L’épouse Matata Ponyo au cœur du scandale de Bukanga Lonzo
  • lun, 22/02/2021 - 19:42

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1519|LUNDI 22 FEVRIER 2021.

Constamment, une question taraude les esprits au Congo et à l’étranger : pourquoi Augustin Matata Ponyo Mapon fait la publicité de ses œuvres de bienveillance et de bienfaisance installées à Kindu, sa ville natale dans le Maniema?

Que l’inauguration en grande pompe le 27 octobre 2017 de l’Université Mapon, œuvre de la Fondation Mapon, devant des personnalités du pays, des lobbistes, des journalistes, des envoyés spéciaux, des télés, en mondovision, se soit déroulée sur ce modèle, passe ! Que cette campagne de publicité qui tire au tape à l’œil, à l’inconsommable propagande politique se poursuive des années plus tard et s’installe en permanence, interloque.

L’ancien Premier ministre resté près de cinq ans à ce poste, du 9 mai 2012 au 17 novembre 2016, après avoir été, deux ans et demi, le Grand Argentier national - ministre des Finances de la République - a-t-il besoin de se justifier en permanence pour se faire bonne conscience? Veut-il vendre son politics model, à savoir, «volez mais volez bien», en clair, faites bon usage du fruit du pillage du Trésor public ?

En écoutant en fin de semaine les évêques de la CENCO partis à Kindu à l’ordination d’un des leurs, Mgr Francois Abeli Muhoya Mutchapa sans s’empêcher d’honorer une invitation de l’ex-Premier ministre, acceptant un détour par la Fondation Mapon et son ouvrage culte - l’Université Mapon avec ses bâtiments style gothique, ses belles salles de cours, ses laboratoires top high tech, ses repas chauds servis à temps par des dames habillées en uniforme, le « sens élevé d’organisation » de cet homme à la cravate rouge que certains disent bling-bling, la duplication à Kindu de la Place des Évolués de la Gombe, etc., tout digne de l’Occident - comment ne pas se poser la question ?

Des prélats qui s’émerveillent aux micros des journalistes appelés pour la circonstance et dont les mots de dévot sont diffusés en direct par Facebook Live, YouTube, Periscope, Twitch et l’un d’eux qui se surprend quand l’ancien Premier ministre sort son mot culte - « leadership » - et compare son «leadership à celui de Jésus »...

POLITICS MODEL PRÔNÉ PAR UN PRÉLAT À KINDU.
Mais il y a cette phrase étonnante faisant l’apologie du crime économique au moment où l’Inspection Générale des Finances à l’appel du Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo plonge dans les dossiers noirs de la République faillie et fouine dans le passé des gestionnaires publics : « Si chaque Congolais élevé à son rang, arrivait à faire comme lui, on aurait un village où il y aurait plusieurs foyers de feu et qui serait donc éclairé » !

En clair, si chaque Premier ministre, chaque ministre, chaque mandataire public, chaque fonctionnaire de l’Etat, pouvait se faire corrompre, piller l’Etat et réaliser en retour plusieurs ouvrages dans sa contrée natale, le Congo s’en porterait bien mieux!

Le même prélat Bernard- Marie Fansaka Biniama, évêque de Popokabaka, province du Kwango, Grand Bandundu, désigné porte-parole de circonstance, va droit au but, sort la phrase mémorisée : «Monsieur Matata Ponyo mérite d’être hissé parmi les Congolais les plus respectables». Incroyables prélats catholiques...
Comment qualifier ce politics model qui rappelle les propos moqués de Mobutu : « Yiba mais yiba na Mayele » (Volez mais volez bien) ?

Qui ne sait que l’argent a peur du bruit ! Que les brillants financiers qui impressionnent les leurs par un parler à la vitesse lumière sont les pires individus qui existent au monde ! Qui ne sait que qui affecte le culte affiné des leçons philosophiques pour façonner son image cache des cadavres dans ses placards ! Ces cadavres que cherche à cacher l’ex-Premier ministre sont-ils en lien avec le dossier Bukanga Lonzo, ce projet de parc agro-industriel aux confins de la province du Kwango et de celle du Kwilu qui fut présenté par l’ancien président Joseph Kabila comme le projet phare de sa mandature après une entrée en fonction fortement contestée ?

«Derrière chaque grande fortune se cache un crime tout aussi grand», Honoré de Balzac, a rappelé si opportunément, le 20 février 2021, le Haut Représentant du Président de la République, Kitenge Yesu. Le 26 novembre 2020, le même lâchait cette charge prophétique contre ces prélats : «Je crois que les Evêques sont en train d’abandonner leur mission principale». Sans en recevoir mission, les évêques avaient couru, après être sortis d’une audience avec le Président Tshisekedi dans le cadre des Consultations présidentielles, pour aller frapper à la porte de l’ex-Président Kabila, puis de celle de l’opposant Martin Fayulu Madidi...

Selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances qui fait grand bruit, au moins 80 millions de US$ sur les 285 millions de US$ décaissés par le Trésor public pour financer ce projet, attendent d’être retracés.
S’il faut reconnaître à l’ex-Premier ministre un sens rare d’organisation et le soin qu’il met dans ce qu’il entreprend au point de faire du discours de leadership sa marque de fabrique, cela empêche-t-il que la vérité éclatée condamne ou dédouane une gestion?

Tenter de l’éluder par la voie d’un tribunal médiatique stipendiée ou d’une propagande fétide vantant la qualité des infrastructures réalisées dans sa ville natale ne saurait justifier le crime perpétré par le pillage des ressources de l’Etat. Pourrait-on dire que dans tous les cas, ces ressources seraient pillées par l’un ou l’autre membre de la fratrie régnante et puisqu’elles doivent l’être, autant qu’elles le soient pour des projets où des enfants étudient et mangent gratuitement, des enseignants logés dans des cités modernes par une fondation philanthropique? Mais là est un débat de philosophie politique...

Si, à ce jour, l’ancien Premier ministre n’a eu de cesse de brandir son sens de gouvernance en réclamant des preuves de détournement, des précisions sur la débâcle de ce projet, voici que les pistes qui mènent vers les coupables de ce crime économique organisé, planifié se dégagent jour après jour faisant tomber les masques quand la vérité toute nue éclate.

CES PISTES QUI CONDUISENT VERS MME MATATA.
Ainsi, les enquêteurs viennent d’identifier six autres sociétés congolaises impliquées dans le projet Bukanga Lonzo. Lonzo Natural Ressources, LNR Sarl en abrégé, Mabo-Kit Sarl, Agri Kwango Sarl, en abrégé Agrik Sarl, Jivento Group Sarl, Feed Africa Sarl. Cette dernière Feed Africa Sarl enregistrée sous CD/KIN/RCCM/14-B-2683, id. nat. 01-000-N83155Z avec siège sur l’avenue Kabasele Tshamala, ex-Flambeau, au numéro 8225, immeuble Modern Paradise, 1er étage, bureau MBM Conseil, commune de la Gombe, est curieusement associée à la fameuse société sud-africaine Africom Commodities qui créa une autre Africom Commodities DRC Sarl représentée par le même Sud-africain Christo Grobler outre Agri-Kwango Sarl dont la gérante est Mme Betty Mayala Mabumbi, cette même dame étant gérante de la société Mabo-Kit Sarl. Autre piste : le fait que la société Feed Africa Sarl et Jinvento Group Sarl sont deux entreprises représentées par un même homme, Me Gérard Mosolo.

Les pistes s’accumulent : la société LNR Sarl (Lonzo Natural) qui appartient à l’ex-ministre délégué aux Finances près le Premier ministre, Patrice Kitebi Kibol Mvul, est logée à la même enseigne que Feed Africa Sarl Ressources, à savoir, avenue Kabasele Tshamala, ex-Flambeau, au numéro 8225, immeuble Modern Paradise, 1er étage, bureau MBM Conseil, commune de la Gombe.

Si les deux sociétés sud-africaines partenaires au sein de Feed Africa Sarl à savoir M-Power Group (Pty) Ltd, 635, Makou Street Monument Park, Pretoria 0181, RSA et Michigan Farming (Close Corporation), Dr Beyers Naudestraat 43, Lichtenburg, RSA, disposent chacune de 15 parts au sein Feed Africa Sarl, soit un total de 30 parts, soit 600 US$, un nommé Édouard Matata Shwiti-Lya Mbemba né à Ngongo, le 30 octobre 1941, résidant sur avenue Drey Pont, Kinshasa-Ngaliema, et Mme Hortense Kachoko Mbonda née à Kasongo le 4 août 1972, résidant au nr 14, avenue de la Plaine, Kinshasa-Ngaliema, ont chacun plus du double des parts des premiers soit 35 parts en ayant déboursé chacun 700 US$, soit un total de 1400 US$.

Le capital social de Feed Africa Sarl est de 2000 US$. En clair, aucun risque pris...
Or, témoignent des proches du dossier, lorsque le 9 mai 2012, le ministre des Finances Matata traverse le boulevard du 30-Juin et devient Premier ministre, il met tout son poids pour que le ministère qu’il a dirigé du 19 février 2010 au 18 avril 2012, n’ait pas à sa tête un ministre de plein exercice mais un simple délégué auprès du Premier ministre et désigne à ce poste son homme de main, un servile exécutant des ordres, Patrice Kitebi Kibol Mvul, ce qui ne rend pas celui-ci moins responsable devant le parquet.

En allant à la Primature, le ministère des Finances a été mis sous tutelle du Premier ministre. C’est à cette époque que sont lancés tous les grands projets économiques de la mandature Kabila après les élections contestées du 28 novembre 2011, et décidés non en conseil des ministres mais à des réunions des groupes ministériels thématiques se déroulant chaque lundi au lever du jour à l’Hôtel du Conseil et présidées par le Premier ministre Matata. Qui, à l’occasion, présente lui-même les dossiers de certains ministères sectoriels clé qu’il approuve immédiatement.

DONS REÇUS CONTRE QUELS SERVICES RENDUS?
C’est le cas de l’immeuble dit Intelligent, des sociétés TransCo, Congo Airways, de l’aérogare modulaire internationale de N’Djili, du projet d’acquisition des locomotives de la SNCC, du lancement du projet fibre optique dont les contrats furent signés du temps du ministère des Finances et qu’il va gérer directement à la Primature au grand dam du comité de gestion de la société historique des télécommunications SCPT.

Il en va des fonds générés par l’exploitation de la fibre optique par les entreprises cellulaires logés sur un compte dont le seul centre d’ordonnancement est le Premier ministre lui-même.
Dans le cadre du projet Bukanga Lonzo, témoignent des proches du dossier, documents à l’appui, les millions de US$ ordonnés par le duo Kitebi-Matata via la Banque Centrale du Congo sont intégralement versés à la société sud-africaine Africom Commodities (Pyt) Ltd via la banque sud-africaine Standard Bank.

De ces millions de US$, 20% vont à l’achat des matériels destinés au projet du parc agro-industriel et 80% (oui vous avez bien lu 80% de ces millions de US$) sont redirigés vers la société congolaise Feed Africa Sarl dont le compte bancaire est logé à la banque Standard.
A quoi servent ces millions de US$ versés à la société Feed Africa, elle qui n’a aucun lien avec Africom Commodities (Pyt) Ltd, n’est ni fournisseuse ni prestataire de services du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo?

Sur papier Feed Africa Sarl exerce des activités d’exploitation agricole et d’élevage, de parc et de tourisme et parc, les mêmes que Africom Commodities. Autre piste hautement suspecte: Feed Africa Sarl vient au monde le 24 juin 2014 quand, moins d’un mois plus tard, le 15 juillet 2014, Kabila lance Bukanga Lonzo.
Hasard de calendrier?

Quand, dans son rapport fuité, l’Inspection Générale des Finances conclut à une « planification » de cette pieuvre financière et désigne «l’auteur intellectuel» de la faillite de Bukanga Lonzo, ce service attaché au Président de la République, tient la vérité toute crue dans ses mains. Encore que sur Google.fr, on apprend que Mme Hortense Kachoko Mbonda n’est autre que la partenaire conjugale du Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon.

Il reste des questions. L’ex-Premier ministre a toujours vanté la qualité des dons reçus qui lui ont permis d’ériger ses ouvrages dans sa ville natale. Il s’agit de savoir ce qui justifie ces dons quand il est évident que l’homme d’affaires ne fait de don à des officiels qu’après avoir été «bien reçu». Quel geste le Premier ministre Matata a posé à l’égard des différents hommes d’affaires qui l’ont servi en retour? Quel intérêt les miniers du Katanga ou d’ailleurs ont d’aller ériger des infrastructures loin de leur site d’exploitation quand ils doivent soigner leur image auprès des communautés locales où ils assurent la production?

A une justice libre et indépendante de piocher. Et les prélats catholiques de la CNECO malléables et corvéables à merci quand le Saint-Siège leur refuse tout subside, apprendront que ces ouvrages vantés, sont la face visible d’un iceberg, un cadeau non tombé du ciel, mais le fruit d’un système de corruption à grande échelle.
Sur la statue géante que la population si fortunée de Kindu aurait érigée en face de l’Assemblée provinciale en vue de passer à la postérité la mémoire de son digne fils, son histoire reste à raconter.
ALUNGA MBUWA.


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