à la fois à la loi de programmation et à l’art. 168 de la loi électoral. Et la Cour a constaté, je cite «un cas de force majeure irrésistible et insurmontable empêchant la Commission électorale nationale indépendante d’organiser dans les délais légaux les élections des Gouverneurs et Vices gouverneurs dans les nouvelles provinces».
Par ailleurs, la conformité des mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement, plus explicitement, de l’ordonnance nommant les Commissaires spéciaux du Gouvernement, a également fait l’objet d’une prise de position nette et claire de la part des 9 sages de la République. En effet, saisie sur requête en annulation formulée par Mme Babandowa, la Cour constitutionnelle, là aussi, a formellement déclaré lesdites mesures conformes à la constitution. Alors, pourquoi devrons-nous nous atteler à l’examen d’une motion qui prend le contre-pied de la position de la Haute Cour? N’est-ce là nous offrir la plus belle occasion de mettre en mal l’article 151 de la Constitution al. 2 qui consacre que le «pouvoir législatif ne peut ni statuer sur les différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s’opposer à son exécution».
Revenir sur la position de la Cour Constitutionnelle c’est comme si notre Chambre institue une forme de recours en examen de l’arrêt de la Cour constitutionnelle auquel cas l’on s’expose à violer intentionnellement l’art 168 de la Constitution qui rappelle que «les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires.
Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers». Qui dit mieux?
Non, il ne faut pas chahuter les positions de la Cour, sinon nous devenons des juges pour juger les hauts juges de la Cour.
Mais, bien plus, il convient si l’on veut bien, déplorer pour la énième fois la mauvaise orientation de cette motion de défiance. Celle-ci a visé ou ciblé un membre du Gouvernement, en l’occurrence le Vice Premier ministre, à qui elle reproche malencontreusement d’avoir nommé les Commissaires spéciaux.
Or, nous le savons parfaitement, ceux-ci ont été nommés par ordonnance contresignée par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement qui en a la responsabilité politique. Et que donc, si par une hypothèse négative, l’on devrait envisager une quelconque mise en cause, c’est donc à ce niveau là qu’il aurait fallu orienter l’action, et auquel cas ce serait une motion de censure avec ¼ des membres qui constitue notre Chambre.
Non, chers collègues, arrêtons la confusion et je demande à la plénière de voter pour cette motion incidentielle en refusant de soumettre la motion de défiance au débat et donc à la procédure en raison du fait que cette démarche nous exposera à coup sûr à la violation flagrante des articles 151 et 168 de la Constitution et, à tout le moins, nous conduit illégalement vers une mauvaise cible, l’action étaient mal orientée.
J’ai dit.
RAMAZANI SHADARI.


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