Ce qu’ont écrit exactement les neuf Sénateurs américains
  • lun, 24/08/2020 - 17:30

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1496|LUNDI 24 AOUT 2020.

Ils sont neuf signataires représentant leurs collègues de la vénérable Chambre haute américaine. Leurs noms sont : James Elroy Risch (Président), Robert Menendez (Vice-président), Marco Rubio, Benjamin L. Cardin, Rafael Edward Cruz dit Ted Cruz, Christopher A. Coons, David A. Perdue, Tim Kaine et Cory A. Booker.

Le 17 août, ils ont signé une lettre de trois pages adressée au Secrétaire (ministre) du Trésor (Finances) Steeve T. Mnuchin et au Secrétaire d’Etat Michael R. Pompeo sollicitant leur implication dans la normalisation de la situation au Congo en prévision des élections démocratiques de 2023. Ils appellent l’administration Trump à aider le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à se débarrasser du système de corruption hérité de l’ancien régime Kabila. Le Président de la République a salué ce courrier qui souligne les avancées historiques enregistrées au Congo depuis son entrée en fonction dans des domaines de liberté, de droits de l’homme, de la bonne gouvernance, selon un texte publié sur le compte Twitter de la Présidence de la République.
Intégralité de ce courrier ci-après :

Près de 18 mois après que Félix Tshisekedi a assumé la présidence de la République démocratique du Congo (RDC) après le règne combiné de 22 ans de Laurent et Joseph Kabila, la nouvelle direction du pays n’a pas encore véritablement freiné la corruption de haut niveau, à cause de l’emprise de l’État par l’ancien président Joseph Kabila et ses acolytes, et la violence systématique perpétuée par les forces de sécurité de l’État et leurs mandataires armés à l’Est.

Les États-Unis ont une occasion historique de contribuer à relever les défis structurels en RDC en travaillant avec des partenaires pour construire les institutions démocratiques fortes, en mettant particulièrement l’accent sur celles qui combattent la corruption et établissent l’état de droit. En particulier, les efforts des États-Unis devraient se concentrer sur le démantèlement du système kleptocratique de l’ancien président Kabila de sorte que les vastes richesses naturelles de la RDC profitent au peuple congolais. Si l’on ne s’attaque pas à la corruption et à son impact sur les questions de gouvernance, des conflits violents aux élections et aux droits humains, ce bref moment encourageant, sera dilapidé pour les mêmes forces qui ont contribué à une histoire d’exploitation en RDC.

Le changement est possible. Le président Tshisekedi a ouvert un espace politique pour permettre un plus grand dialogue public sur la transparence et la bonne gouvernance, et s’est engagé à réprimer la corruption officielle. L’administration Tshisekedi doit maintenant tenir ses engagements. L’enquête en cours sur l’ancien président de la Gécamines, Albert Yuma (une figure clé du cercle restreint de Kabila) et la condamnation du chef de cabinet du président Tshisekedi, Vital Kamerhe, pour corruption et détournement de fonds, sont des signes prometteurs de progrès. Cependant, il y a encore beaucoup à faire. Par exemple, le gouvernement pourrait profiter de certaines des réformes apportées dans le Code minier de 2018 qui visent à améliorer la transparence dans les domaines des revenus et des contrats dans le secteur extractif. Les États-Unis devraient faire pression sur l’administration Tshisekedi pour qu’elle prenne de nouvelles mesures dans ce sens et utilise les outils disponibles pour isoler les fauteurs de réformes.

Plus précisément, nous exhortons les départements de l’État et du Trésor, ainsi que d’autres partenaires interinstitutionnels, à travailler ensemble pour faire ce qui suit :
◗Faire progresser la réforme électorale. Les préparatifs des élections présidentielles et législatives de 2023 et la prise de décision concernant les élections locales attendues depuis longtemps doivent commencer sérieusement si nous voulons éviter les nombreux retards et les graves lacunes du processus 2015-2018, dont beaucoup découlent d’une corruption généralisée dans l’administration des élections.

Trois membres de la direction de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dont le président Corneille Nangaa, ont été sanctionnés par l’OFAC l’année dernière pour leur rôle dans l’obstruction des processus électoraux démocratiques, y compris le détournement de fonds opérationnels de la CENI et la fraude dans les processus de passation des marchés à des fins d’enrichissement personnel et pour le bénéfice de campagnes de candidats soutenus par Kabila. Nous avons été heureux de voir que des efforts sont en cours pour identifier de nouveaux dirigeants de la CENI, y compris un remplaçant de Nangaa, une première étape cruciale. Nous devons être vigilants dans le suivi des développements concernant la CENI, car elle est susceptible d’être capturée par des intérêts non démocratiques et dépend de l’Assemblée nationale, qui maintient une majorité alignée sur l’ancien président Kabila, pour approuver les nouveaux membres. Nous devons être clairs que toute administration future (y compris un deuxième mandat Tshisekedi) qui arrivera au pouvoir par des moyens autres que des élections démocratiques crédibles ne jouira pas de relations amicales avec les États-Unis.

◗ Élargir les sanctions ciblées : les États-Unis devraient désigner d’autres autorités et entreprises responsables ou complices de corruption de haut niveau, y compris le détournement d’actifs de l’État, pour des sanctions financières et de voyage ciblées. Un moyen essentiel de dissuader la corruption de haut niveau est d’établir une menace crédible selon laquelle les auteurs potentiels subiront des conséquences. Les sanctions se sont avérées efficaces en RDC ces dernières années : le système financier de la RDC est largement dollarisé et de nombreuses élites se rendent régulièrement dans les pays occidentaux et maintiennent des actifs dans le système financier mondial. Les États-Unis devraient également envisager des mesures pour traiter les personnes déjà désignées qui contournent les sanctions en créant de nouvelles entreprises. Les États-Unis devraient continuer à exhorter le gouvernement de la RDC à démettre de leurs fonctions les généraux qui ont été sanctionnés par les États-Unis pour leur implication dans de graves violations des droits de l’homme, et à établir un mécanisme de responsabilisation pour les officiers militaires de haut niveau qui ont commis des crimes graves.

◗ Prendre des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent : le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) du département du Trésor devrait examiner s’il est approprié d’émettre un avis de blanchiment d’argent sur les risques de faire des affaires avec certaines parties des secteurs bancaire et minier de la RDC, en mettant particulièrement en évidence liens avec des individus et des entités associés à la corruption. Une utilisation robuste des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent pourrait perturber la capacité des responsables congolais de blanchir le produit de la corruption à l’étranger, y compris via les systèmes financiers américains et européens. En outre, le Trésor devrait fournir un appui technique au gouvernement de la RDC pour réviser son cadre de lutte contre le blanchiment d’argent/lutte contre le financement du terrorisme (AML/CFT) afin de répondre aux normes internationales.

◗ Faire des réformes anti-corruption une condition des prêts non urgents du FMI : le directeur exécutif du FMI américain devrait insister sur des réformes anti-corruption, notamment en ce qui concerne la transparence du secteur minier, comme condition d’un futur prêt de la Facilité Élargie de Crédit du Fonds monétaire international (FMI) au gouvernement de la RDC. En particulier, le gouvernement de la RDC devrait être tenu de veiller à ce que les entreprises publiques publient les rapports financiers annuels, subissent et publient les résultats d’audits indépendants, et démettent les hauts fonctionnaires qui ont été impliqués dans une corruption à grande échelle de leur direction. Le gouvernement de la RDC devrait également être tenu de veiller à ce que les contrats miniers et les addendas soient publiés.

◗ Lutter contre l’or du conflit : étant donné que l’or continue à figurer parmi les principales sources de financement des groupes armés dans l’est de la RDC, les États-Unis devraient prendre des mesures pour démanteler les chaînes d’approvisionnement illicites. Cela nécessite cependant une approche régionale. Les États-Unis devraient envisager des sanctions contre les entreprises et les intermédiaires, y compris au Rwanda, en Ouganda et aux Émirats arabes unis, qui facilitent l’exportation illicite d’or tout en travaillant également avec des partenaires pour poursuivre les poursuites pour blanchiment d’argent et autres violations de la loi liées à ces questions.

En outre, le Département d’État devrait travailler avec la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) pour faciliter les négociations entre les gouvernements de la RDC, de l’Ouganda et du Rwanda pour harmoniser leurs taxes à l’exportation sur l’or.
En plus d’être une question de droits humains à part entière, nous avons vu les conséquences tragiques des groupes armés dans les zones minières dans la lutte en cours contre Ébola dans l’est de la RDC.
Si l’administration Tshisekedi peut démontrer des progrès dans la lutte contre la corruption et faire progresser les réformes pour répondre aux besoins du peuple congolais, elle affaiblira le système prédateur qui a tourmenté le pays et laissé trop de citoyens vivre dans la pauvreté et vulnérables à la violence.

Nous sommes impatients de travailler avec vous pour soutenir un système de gouvernance réformé en RDC qui donne la priorité au bien-être du peuple congolais.
De leur côté, sept sénateurs dont Léonard She Okitundu et Francine Muyumba ont réagi à la lettre de leurs homologues américains en leur demandant de s’interdire de s’occuper des affaires internes d’autres pays.

«Dans l’intérêt bien compris de nos deux nations, nous en appelons à un partenariat franc et constructif fondé sur le respect strict des conventions diplomatiques. Pour ce faire, autant, nous nous interdisons d’interférer dans les affaires intérieures d’autres pays, en particulier des Etats-Unis, autant nous sommes en droit d’attendre de ces pays un comportement réciproque», écrivent-ils.
avec AGENCES.


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