Finances: purifions la boîte de Pandore
  • lun, 07/09/2020 - 21:04

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1498|LUNDI 7 SEPTEMBRE 2020.

De la boîte de Pandore, tout était sorti, sauf l’espérance. En effet, il ne restait que l’espérance, l’espérance de la purification, du nettoyage à sec de la jarre en vue de sa restauration. Au fait, il ne restait que l’exorcisation de la boîte des esprits impurs qui s’y sont sortis pour répandre les maux à travers la terre, les forêts, les océans, les mers, les fleuves et les rivières.

Les esprits impurs ont véhiculé les maux qui ont accompagné «le malin» dans sa chute.
L’heure est venue d’immuniser la boîte de Pandore de la RDC de toute possibilité d’incursion ou d’intrusion de ces maux.
Dans la mythologie grecque, Pandore a été créée sur l’ordre de Zeus qui voulait se venger de Prométhée. Pour rappel, Prométhée est ce personnage-héros qui avait volé le feu aux dieux pour apporter la lumière aux hommes. Aujourd’hui, Prométhée, c’est l’élite, qu’elle soit politique, économique, scientifique, ecclésiastique…C’est elle qui a en charge l’éclairage et la gestion de la Cité.

Pandore épousa Épiméthée, le frère de Prométhée. Pour se venger du forfait «salvateur» de Prométhée, Zeus donna à Pandore une mystérieuse boîte qu’elle ne devait pas ouvrir, tout en forgeant dans son caractère la curiosité. La boîte contenait tous les maux de l’humanité, notamment la Vieillesse, la Maladie, la Guerre, la Famine, la Misère, la Folie, la Mort, le Vice, la Tromperie, la Passion, l’Orgueil ainsi qu’une voie de sortie, l’Espérance. Débordée par sa curiosité et aidée en cela par le «malin», Pandore brava l’interdiction.

Alors, tous les maux contenus à l’intérieur de la boîte s’en échappèrent et écumèrent la Terre. Pandore la referma, mais il était trop tard ; plus aucun mal ne s’y trouvait, sauf l’Espérance,» la donne bienfaisante» plus lente à sortir. C’est avec raison qu’Alexandre Dumas, père dans «Le Comte de Monte-Cristo (1845-1846) écrit ceci : «Jusqu’au jour où Dieu daignera dévoiler l’avenir à l’homme, toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots: Attendre et espérer». C’est ainsi que l’on explique que, même si les êtres humains sont frappés par de nombreux maux, ils ne perdent jamais l’espoir, mieux l’espérance, en d’autres termes, l’espoir fondé sur la foi.

Au Congo, l’actualité économique est en effervescence. Elle semble tomber de Charybde en Scylla, en d’autres termes, aller de mal en pis : l’année 2020 est très agitée en affaires. C’est du Tao Tao, comme le disait si bien Germain Gabio. De l’affaire «15 millions de dollars américains» au procès concernant le Programme d’Urgence des 100 jours, du dossier «exonérations» à celui des compensations, nous en sommes aujourd’hui dans l’affaire des «Comptes du Trésor».

«Beaucoup de chaleur mais peu de lumière» : invectives, imprécations, élucubrations, manipulations, dénonciations, condamnations, arrestations à la va-vite, affabulations, intoxication, recherche effrénée du sensationnel, agitation, désinformation, magouillages, attaques, répliques, contre-répliques, montages grotesques, fanfaronnades, imbroglio, embrouillamini, etc.

Tout cela aboutit à un foin terrible, à un cafouillage indescriptible, à un cafouillis impénétrable, au capharnaüm, à la chienlit propre au Général Charles de Gaulle (avec respect!), tout cela évoque le «Pandémonium, lieu où règne le désordre infernal. «Or, dans le désordre, il n’y a pas de développement possible», écrivait l’économiste Guy Sorman dans son livre-phare «l’économie ne ment pas». C’est pourquoi, peut être, le philosophe Johann Wolfgang Goethe «préfère l’injustice au désordre» même si la première est génératrice aussi de désordre.

L’élite constituée des descendants de Prométhée a la responsabilité historique et morale d’éclaircir la situation. Chacun dans son domaine de spécialisation - titres académiques et expériences professionnelles faisant foi - doit apporter la lumière à la Société, donner l’explication appropriée pour que l’écran de fumée se dissipe, que la confusion fasse place à la compréhension.

De cette façon, les apprentis-sorciers et les anarchistes de tous bords qui écument et polluent les réseaux sociaux des contrevérités, contresens, inepties, contrepèteries se tairont à jamais. Ainsi, reviendra l’ordre comme condition impérative de l’amorce du processus de développement durable du Congo, de sa bâtisse en tant qu’État-Nation, République et Pays où il fait bon vivre.
C’est à quoi s’évertue ce texte en commençant à démêler le fil d’Ariane ou l’écheveau de l’affaire «Comptes du Trésor».

1. Généralités sur les Comptes du Trésor : Compte Général du Trésor et Sous-Comptes.
Le Trésor, dans le sens où nous l’entendons dans ce texte, c’est l’agent financier de l’État. Il a en charge des opérations financières de l’État. Il a des comptes ouverts en les livres de la Banque Centrale, ici du Congo, et dans les livres des Banques commerciales installées au Congo. Le Trésor dispose généralement de deux types de comptes :

 le Compte Général, c’est le compte principal qui enregistre toutes les opérations courantes du Trésor en recettes, en dépenses ainsi que le solde qui en découle. Ce solde présente souvent des découverts. Ces derniers, à l’époque, amenaient au recours à la planche à billets ou au financement monétaire. Il s’ensuivait comme conséquences que l’on connaît, le gonflement sans contrepartie de la masse monétaire (ensemble des moyens de paiement dans l’économie) et la hausse du niveau général des prix et partant du coût de la vie entraînant la dégradation du pouvoir d’achat de la population. Actuellement, le déficit sur le Compte Général du Trésor est couvert par les ressources provenant des bons du trésor et des appuis budgétaires financés par les partenaires extérieurs;

 les sous-comptes sont des embranchements, des sous-composantes, des prolongements du Compte Général. Ils sont généralement ouverts pour : primo, la gestion des dépenses en procédure d’urgence avant leur régularisation, secundo, le financement des projets spécifiques de développement dans un cadre autonome ou dans le cadre des relations avec les partenaires extérieurs. Ces projets exigent au moment de leur lancement la disponibilité des moyens de financement. Ils sont ainsi pré-affectés et dédiés à un objet précis. Tertio, ils sont aussi ouverts dans le cadre du suivi systématique des transferts d’une partie des ressources provenant de l’appui budgétaire ou de l’opération «bons du Trésor» vers le Compte Général du Trésor en cas de déficit de ce dernier.

Les recettes du Compte Général du Trésor comprennent les versements des impôts, des droits - des douanes et d’accises - et des recettes non fiscales - taxes diverses telles que celles des recettes administratives et domaniales ainsi que les recettes de participation. Les recettes obéissent à quatre étapes, à savoir, la constatation, la liquidation, l’ordonnancement et le recouvrement. A ce jour, il n’existe pas une chaîne formalisée et digitalisée pour la collecte de la recette selon une procédure standardisée.

Les dépenses de l’État concernent les salaires, les frais de fonctionnement, le service et l’amortissement de la dette, les rétrocessions aux régies, les transferts aux provinces (Gouvernorat, assemblées provinciales et entités territoriales décentralisées), les interventions économiques, les dépenses sécuritaires, humanitaires, électorales, etc. Les dépenses sont appréhendées dans une chaîne digitalisée dotée de la procédure standard comprenant l’engagement par les services dépensiers, la liquidation au niveau du Ministère du Budget, l’ordonnancement au niveau du ministère des Finances et le paiement au niveau de la Banque Centrale.

a. Le sous-compte dépenses en urgence.
Outre la procédure standard, il existe une procédure des dépenses à traiter en urgence pour des raisons de souveraineté, de catastrophes naturelles, d’urgences sécuritaires ou sanitaires. Comme ces dépenses ne sont pas couvertes par les documents de la procédure standard, elles sont préalablement logées dans un sous-compte dénommé «sous-compte des dépenses en urgence». C’est seulement après régularisation de la dépense en urgence par les ordres de paiement ad hoc, que le Compte Général du Trésor sera débité par le crédit du sous-compte «dépenses en urgence».

b. Les sous-comptes «appui budgétaire et bons du trésor».
Deux sous-comptes ont été ouverts pour s’assurer d’un meilleur suivi et une bonne gestion des ressources de bons du trésor et de l’appui budgétaire. Le premier concerne les bons du trésor, le second l’appui budgétaire. En cas de déficit du Compte Général du Trésor, par exemple, de CDF 100 milliards, le sous-compte «appui budgétaire» est débité de CDF 90 milliards et celui de bons du Trésor de CDF 10 milliards. Ainsi, la traçabilité de la provenance des ressources en financement du déficit du Compte Général du Trésor est garantie.

c) Illustration de l’exécution du budget général du Gouvernement Central aux sept premiers mois de l’exercice 2020.
Prenons le cas typique actuel du Budget Général du Gouvernement Central du Congo. Aux les sept premiers mois de l’année, le Budget a totalisé en recettes, CDF 3621,8 milliards, soit en moyenne mensuelle, CDF 517,4 milliards. En dépenses, il a enregistré CDF 4.324,7 milliards, soit en moyenne mensuelle de CDF 617,8 milliards. Il résulte un déficit (excédent des dépenses sur les recettes) de CDF 702,9 milliards, soit en moyenne mensuelle, CDF 100,4 milliards. Ce déficit, jusqu’à fin avril 2020, était couvert à concurrence de 90%, par la planche à billets.

Depuis le mois de mai, il est financé totalement par les produits de l’appui budgétaire et des bons du Trésor par débit de leurs sous-comptes respectifs. Donc, ces sous-comptes ne sont pas des comptes parallèles. Ils n’échappent pas au contrôle du Trésor Public. Bloquer ou saisir, à titre d’exemple, par le parquet (par quelle procédure et par quelle habilitation?) ces deux sous comptes laisse entendre, si même c’est possible dans Alice au pays des merveilles et d’illusions, que le déficit ne saura être financé par des moyens sains constitués des produits d’appui budgétaire et des bons du trésor. De ce fait, le découvert en Compte Général du Trésor non financé par ses produits, du fait du blocage éventuel de ces sous-comptes, donnera lieu à la planche à billets, dans le cas d’espèce de notre pays. On tombe des nues. C’est l’utopie ou la mort.

De deux, comment alléguer que des crédits se trouvant dans ces deux sous-comptes auraient été détournés? Par quel mode opératoire, pièces contre pièces? Quelle est la traçabilité de ce soi-disant détournement? L’ouverture d’un compte pour y loger les fonds garantit les pistes d’audit, participe de la transparence et de garde-fou à d’éventuels détournements.
Ceci n’est qu’une introduction à la matière. Revenons au fil d’Ariane, en français facile, des Comptes du Trésor à partir des illustrations non cérébrales.

2. Illustration non cérébrale
du fonctionnement de compte et sous-comptes.

Un fonctionnaire dispose d’un compte dans une banque commerciale de la place. Son revenu, salaires et primes compris, se chiffre à CDF 3,3 millions qu’il répartit comme suit :

a. Nourriture : 1.200.000 ;
b. Loyer: 600.000 ;
c)Transport plus celui de son épouse et de ses deux enfants ainsi que les frais de communication : 800.000 ;
d. Frais scolaires et soins de santé : 500.000 ;
e. Facture eau et électricité : 200.000.

Il se rend compte que du fait de l’augmentation des prix sur le marché des biens, il lui arrive souvent de prélever 100.000 à 150.000 sur les postes «frais scolaires et soins de santé». Ce qui a amené, à deux reprises, à l’expulsion de ses enfants de l’école et à des acrobaties pour le cas d’hospitalisation de sa femme. Il décide alors de contacter son banquier à l’effet pour ce dernier d’ouvrir deux sous-comptes: le premier de 300.000 pour les frais scolaires, le second de 200.000 pour les soins de santé. De cette façon, il pourra s’assurer à tout moment de la prise en charge de ces postes sans s’exposer à d’autres scènes d’humiliation ou de pourparlers vexatoires.

Aussi, le profil de ces comptes a-t-il évolué désormais comme suit :
a. Compte principal (par où viennent toutes les tribulations) : 2.800.000 ;
b. Sous-compte «frais scolaires» : 300.000 ;
c. Sous-compte «soins de santé» : 200.000.

Mutatis, mutandis, son Compte principal ramène au compte général du Trésor et ses sous-comptes aux fameuses cachettes des recettes. En procédant de la sorte, notre fonctionnaire a bon espoir d’avoir des assurances de faire face, à moins d’un changement important et brusque des coûts de scolarisation et de soins de santé, à ces dépenses et éviter d’aller à Canossa. Supposons qu’à la suite de la hausse des prix des denrées alimentaires, les dépenses y afférentes passent de 1.200.000 à 1.600.000. Notre fonctionnaire va réduire son niveau de consommation alimentaire (en supprimant par ex. le lait, le thé du soir, et en divisant par deux les achats des unités pour les communication).

S’il maintient le même train de vie, il sera obligé de prendre un découvert auprès de son banquier, à raison de 300.000. Ce n’est pas en demandant à son banquier de ramener tous les fonds qui se trouvaient dans les sous-comptes qu’il comblera le découvert et évitera les paiements des intérêts débiteurs y afférents. Ce découvert demeurera puisque les fonds se trouvant dans les sous-comptes sont pré-affectés à des objets précis, ici les soins de santé et les frais scolaires.
Son épouse, à moins qu’elle ne soit de mauvaise foi ou ignorante, ne lui taxera pas d’avoir détourné les fonds par la création de sous-comptes.

Pour permettre une bonne digestion de la matière, nous nous arrêtons ici, au nom des sacro- saints principes de la pédagogie (principes de Merrill, 2006, d’alignement de Biggs, 1999 et de Reeves, 1998).
Restez branchés, la suite au deuxième épisode.
SINGO-SAKU.
Chercheur indépendant
en Questions financières.


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