Adolphe Muzitu Fumunzi
Bras de fer
  • sam, 03/03/2012 - 18:13

LE SOFT INTERNATIONAL N° 1154 DATÉ 3 MARS 2012.
Il y a déjà un précédent. Des précédents plutôt. Jamais on n’aurait parié que le Premier ministre Muzito terminerait la législature à l’Hôtel du Conseil! Il a souvent joué aux échéances pour se maintenir en place...
Il a souvent joué à faire peur. À l’heure de la reddition des comptes, on est à se demander comment aurait finalement été le climat n’eût été ce mariage de «Je t’aime moi non plus»...
Mais aujourd’hui alors que le Gouvernement est fin mandat en vertu de la confiance reçue d’une Assemblée nationale appartenant désormais à l’histoire ancienne et que, du coup, l’Exécutif est politiquement démissionnaire - ne pouvant plus poser de grands actes sauf cas de péril majeur -, c’est le retour du balancier. Ce sont à nouveau les nerfs à vif. Le bras de fer pour tout dire... Au-delà des incantations, a-t-on jamais vraiment coulé des jours heureux? On attendait le PM terminant son tour de piste en toute beauté et le Président de la République déclarant le mettre en «réserve de la République» et l’invitant à se tenir prêt pour «tout mandat que la Nation pourrait un jour lui confier», selon les deux belles expressions de De Gaulle après le départ de Georges Pompidou, voilà que désormais tout est illégal, tout est illégitime, tout est hors-la-loi, tout paraît pressions exercées, tout paraît... chantage, tout est blocage!
Un team de constitutionnalistes de tout premier ordre consultés par Le Soft International pour qu’il donne son avis sur une bien curieuse situation, arrive à une conclusion sans équivoque, celle que notre journal soutient par divers médias notamment cette semaine lors d’une interview à TopCongo Fm donnée par le fondateur du Soft International.
Il y a fort longtemps que le Premier ministre aurait dû avec élégance et courtoisie libérer le poste et libérer le Président de la République dont la mission est de veiller au respect de la Constitution de la République.
Il y a belle lurette que les membres du Gouvernement, leurs collaborateurs, ainsi que les gouverneurs de province et autres élus députés auraient dû avec élégance et courtoisie libérer leurs postes et permettre le fonctionnement régulier des Institutions de la République.
«Le Président de la République (...) veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État» (art. 69 de la Constitution de la République).
Le team joint par Le Soft International fait part du serment prononcé par le Président de la République avant son entrée en fonction.
Le Président de la République Démocratique du Congo a juré «solennellement devant Dieu et la Nation d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République» (art. 74).
Puis, le team de poursuivre, simplement: «Le Premier ministre a manqué sa sortie comme Premier ministre. On ne termine pas un mandat de Premier ministre de cette manière là».
Devant la table disposée par ce team de juristes et d’hommes politiques largement consultés qui affrontent jour après jour les textes légaux et réclament l’anonymat, moult textes légaux - depuis la Loi fondamentale du Congo datant de 1960 jusqu’à la loi sur le statut de l’opposition politique en passant par des dictionnaires dont le Larousse, le Littré, le dictionnaire du vocabulaire juridique, signe d’une crise ambiante.
Pendant plusieurs heures que dure la consultation, le team ne fait pas état d’état d’âme.
Il fait parler les textes, passant d’un texte à l’autre. Pas un sourire, pas de la politique - même si quelquefois il fait part de la pratique politique. Rien que du juridique, du légal.
Sous l’empire de la Loi fondamentale, un Congolais pouvait être député et ministre à la fois, sénateur et ministre à la fois. C’est le régime belge. Le cumul des fonctions était accepté, il avait été coulé dans la loi. Le régime parlementaire. Loin du régime français auquel s’inspire largement le nôtre.
Dans ce régime présidentiel (présidentialiste), il n’y a point de cumul des fonctions administratives avec les fonctions parlementaires.
Ce régime érige le principe de séparation des pouvoirs avec conséquence l’interdiction de cumul des fonctions. Les Institutions sont distinctes.
Les membres d’une Institution ne peuvent appartenir à une autre quoique la loi instaure le jeu de collaboration entre Institutions.
L’interdiction de cumul a pour conséquence - «l’une des conséquences importantes» - l’érection des incompatibilités.
Or, précisément, l’art. 96 de la Constitution de la République stipule:
«Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de tout autre mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire et de toute activité professionnelle.
Le mandat du Président de la République est également incompatible avec toute responsabilité au sein d’un parti politique».
L’article 97 précise s’agissant des fonctions de membres de l’Exécutif de l’État: «Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire et de toute activité professionnelle à l’exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de recherche. Elles sont également incompatibles avec toute responsabilité au sein d’un parti politique».
Quelque soit la nature du Gouvernement - définitif, provisoire, intérimaire, affaires courantes, etc. - nul, selon notre régime, ne peut à la fois être membre d’une chambre parlementaire et membre du Gouvernement, d’un cabinent ministériel ou autre.
La loi ne conçoit pas des députés maires, des députés gouverneurs, des députés ministres comme dans certains pays. Même sous le régime des affaires courantes, le Premier ministre est Premier ministre, le ministre est ministre, explique le team de constitutionnalistes.
L’article 108 de la Constitution conforte le régime des incompatibilités en disposant que «le mandat de député national est incompatible avec le mandat de sénateur et vice-versa.
Le mandat de député ou de sénateur est incompatible avec les fonctions ou mandats suivants:
1. membre du Gouvernement;
2. membre d’une institution d’appui à la démocratie;
3. membre des Forces armées, de la police nationale et des services de sécurité;
4. magistrat;
5. agent de carrière des services publics de l’État;
6. cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception des chefs de collectivité-chefferie et de groupement;
7. mandataire public actif;
8. membre des cabinets du Président de la République, du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, des membres du Gouvernement, et généralement d’une autorité politique ou administrative de l’État, employé dans une entreprise publique ou dans une société d’économie mixte;
9. tout autre mandat électif.
Le mandat de député national ou de sénateur est incompatible avec l’exercice des fonctions rémunérées conférées par un État étranger ou un organisme international».
L’art. 110 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle, réaffirme le régime des incompatibilités.
La révision postule que quand le député est nommé à une fonction publique, son mandat de député est suspendu. Cela renforce le régime de non cumul des fonctions.
L’élu nommé retrouve ses fonctions à la fin de son mandat public.

Dans le règlement intérieur, le législateur de 2006 a repris l’art. 108 de la Constitution:
«Le mandat de député national est incompatible avec les fonctions ou mandats de:
1. sénateur:
2. membre du Gouvernement;
3. membre d’une institution d’appui à la démocratie;
4. membre des Forces armées, de la police nationale et des services de sécurité;
5. membre de la Cour constitutionnelle;
6. membre du Conseil Économico Social;
7. magistrat;
8. agent de carrière des services publics de l’État;
9. cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception des chefs de collectivité-chefferie et de groupement;
10. mandataire public actif;
11. membre des cabinets du Président de la République, du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, des membres du Gouvernement et généralement d’une autorité politique ou administrative de l’État;
12. employé dans une entreprise publique ou dans une société d’économie mixte.
Le mandat de député national ou de sénateur est incompatible avec l’exercice des fonctions rémunérées conférées par un État étranger ou un organisme international» (art. 97, règlement intérieur de l’Assemblée nationale).
RENONCIATION AU MANDAT DE DÉPUTÉ NATIONAL.
On en vient au Petit Robert qui définit le mot incompatibilité comme suit: «impossibilité légale de cumuler certaines fonctions ou occupations».
Le dictionnaire du vocabulaire juridique est plus ample.
Il définit ce mot par «impossibilité légale de cumuler soit certaines fonctions publiques, soit certains mandats électifs avec certaines occupations ou situations privées soit même deux activités privées». C’est le cas d’être à la fois commerçant et commissaire aux comptes...
La Loi électorale en son art. 77 reprend certaines incompatibilités. «Outre les incompatibilités aux fonctions de Président de la République, de député et de sénateur prévues aux articles 96 et 108 de la Constitution, selon le cas, sont incompatibles avec les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales, les fonctions ou mandats suivants:
1. membre du Gouvernement;
2. magistrat;
3. membre du Conseil Économico-Social, membre d’une institution d’appui à la démocratie;
4. membre des cabinets du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Premier ministre, des membres du Gouvernement et de toute autre autorité politique ou administrative de l’État» (...).
À l’art. 78, on lit: «L’élu qui fait l’objet de l’une des incompatibilités visées à l’art. 77 points 1, 3, 4, 6, 7 et 9 doit opter, dans les huit jours de la validation de mandat, entre son mandat et les autres fonctions qu’il, exerce. S’il opte pour son mandat, il en avise, par lettre dans le même délai, selon le cas, le Bureau:
1. de l’Assemblée Nationale;
2. du Sénat; (...).
À défaut de se prononcer dans le délai fixé, il est présumé avoir renoncé à son mandat».
Voilà qui renforce davantage encore le principe de non cumul.
Aucun texte de loi consulté aussi bien par le team de constitutionnalistes que par Le Soft International ne dit nulle part que pour une semaine, pour un mois, pour deux mois, le Premier ministre peut être à la fois à l’Hôtel du Conseil en prenant des actes de gouvernement et prendre place dans l’hémicycle du Parlement en participant au débat et en votant des lois, ni aucun ministre...
Au contraire, il y a belle lurette - le 20 décembre 2011, jour de la prestation de serment du Président de la République ou le 1er février 2012, jour de la publication des résultats provisoires des Législatives par la Commission électorale nationale indépendante - que le bureau de l’Assemblée nationale conformément à l’art. 78 ci-dessus, aurait dû recevoir par simple courrier adressé au président de l’Assemblée nationale le choix opéré par le Premier ministre, ses ministres, etc.
De ne l’avoir pas fait à ce jour rend son attitude au moins ambigüe.
Il n’aurait jamais pu occuper un strapontin de l’hémicycle sans avoir renoncé préalablement à ses fonctions. Ce courrier n’aurait jamais dû être adressé au Président de la République qu’en copie comme tout courrier habituel. Il n’aurait eu - stricto sensu - à se présenter devant le Président de la République qu’exceptionnellement Il n’aurait rien de bien spécial à dire au Chef de l’État.
Le bureau de l’Assemblée nationale attendait une formule du type: «J’ai choisi d’être député...».
À défaut d’avoir adressé ce courrier au bureau de l’Assemblée nationale, le Premier ministre et ses ministres sont présumés avoir renoncé à leur mandat de député national...
«Ce sont là les principes de l’organisation politique en R-dC. La question ne se pose pas. C’est clair comme l’eau de roche...», articule le team. Lorsque le Premier ministre, le ministre ou un mandataire public opte pour un mandat électif, sa démission est tacite.
De même, cette démission n’est jamais collective, le choix à opérer entre le mandat électif et le mandat public étant individuel. Aucun ministre élu lors des Législatives du 28 novembre ne devrait attendre la position du Premier ministre ou le jour où le Premier ministre irait déposer sa lettre sur le bureau du président de l’Assemblée nationale pour se décider et poser son acte individuel. Il ne s’agit pas d’attendre que le gouvernement devienne démissionnaire et que l’on se maintienne au Gouvernement en attendant de voir si le Président de la République vous a repris ou pas au Gouvernement.
Au fond, il y a crise parce que des ministres élus députés souhaitent à la fois être députés et membres d’un gouvernement même expédiant les affaires courantes. Ils se battent d’abord pour leurs intérêts. Or, cela n’est prévu nulle part dans le régime politique congolais.
Si le Premier ministre se rend à l’hémicycle et prend place comme tout député - comme il l’a fait maintes fois depuis le 16 février, date de la rentrée parlementaire -, il se met dans l’impossibilité d’exercer les fonctions de l’Exécutif.
Il en est de même de tout ministre comme de tout détenteur d’un mandat public. Il n’est guère possible d’invoquer les affaires courantes...
S’agissant les affaires courantes, le constituant a tout prévu en instaurant le régime de l’intérim.
«Le mandat de député national ou de sénateur prend fin par:
1. expiration de la législature;
2. décès;
3. démission;
4. empêchement définitif;
5. incapacité permanente;
6. absence non justifiée et non autorisée à plus d’un quart des séances d’une session;
7. exclusion prévue par la loi électorale;
8. acceptation d’une fonction incompatible avec le mandat de député ou de sénateur;
9. condamnation irrévocable à une peine de servitude pénale principale pour infraction intentionnelle.
Toute cause d’inéligibilité, à la date des élections, constatée ultérieurement par l’autorité judiciaire compétente entraîne la perte du mandat de député national ou de sénateur.
Dans ces cas, il est remplacé par son 1er suppléant» (art. 110).
De même l’art. 90 stipule: «Le Gouvernement est composé du Premier ministre, de ministres, de Vice-ministres et, le cas échéant, de Vice-premier ministres, de ministres d’État et de ministres délégués. Il est dirigé par le Premier ministre, chef du Gouvernement. En cas d’empêchement, son intérim est assuré par le membre du Gouvernement qui a la préséance».
L’empêchement définitif est un obstacle légal et juridique.
Cet obstacle est vrai pour le Premier ministre comme pour les ministres. Il est régi par l’art. 94 s’agissant des ministres. «Les Vice-ministres exercent, sous l’autorité des ministres auxquels ils sont adjoints, les attributions qui leur sont conférées par l’ordonnance portant organisation et fonctionnement du Gouvernement. Ils assument l’intérim des ministres en cas d’absence ou d’empêchement».
En l’espèce, le Président de la République n’a pas à procéder à des nominations. «Le Président de la République (...) nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions sur proposition du Premier ministre» (art. 78).
En l’absence du Premier ministre, comment le Président désignerait-il des ministres et qui contresignerait cet acte?
Même si le gouvernement était réduit à 10, ce sont ces 10 ministres qui n’auraient pas reçu de mandat électif ou qui auraient renoncé à celui-ci, qui constitueraient le Gouvernement... des affaires courantes.
Venons-en au fameux droit de retour. Selon toute vraisemblance, les ministres élus députés s’attendaient à laisser leurs postes à leurs suppléants - qui ne seraient validés qu’en mars - mais pensent retrouver leurs sièges à la rentrée mars s’ils n’étaient pas retenus dans la nouvelle équipe gouvernementale.
La réponse du team est sans équivoque: c’est NON!
Lorsqu’un Député national est nommé à une fonction publique, son mandat électif est suspendu. Le député reprend de plein droit son mandat après la fin de son mandat public.
Le droit au retour ne s’exerce que si la nomination trouve l’élu à l’Assemblée nationale. Une nomination postérieure à l’acquisition de la qualité de député ne donne pas droit au retour. Les ministres ne sont pas au Gouvernement au titre d’anciens députés. Pour que le droit au retour s’exerce, il faut avoir été député au moment de la nomination.
À ce propos, le team est convaincu que conformément à l’art. 69 de la Constitution, Joseph Kabila Kabange va veiller au strict respect de la Constitution. Il rappelle le serment de prise de fonction prononcé par le Président de la République devant la Cour suprême faisant fonction de Cour constitutionnelle.
T. KIN-KIEY MULUMBA.

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