L’éloge funèbre de Kabund à Ya Tshitshi
  • mer, 19/06/2019 - 02:03

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
DOCUMENT.
Le Soft International n°1458|MERCREDI 19 JUIN 2019.

Témoin de l’Histoire immédiate, Le Soft International ne pouvait clore le chapitre des obsèques de l’une des icônes les plus emblématiques du siècle congolais sans publier l’un des moments clés de ces trois jours de célébrations que fut l’hommage public rendu par le président a.i de l’UDPS à celui qu’il appelle «mon maître», Etienne Tshisekedi wa Mulumba.

Dans un Stade des Martyrs prévu pour accueillir 80.000 personnes, Jean-Marc Kabund-A-Kabund, chemise blanche, coiffé d’un béret «muniéré» (chapeau emblématique de Ya Tshitshi), a prononcé ce samedi 1er juin, dernier jour de ces trois jours de funérailles, un éloge à n’en point douter vibrant déclarant notamment qu’«à l’instar d’un Gandhi, d’un Nelson Mandela, d’un Martin Luther King, le combat d’Etienne Tshisekedi était pour la dignité, la liberté et l’épanouissement de l’homme congolais»; que Ya Tshitshi «était l’incarnation de notre liberté d’expression, la cristallisation de notre Etat de droit et le rempart de notre démocratie.
Ci-après, en intégralité. Uniquement Le Soft International.
Son Excellence Monsieur le Président de la République (avec mes hommages les plus déférents)
Leurs Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs, en vos titres et qualités et tout protocole observé.
Distingués Invités,
Chers Compatriotes,
Chère Maman Marthe,
Combattantes et Combattants de la liberté,
L’émotion est d’autant plus forte, d’autant plus prenante qu’aucun mot, aucune phrase, ne peut en ce moment traduire fidèlement ma pensée, ni consoler les deux familles, biologique et politique, du Dr Etienne Tshisekedi.
Autant il est illusoire d’arrêter un ouragan en activité, autant il est impensable que s’estompe, aussi brusquement que brutalement, la mémoire d’un grand homme.
La leçon positive que je peux, à ce jour, tirer de ce sombre épisode de notre vie politique, c’est que, même physiquement disparus, les grands esprits continuent toujours d’agir.
De ce fait, l’histoire de ce pays retiendra qu’il aura fallu plus de deux ans pour faire le deuil de l’opposant le plus emblématique de ce pays. Ce phénomène, pour le moins extraordinaire, nous fournit par la même occasion quantité d’enseignements sur le caractère exceptionnel de cet homme d’Etat.
Qui l’aurait cru et imaginé?
Personne n’avait prévu cette séquence, ni vu venir le coup du maître.
Aussitôt sa disparition annoncée, aussitôt l’esprit du Sphinx de Limete s’est mis à réécrire, tel un grand maître d’orchestre, sa propre partition.
Un concerto conçu de telle sorte qu’aucune influence politique n’en falsifie ni ne dénature les précieuses notes.
En dépit de nos attentes douloureuses, de nos questionnements légitimes et de nos tergiversations inexplicables, la force était à la nature et la nature était aux commandes.
Voici enfin le moment pour nous de poser un acte fort, juste et historique en mémoire de celui dont nous saluons le combat politique.
A ce titre, nous sommes à la fois reconnaissants et fiers.
Oui, le Congo profond, dans ce qu’il a de plus noble, dans ce qu’il a de plus naturel et sincère se réunit symboliquement en ce haut lieu sportif pour enfin communier, comme un seul homme, avec l’instant présent.
Faisant fi de nos diversités culturelles, oubliant pour un temps nos adversités philosophiques et politiques, nous témoignons ce jour, de façon grandiose, notre infinie reconnaissance à ce grand homme de cœur, à ce grand homme d’Etat.
Sa disparition à Bruxelles, en Belgique, voici déjà plus de deux ans, avait provoqué en nous une grande et effroyable consternation. Et depuis, celle-ci n’a cessé d’interpeller notre conscience en tant que peuple.
Oui, le Congo profond est fier d’avoir connu et partagé, un tant soit peu, chacun à sa manière, la vie exceptionnelle et le parcours exemplaire de ce digne fils.
Aujourd’hui encore, notre marque de reconnaissance et notre sentiment de fierté à son endroit constituent, en ce moment précis, d’indéniables preuves que le passage sur cette terre des hommes, du Dr Etienne Tshisekedi, n’aura été ni insipide ni incolore. Mieux, autant le sel relève la saveur, autant les enseignements de ce grand maître à pensée a relevé en chacun de nous le goût de la démocratie et de l’Etat de droit.
Comme pour réjouir une dernière fois nos papilles gustatives en la matière, sa mémoire nous convie, une fois de plus, à cette solennelle cérémonie aux allures d’une grande festivité nationale.
Venant de partout et d’ailleurs, à travers le Congo profond et, au travers de la diaspora, nos compatriotes, toutes tendances confondues, ainsi que des amis africains et autres, nous ont rejoint en ce lieu, animés d’un esprit de fraternité universelle, afin de saluer et d’honorer la mémoire de ce grand, de ce digne fils et serviteur de son pays, dont le combat et la pensée politique nous inspireront toujours.
Pour ma part, c’est avec un sentiment de devoir accompli et un immense honneur que je joins ma voix à celle de sa famille biologique pour vous exprimer ici notre profonde gratitude pour vos marques de sympathie.
Face aux Congolais et devant vous, j’ai le cœur plein de reconnaissance pour prononcer les mots que chacun pourrait dire à ma place avec hauteur et dignité qu’imposent pareilles circonstances.
Je salue donc, d’un mot et d’une seule phrase, vous tous et toutes qui êtes rassemblés ici ainsi que les représentants des pays partenaires, différentes personnalités et associations.
Votre présence, aussi nombreuse que réconfortante en ce lieu, témoigne, à ne point douter, non seulement de l’importance de l’événement à vos yeux, mais aussi de votre compassion.
Au nom de l’UDPS, notre parti, notre Alma mater, que j’ai l’honneur de représenter ici, je vous remercie infiniment.

Chers compatriotes,
Il était impensable que la dépouille mortelle d’Etienne Tshisekedi soit définitivement et indéfiniment contrainte à un quelconque exil forcé. Malgré la controverse et les incompréhensions qui s’en étaient suivies, tout de suite après l’annonce de son décès, nous avions la ferme conviction que la dépouille mortelle de Ya Tshitshi devait, tôt ou tard, être honorée et inhumée dans son pays. Lui qui, de son vivant, même au plus fort d’une dictature impitoyable, n’avait jamais pensé, ne serait-ce qu’un seul instant, trouver refuge nulle part ailleurs qu’en RDC. Parce qu’il était convaincu de la justesse et de la légitimité de son combat.
Parce que ce combat était toute sa vie et que celle-ci n’avait de sens qu’à travers ce combat. Enfin, parce qu’il était de la trempe de ces héros qui ne se résignent pas à la moindre difficulté mais qui, pour faire triompher la justice, sont pleinement disposés à en payer le prix. Même le plus fort. C’est ici le lieu de rendre à ce digne fils de notre pays un hommage appuyé et mérité, lui dont l’unique ambition fut de contribuer à instaurer un Etat de droit, véritablement démocratique.
Un Etat plus démocratique où ce ne sont ni les humeurs ni les émotions qui gouvernent au quotidien.
C’est en raison de cette altruiste ambition qu’Etienne Tshisekedi sacrifia son bonheur personnel et dédaigna toute jouissance matérielle éhontée, cette gangrène qui nuit à notre société.
Quel admirable exemple d’abnégation que nous tenons de ce grand homme!
Quelle leçon magistrale de patriotisme qu’il nous administre! Face à l’adversité de la vie politique, son courage fut légendaire.
Pour servir l’intérêt général, son dévouement fut sans limite.
Pour ce combat, sa détermination fut à la fois renversante et bouleversante. Elle force donc aujourd’hui notre admiration. En ce moment historique de communion fraternelle, le monde entier nous regarde et observe, à travers les lucarnes de l’histoire, notre manière d’honorer sa mémoire mais aussi son œuvre.
En témoignent de nombreux messages de soutien reçus de par le monde ainsi que la présence parmi nous d’importantes délégations des pays partenaires.
Ce vaste et gigantesque rassemblement de ce jour dépeint un tableau idyllique de la proximité de tout un peuple avec son leader. Bien plus, il convainc, si besoin en était encore, de la profondeur de cette relation intergénérationnelle que cet homme politique a su entretenir, durant plus de trois décennies, avec tout Congolais, de tout âge et de toute origine confondus.
En effet, parler du Dr Etienne Tshisekedi, même après sa disparition, est loin d’être chose facile, vu la complexité du personnage, la fascination et l’intrigue que ce dernier suscitait à la fois en chacun de ses interlocuteurs. Je sollicite par conséquent votre indulgence.
Cependant, permettez-moi, en revanche, de saluer très chaleureusement et de manière spéciale, celle qui l’a accompagné tout au long de sa mission sur cette terre. J’ai donc cité notre très respectée et chère Maman Marthe. Qui d’autre mieux qu’elle, peut prétendre trouver des mots justes pour décrire celui aux côtés de qui elle a, des années durant, joué un rôle remarquablement important?
Aucun discours autre que le sien, ne peut contenir ni décrire dans les règles de l’art le parcours exceptionnel de cet homme à la fois simple et difficile à cerner.
Fidèle compagne de longue lutte, elle nous a longtemps habitués à admirer l’image d’un couple combattant de la liberté. L’image d’une grande complicité à toute épreuve. Celle qui se raréfie dans notre contexte.
Ensemble, ils ont, en toute conscience, fait le choix de vivre une vie de combat et de privation en tout genre.
Non pas seulement pour leurs propres enfants. Mais pour les enfants du Congo.
Aujourd’hui, non seulement nous partageons sa douleur de veuve éplorée, mais nous sommes aussi fiers d’elle.
Qu’elle trouve ici l’expression de notre profonde gratitude et de notre déférence inconditionnelle.

Mesdames et Messieurs,
Combattantes et Combattants de la liberté, Chers compatriotes,
C est ici même dans ce lieu qu’Etienne Tshisekedi, revenant d’un périple euro-américain, défia publiquement, pour la première fois, le pouvoir de l’époque en convoquant une gigantesque manifestation populaire. Du jamais vu ni vécu auparavant dans ce pays. Ce fut un moment non sans risque de sa consécration en tant qu’opposant à un système dictatorial impitoyable.
Aujourd’hui, comme pour faire un clin d’œil à cette histoire récente de notre pays, le destin a voulu que la dépouille de ce digne fils du Congo soit exposée en ce même lieu, au milieu des Congolais venus de partout pour rendre hommage à ce grand leader dont le parcours n’a jamais été aussi simple.
Un parcours du vrai combattant de la liberté, un parcours semé d’embûches mais, chose extraordinaire, un parcours voulu et assumé dans un contexte extrêmement difficile et risqué. Il fallait y vivre à l’époque pour en comprendre la cruauté.
Au point que, même entre amis se retrouvant entre quatre murs, les Zaïrois de l’époque avaient une peur bleue pour citer un nom, celui d’un homme, de surcroît un mortel comme eux.
Dans cette atmosphère de terreur, combinée d’un silence complice, il eut fallu le courage d’un groupe d’hommes, députés nationaux de leur état, pour enfin oser. Oser porter un regard critique sur la société zaïroise de l’époque et sur son régime politique. Oser prendre le contre-pied d’un mensonge institutionnalisé et embelli, d’un mythe entretenu par la violence et à coup des récompenses matérielles.
Aussi, les 13 parlementaires rompirent-ils le silence complice par le biais d’un mémorandum de 52 pages, dans lequel tous les travers d’un régime autocratique furent passés au peigne fin.
Vous vous en doutez, les conséquences ne se firent pas attendre. Avec une cruauté indescriptible que seul le régime en avait le secret et l’expertise.
Elles étaient, ces conséquences dis-je, d’autant plus impitoyables et humainement dégradantes que la grande majorité avait fini par abandonner le combat, lassée par une vie de privation et de relégation incessante.
Certains trouvèrent refuge à l’étranger, tandis que d’autres finirent purement et simplement par faire amende honorable et réintégrer le régime.
Seule, une poignée d’hommes restèrent constants, subissant ainsi toutes les brimades. Parmi eux, un seul nom, un seul caractère, une seule personnalité sortait du lot Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
Une intelligence vive et fine se dégageait de ce tribun et qui en imposait, naturellement et indubitablement!
L’expérience politique de cet homme que l’exercice du pouvoir a rendu à la fois discret et taciturne n’est pas, à plus d’un titre, sans intérêt scientifique, loin s’en faut.
Parce qu’il fut également un scientifique et un intellectuel de haute facture.
En effet, au lendemain de l’indépendance, il donna ses lettres de noblesse à une prestigieuse institution de la République dont la principale mission, pour faire face à la carence, fut de former l’élite de notre appareil judiciaire et de notre administration. J’ai nommé ENDA, Ecole Nationale de Droit et d’Administration.
Un homme de caractère et brillant, qui a vu le jour un certain 14 décembre 1932 à Luluabourg, et dont le parcours laisse à la fois dubitatif et admiratif.
Rare un destin ne s’est autant conjugué avec l’histoire d’un peuple et de toute une Nation.
A ce secret de parcours extraordinaire, teinté d’une rare simplicité qui, à la fois fascine et inspire, s’ajoute une constance à toute épreuve jamais égalée. Ce qui a fait dire, à tort ou à raison, à plus d’un observateur de la vie politique congolaise que Monsieur Tshisekedi Etienne était «têtu et fier». Têtu? Je n’irais pas jusqu’à l’affirmer.
En revanche, fier. Oui, bien sûr, j’en suis moi-même convaincu qu’il était fier d’être Congolais, à l’instar de Kimpa Vita, de Kimbangu et de Lumumba.
Tels furent nos héros, tel a vécu Etienne Tshisekedi.
Nous l’avons tous côtoyé, chacun à des degrés différents et dans des circonstances tout aussi différentes. Pour ma part, je peux en effet témoigner du privilège que j’ai eu de travailler à ses côtés.
Quelle que fût la durée ou la longueur de contact avec lui, son charisme tranchait, son idéal impressionnait, tout comme son calme intimidait.
De même, sa clairvoyance de faits politiques illuminait le sens commun du patriotisme et, par ricochet, davantage aujourd’hui qu’hier, a fait des Congolais un bataillon d’individus convaincus de la légitimité de son combat.
Par ce temps d’alternance historique et pacifique que vit désormais notre pays, je me fais le devoir sacré de rappeler ici présent, de manière solennelle, que ce n’est pas tant pour lui personnellement qu’Etienne Tshisekedi aurait accepté les honneurs. C’est plutôt pour tous les martyrs de son combat, de notre combat depuis la IIème République jusqu’à ce jour.

Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,
Il vous souvient qu’au lendemain de notre indépendance, notre pays fut confronté aux vicissitudes de sa jeune existence. Etierme Tshisekedi fut du nombre de ces rares jeunes élites intellectuelles de l’époque, appelées à la rescousse. C’est avec compétence et dévouement qu’il eut à cœur d’accomplir sa tâche. Homme résolu et déterminé, il réalisa très vite que l’intérêt du peuple congolais était au-dessus de tout avantage personnel et égoïste qu’il pouvait tirer de sa position.
Aussi, sans hésiter, prit-il partie pour le peuple. Et depuis, les deux destins n’ont eu de cesse d’évoluer ensemble.
Comme vous aurez remarqué, de tous ces fronts, l’objectif était d’abord d’amener le peuple à vaincre la peur, ensuite à se prendre en charge.
Ce travail, bien que laborieux et périlleux, finit par produire des résultats escomptés, notamment avec la réinstauration au Zaïre du multipartisme et du pluralisme syndical, la liberté d’expression recouvrée ainsi que l’élan démocratique que nul ne saurait aujourd’hui freiner, voire annihiler.
A l’aune de la maturité politique acquise par les Congolais, il y a donc lieu d’affirmer aujourd’hui que le pari est gagné.
Un tel engagement, un tel dévouement ne se fait guère jamais sans conséquences sur le plan personnel et familial.
Malgré plusieurs fois relégué, au sens propre comme au figuré, au ban de la société, humilié et violenté, jamais l’homme ne céda une parcelle de sa dignité, ni fit le moindre quartier à ses tortionnaires. Sans désemparer, il poursuivit son combat.
Quand bien même sa santé lui fit défaut, il était, avec le peuple congolais, sur le champ de bataille pour remporter des victoires.
Fort de son idéologie prônée et assumée de non violence, il démontra en droit et en fait les limites de la lutte armée. En effet, entre 1998 et 2002, il y eut partition de fait de notre pays.
Optimiste, il prit volontiers son bâton de pèlerin et parcourut le monde afin de prêcher la paix. Entre 2002 et 2003, les accords de Sun City, en Afrique du Sud, furent signés, à la grande satisfaction de tous les belligérants; sans que notre défunt Président n’y trouve son intérêt personnel.
Tout récemment encore, en 2016, en dépit d’une santé fragile, tel un signe prémonitoire d’une dernière bataille à livrer, il s’était personnellement investi dans la lutte pour le respect de la limitation de mandat présidentiel. A cet effet, il ne ménagea aucun effort. De sorte que, au 31 décembre de la même année, les accords dits «de la Saint-Sylvestre» furent conclus.
Salués aussi bien par le peuple congolais dans son ensemble que par la communauté internationale, ceux-ci ont eu pour avantage d’éviter le chaos qui se profilait déjà à l’horizon.
A chaque tournant décisif de l’histoire politique de notre pays, les Congolais ont su compter sur lui.
Quand on leur posait la question de savoir pourquoi, toutes générations confondues répondaient qu’à travers son courage, sa probité morale, sa clairvoyance et sa détermination, elles entrevoyaient, en filigrane, une lueur d’espoir pour notre pays. Il était l’incarnation de notre liberté d’expression, la cristallisation de notre Etat de droit et le rempart de notre démocratie.
Trop souvent, les faits lui ont toujours donné raison, tel un prophète incompris de son époque.
Sans nul doute, a-t-il contribué de manière significative à façonner la conscience politique congolaise et à démontrer à ses compatriotes qu’aucune dérive dictatoriale ne pouvait indéfiniment prendre en otage les aspirations à la liberté de tout un peuple.
Mais également, il nous a enseigné, par sa vie, le sens élevé de la dignité et le respect de principes.
Le président Tshisekedi fut aussi un modèle.
Un modèle d’intégrité face à l’immoralité.
Un modèle de courage face à l’épreuve.
Un modèle de dignité face à la compromission. Un modèle de pardon face à la rancune. Un modèle de clairvoyance face à l’obscurantisme.
Voilà ce qu’a incarné et ce qu’incarne encore le Président Tshisekedi. Et si aujourd’hui, le peuple congolais le lui rend bien cette reconnaissance, c’est parce qu’il était foncièrement patriote.
Parce qu’il était foncièrement à l’écoute de ses compatriotes.
C’est enfin parce que, de ses lieux de détention, mais aussi dans sa vie de tous les jours, il a su attirer à son égard de la complicité des villageois, de la sympathie des citadins et de la reconnaissance des gens simples.
Tout comme le respect des notables, qui entrevoyaient dans cet homme, la conjugaison de deux vertus, à savoir la simplicité et la modestie.
Tour à tour, premier Docteur en Droit congolais de l’Université Lovanium (actuelle Université de Kinshasa), Vice-ministre de la Justice, Ministre de l’Intérieur, Directeur Général de l’ENDA, Administrateur général de la première ligne aérienne (Air-Zaïre), Ambassadeur au Maroc, deux fois élus député national, ensuite Premier Vice-président de l’Assemblée Nationale, Premier Ministre élu à la Conférence Nationale Souveraine…
Bref, un parcours remarquable!
Alors que son éducation et ses fréquentations le prédestinaient à un avenir meilleur, plus aisé et plus confortable, l’homme choisit de faire de la bonne moitié de sa vie un sacerdoce. Ce fut un choix cornélien afin que triomphe la liberté de pensée et d’association et que le multipartisme devienne enfin une réalité dans l’espace Congo. C’est tout un symbole! Et c’est l’apanage des grands hommes qui se révèlent être par la suite des grands esprits.
Cette grandeur d’esprit, il le manifesta à plusieurs reprises, à chaque fois qu’il fut question de choix à opérer entre son petit intérêt personnel et celui, supérieur, de la Nation. Mais hélas!
Dans cette vie, il arrive des fois que, en dépit de notre bon vouloir et de tout l’amour que l’on porte pour les siens, la providence dispose autrement.
Etienne Tshisekedi n’est plus parmi nous physiquement, certes, mais son esprit, lui, continuera à souffler et à guider nos pas.
Etienne Tshisekedi restera à jamais l’emblème autour duquel se réuniront toujours les Congolaises et les Congolais qui ont soif de la démocratie et ceux dont l’âme réclame l’Etat de droit.
Il sera toujours l’étendard pour celles et ceux qui sont déterminés à en finir avec toute forme de dictature et d’injustice.
Il restera toujours la figure de proue qui inspirera les peuples d’Afrique comme d’ailleurs qui luttent courageusement dans leurs pays respectifs pour l’avènement d’Etat de droit.

Distingués Invités,
Chers compatriotes,
Combattantes et combattants de la liberté,
La nature elle-même nous enseigne. Il suffit de l’observer attentivement.
Tous les hommes naissent égaux. Et nous faisons tous partie de la même race, puisqu’il n’y en a finalement qu’une seule, la race humaine.
C’est celle qui fait que notre sang à tous a la même coloration et que nos organes fonctionnent selon la même logique, au-delà de nos différences d’apparence extérieure et épidermique. Oui, nous sommes égaux par notre naissance.
Cependant, quoi qu’on en dise, nous n’avons pas tous le même parcours.
Encore moins le même destin.
Oui, notre parcours et notre destinée nous catégorisent.
Aussi, admettons-le, bien que de manière exceptionnelle, existe-t-il en effet des hommes et des femmes dont les parcours sortent de l’ordinaire, autant que les destins fascinent.
Etienne Tshisekedi, à qui nous rendons aujourd’hui un hommage national appuyé, fait partie de cette catégorie d’hommes et de femmes exceptionnels dont le passage sur cette terre aura été, à plus d’un titre, à la fois singulier et marquant.
Finalement, pour ceux qui savent lire en filigrane, à l’instar de Mahatma Gandhi, de Nelson Mandela, de Martin Lutter King Jr, le combat du Dr Etienne Tshisekedi était, tout compte fait, pour la dignité, la liberté et l’épanouissement de l’homme congolais. Cet homme au parcours à la fois remarquable et exceptionnel, a cristallisé l’admiration de tout un peuple.
Autant par son caractère bien trempé, son intégrité morale sans faille que par sa dignité et son courage hors pair. Il a non seulement imprimé en chacun de nous la marque d’une constance inégalée mais aussi aiguisé notre conscience politique, faisant ainsi parmi nous une multitude de disciples prêts à relever le grand défi qui nous attend.
Ainsi, du haut de cette tribune, permettez-moi de proclamer, urbi et orbi, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, «GRAND ESPRIT» de la République.
Je ne puis conclure mon propos de ce jour sans toutefois que je m’adresse personnellement et, de façon particulière, à cette grande icône qui m’a, dans un contexte politique assez délicat, fait confiance et confié la lourde charge de préparer notre parti, UDPS, à la conquête du pouvoir, alors que j’étais un parfait inconnu dans l’establishment politique de Kinshasa.
J’ai personnellement été très honoré de cette confiance et je tiens à te renouveler, cher maître, toute ma reconnaissance posthume. Ton retour au pays, après plus de deux ans d’absence, représente à mes yeux un triomphe dans le cœur des Congolais!
C’est à la fois un honneur et une fierté de te voir faire une remarquable entrée au Panthéon politique!
Jamais, je n’oublierai ce moment, ni ceux que tu as physiquement consentis pour la lutte parmi et avec nous et qui, au demeurant, constituent mon fil conducteur. Tu as en effet accompli ce qu’il fallait, au moment qu’il fallait. Je t’en serai toujours reconnaissant. Tu aimais à répéter ce slogan: «Tenons bon, l’UDPS Vaincra».
Du haut de cette tribune, j’ai le plaisir et la fierté d’annoncer en faveur de ta mémoire que ça n’était pas qu’un simple slogan, que l’UDPS a réellement vaincu et que désormais elle dirige bel et bien la RDC. En même temps, loin de toute euphorie, prenant la mesure de la tâche qui reste à accomplir, j’admets que ton combat pour la démocratie et l’Etat de droit continue. Des batailles se livreront encore et, je te promets, qu’elles se remporteront aussi.
Par ailleurs, c’est évident que, pour la conscience collective congolaise, tu incarnais l’UDPS. A ce titre, même si certaines personnes croient que le parti est aujourd’hui orphelin mais, moi je sais que, aussi longtemps que ta vision n’aura pas été effectivement ni complètement réalisée, la providence ferait que ton esprit souffle toujours et encore parmi nous et qu’il guide chacun de nos pas afin que des défis soient relevés. Tel est l’espoir des Congolais dans un avenir radieux de ce pays. Merci infiniment pour ta confiance à mon égard.
Merci infiniment aussi pour le bon combat que tu as livré et que nous continuons jusqu’au grand triomphe de l’effectivité de la démocratie et de l’Etat de droit. Que vive à jamais ta mémoire! Que vive la République!
Je vous remercie.
JEAN-MARC KABUND.
Kinshasa, Stade des Martyrs, 1er juin 2019.


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