Entre Paris et Kinshasa, le réchauffement par le climat
  • lun, 21/03/2016 - 15:52

L’accès de l’Afrique aux énergies renouvelables et les questions relatives à l’environnement aux résolutions de la COP 21 en décembre dernier à Paris, ont dominé lundi les échanges entre Joseph Kabila Kabange et Mme Ségolène Royal. Ancienne compagne du président français François Hollande dont elle reste très proche, Ségolène Royal qui n’avait pas visité notre pays avant la réunion de la COP 21 en décembre dernier, a déclaré avoir voulu commencer ce tour du Continent africain par le Congo qui joue un rôle leader dans les questions du climat pour la région d’Afrique. Signe de réchauffement entre les deux Capitales. La ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer en charge des Relations internationales sur le climat et présidente de la COP 21 a été reçue à la résidence présidentielle du GLM dans la Capitale. Elle a qualifié son entretien avec le Chef de l’Etat «d’échange intéressant». Elle a remercié le Chef de l’Etat pour l’engagement de la délégation congolaise dans les discussions à la COP 21, pour avoir participé activement aux négociations. Elle a annoncé que le Président Joseph Kabila lui a confirmé sa présence à Paris, en avril prochain à l’occasion de la signature des accords issus des travaux de la COP 21.

Mme Royal a visité lundi le site d’Inga, en province du Kongo Central, en compagnie du directeur général de la Société nationale d’électricité SNEL, Eric Mbala où elle a découvert et apprécié le potentiel dont dispose le fleuve Congo, de même que la façon dont on peut inscrire des projets dans les priorités des réalisations de la COP 21. Une visite qui s’inscrit dans le cadre du développement du projet Inga et de l’évaluation des impacts environnementaux liés à sa réalisation.
Elle s’est félicitée de la forte mobilisation de la part des autorités congolaises, en ce qui concerne les sujets qui la préoccupent, à savoir, la création d’emplois, le développement de l’agriculture, des industries et du travail pour les jeunes. Elle s’est dite impressionnée par cette mobilisation pour la mise en application des résolutions de la COP 21, en vue de valoriser les ressources du pays afin que les populations aient accès à l’eau, à l’électricité et à l’éducation. Pour Mme Royal, sa priorité est de concrétiser les engagements pris lors du Sommet des Chefs d’Etat africains avec le président français sur l’acte de l’Afrique concernant les énergies renouvelables.

L’AFRIQUE IMPATIENTE.
Après la signature de l’accord sur le climat, l’Afrique s’impatiente. La présidente de la COP21 s’est rendue en Afrique pour passer des paroles aux actes.
Des dizaines d’hommes font la queue devant de grands sacs blancs emplis de farine et de céréales pour recevoir une aide alimentaire. Famélique, le bétail cherche en vain de l’eau le long d’une route terreuse après des mois de sécheresse, la pire depuis cinquante ans en Éthiopie. Employé à la ferme éolienne Ashegoda de Mekele, dans le nord du pays, Ephrem Taye n’avait jamais entendu parler de la conférence de Paris sur le climat, qui a débouché sur un accord historique en décembre. Le jeune ouvrier ne sait pas que Ségolène Royal vient ce jour-là lui serrer la main en tant que nouvelle présidente de la COP21. Il a choisi de s’en remettre à Dieu: «Le climat qui change rend la vie très dure. On doit nous aider, et vite». C’est l’objectif de la tournée africaine de la ministre de l’Environnement: «transformer l’accord en action» et faire que, d’ici à 2020, la hausse du réchauffement climatique se maintienne en dessous de 1,5 °C. Pour y parvenir, la COP21 a mobilisé 10 milliards de dollars sur quatre ans pour les énergies renouvelables en Afrique, alors que 600 millions de personnes n’ont toujours pas l’électricité. «Le continent le plus affecté par le réchauffement climatique en est le moins responsable, rapporte Ségolène Royal au JDD. Certains territoires attendent parfois l’accès à l’électricité depuis des années. Il ne faut pas les décevoir».
Après l’euphorie de décembre, le continent africain, désormais, s’impatiente. À l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, qui surplombe la très polluée baie de Cocody, les étudiants veulent du concret: être eux-mêmes acteurs du changement. «Nous avons besoin de connaissance, d’échanger entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique», plaide Assi Amian Florent, inscrit en droit, debout dans un bus électrique offert par le groupe français Bolloré. «Le continent doit exploiter lui-même ses technologies, abonde le climatologue Arona Diedhiou. Il faut aussi éviter la perte et la dilution de l’argent dans les institutions, faire des contrôles sur le terrain. L’après-COP ne doit pas nous échapper». La Côte d’Ivoire se situe à un moment charnière: le pays s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 28% d’ici à 2030, mais débat actuellement d’un projet de centrale à charbon. En situation d’urgence, la ville côtière de Grand-Lahou, à 130 km de la capitale, est «mangée» par la mer. Dirigeante d’une PME ivoirienne de panneaux solaires, Jackie Bertho-Andoh souhaite que soient privilégiées les «entreprises nationales» plutôt que les grands groupes internationaux, les «petites unités qui changent vite le quotidien, plutôt que les gros projets à coup de milliards».
La France, l’Allemagne, la Chine se taillent aujourd’hui la part du lion sur le continent en matière d’énergies renouvelables. La chef d’entreprise rêve, elle, de transformer l’Afrique en laboratoire à ciel ouvert. De donner espoir à toute une génération en lui évitant de rejoindre des groupes terroristes ou de risquer sa vie en Méditerranée pour un avenir meilleur… «Il faut former la classe dirigeante de demain. Il n’y a pas de travail, nos jeunes sont aujourd’hui aux portes de nos banlieues. Nous risquons d’être vite débordés». A moins de deux mois de la signature de l’accord sur le climat à New York, certains ministres craignent qu’il ne tarde à être ratifié par chaque pays, comme ce fut le cas pour Kyoto. Il restera aussi à contourner la lourde bureaucratie africaine et à sélectionner équitablement les projets, tout en préservant les susceptibilités. Des pays fragiles, comme la Guinée, devront être accompagnés. D’autres sont déjà dans les starting-blocks. A l’avant-garde avec 99,9% de sa production électrique issue du renouvelable, l’Éthiopie fourmille d’idées, telle la ferme de Mekele. Le Premier ministre et ingénieur, Hailemariam Desalegn, a prévenu qu’il ne lui manquait «que les financements».
CAMILLE NEVEUX.
envoyée spéciale
à Mekele (Ethiopie), Abidjan
(Côte d’Ivoire), JDD.


Related Posts