Au Sénat, ça passe ou ça casse
  • dim, 28/07/2019 - 10:52

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1463|VENDREDI 26 JUILLET 2019.

Cela ne fait l’ombre d’aucun doute que le ticket choisi par Kabila est un ticket de faucons. Modeste Bahati Lukwebo présente un tout autre profil.

Cet homme hyper fortuné - il a tout été sous Kabila même s’il n’a cessé de se plaindre de sa condition - ne s’est jamais, par contre, au combat politique kabiliste, affiché en première ligne. Prudent ou méfiant, il a toujours su s’éloigner des joutes politiques engagées. De même, contrairement à l’absence d’humanité qui caractérise certains, Bahati reste à l’écoute des gens, proches des gens, prêt à les secourir. Il est plein d’humanisme. «Ce n’est certainement pas l’homme qui sentira du parfum à longueur de journée, sablera le Champagne à chaque repas ou aura les mains en poche ou vous regardera d’en haut», évalue un observateur de la scène politique congolaise.

Il a été bien inspiré. On peut affirmer qu’il est formidable qu’il ait eu le courage de demander pardon au peuple congolais. Le problème, scientifiquement, pardon pourquoi? Alexis Thambwe Mwamba a tout été dans ce pays. Mobutiste sorti du secteur privé minier par Léon Kengo wa Dondo alors Premier ministre. Il en fit un terrible patron des Douanes faisant trembler la fratrie de Mobutu qui avait pris l’ordonnance de nomination après qu’il eut fait de lui plusieurs fois ministre. Même le patron des patrons congolais, Jeannot Bemba Saolona - le père de Jean-Pierre Bemba Gombo - a senti son odeur, dans des discours publics.

TICKET DU SÉNAT, TICKET DE FAUCONS.
Son jet privé fut cloué au sol pour défaut de paiement des frais des douanes... Ministre des Transports et Communications, ATM connut cette tragédie historique de Type Ka où un Antonov sorti de piste au moment du décollage, allait raser le marché Somba Zigida bondé, fauchant des centaines de personnes.
Il n’y a jamais eu ni enquête, ni responsabilités établies. Les victimes abandonnées à elles-mêmes!
Puis ce dossier qui traîne devant la justice internationale: celle de l’avion abattu au-dessus de Kindu, sa propre ville, en pleine rébellion du RCD-Goma et dont imprudemment, il revendiqua l’acte sur des médias internationaux dont Rfi. Il a eu des mots, des phrases terribles à l’endroit de ses propres magistrats - lui, ministre de la Justice certainement à raison. Magistrats outrés qui peinent à demander des comptes... Il y a eu des journalistes qui le mettent insultés publiquement et l’ont mis sous embargo.
Puis, des élus nationaux traînés dans la boue à Goma, publiquement, au point d’avoir couru le risque d’une révocation spectaculaire après une motion de défiance débattue et mise au vote. Une voix et une seule aurait au comptage pour la démission de l’alors ministre des Affaires étrangères.
C’est un certain Évariste Boshab Mabudj Mabilieng, président de la Chambre haute du Parlement, son colistier aujourd’hui, qui sauva la mise. On peut imaginer comment...
Le débat eut lieu un 20 mai 2009 suite à l’initiative d’un député, l’actuel ministre des PTNTIC Émery Okundji Ndjovu indigné par des propos tenus un mois plutôt à Goma - un 25 février 2009 - par le chef de la diplomatie congolaise face à des officiels congolais, rwandais et étrangers; face à des militaires de toutes nationalités, face à des journalistes, face à une foule impressionnante.
Le chef de la diplomatie congolaise se scandalisait d’une pétition signée par des Députés nationaux dans la Capitale et faisait part de son horreur face à des «individus» qui n’avaient de cesse que de traîner dans l’hémicycle, n’avaient rien à faire, étaient peu intelligents, mais s’octroyaient de scandaleux émoluments et avantages.
«Vous savez, un mois d’émolument d’un député congolais peut payer dix ans de salaire d’un enseignant du Nord-Kivu». Puis: «On ne devient pas député au sortir de l’université. Nombreux signent des documents sans en connaître ni le contenu, ni la portée…».
Alors ce pardon apprécié certes, il est fait à la suite de quel dossier?
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que le ticket choisi par Kabila est un ticket de faucons.
Évariste Boshab Mabudj Mabilieng est un autre battant. Un Combattant kabiliste. Juriste comme ATM, «Bosh» sait causer, argumenter, jeter l’anathème. S’il est sous sanctions européennes, ATM n’en a pas fini avec la justice belge (l’affaire de l’Antonov abattu par une roquette ou un missile sol-air des rebelles du RCD-G au-dessus de Kindu) et américaine (l’affaire des «mercenaire américain» dans laquelle l’Américain Darryl Lewis, arrêté le 24 avril à Lubumbashi lors du meeting dispersé de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe, transféré à Kinshasa, accuse celui qui n’a jamais enfilé autour de son cou, l’étole rouge du PPRD trop fier d’être et de rester un indépendant, attaché à la seule personne de Joseph Kabila. Mais choisi par Kabila lui-même qui l’apprécie pour son audace et célébré par le PPRD. Ce qui ne va pas sans quelques grincements de dents au PPRD. Qu’importe! «Un Chef, on obéit ou on se vire», ironise quelqu’un paraphrasant l’ex-ministre socialiste français Jean-Pierre Chevènement: «un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne».
Griefs portés le 29 juillet 2016 contre ATM devant la Cour du district de Washington D.C: violences physiques et tortures.
L’Américain réclame US$ 4,5 millions aux autorités congolaises en réparation des tortures subies, près d’un mois lors de sa détention, dans le but de lui extorquer de faux aveux.

BAHATI PLUS PROCHE DES GENS.
À contrario, Modeste Bahati Lukwebo présente un tout autre profil. Cet homme hyper fortuné - il a tout été sous Kabila même s’il n’a cessé de se plaindre de sa condition - ne s’est jamais, par contre, au combat politique kabiliste, affiché en première ligne. Prudent ou méfiant, il a toujours su s’éloigner des joutes politiques engagées.
De même, contrairement à l’absence d’humanité qui caractérise certains, Bahati reste à l’écoute des gens, proches des gens, prêt à les secourir. Il est plein d’humanisme. «Ce n’est certainement pas l’homme qui sentira du parfum à longueur de journée, sablera le Champagne à chaque repas ou aura les mains en poche ou vous regardera d’en haut», évalue un observateur de la scène politique congolaise.
Ce combat, Bahati en rêvait depuis des lustres. Il avait toujours rêvé de ce moment: un beau combat, une belle bataille. La bataille du siècle. Sans aucun doute.
Le combat de sa vie. Cette fois, ça passe ou ça casse, jure Bahati. Un combat qui se présente comme une belle revanche, le deuxième tour des scrutins du 30 décembre 2018. De ce fait, mieux vaut la mort dans le combat que la vie d’un vaincu...
Il s’était toujours plaint du sort qui lui était réservé. À tort ou à raison, certainement à raison qu’à tort, que n’a-t-il pas enduré, lui et d’autres, au sein de l’ex-majorité présidentielle! Toutes les frustrations imaginables et inimaginables!
Depuis longtemps, Modeste Bahati Lukwebo se savait traqué, incriminé. Il y a longtemps qu’on l’aurait brisé, qu’on lui aurait cassé le cou ou les couilles - au fait, c’est du pareil au même -, mis en morceaux comme à d’autres (André-Philippe Futa, Vital Kamerhe, Christophe Lutundula, Pierre Lumbi, José Endundo, Olivier Kamitatu, Moïse Katumbi, Tryphon Kin-kiey Muumba, etc.) peu chanceux, maladroits, soufrant d’absence de réseaux dans le dernier carré du pouvoir ou peu dépourvus matériellement pour transformer le mauvais sort, défaire la magie même si beaucoup ont survécu quand on promettait à tous ou l’exil, la décrépitude, l’abâtardissement, l’avachissement. En somme, l’exténuation au propre comme au figuré.
Mais connaissant le jeu et les joueurs, Bahati a semé tous ses poursuivants, a survécu à tous les traquenards.
Va-t-il survivre à cette guerre du siècle qu’il a déclenchée, qu’il vient de déclencher, ce combat de sa vie auquel il a toujours rêvé et que tout le monde, proches et adversaires, sait qu’il a longtemps préparé, mijoté, paramétré au millimétrage? Lui n’a aucun doute... «Nous allons gagner», répète-t-il invariablement pour remobiliser les tropes...
Ni le momentum de la communauté internationale farouchement opposée au schéma FCC, ni le financement à mettre dans la balance ne fait défaut à ce briscard, vieux routier calculateur de la politique zaïro-congolaise.
Mobutu qui avait maîtrisé le personnel politique de son époque et a eu à s’approcher de lui, séduit par son esprit de combativité, avait fini par lâcher ces mots à des proches, parlant de lui et qui s’amusent à répéter à satiété: «Tata oyo, soki opesi ye pouvoir te, okolala pongi te» (cet homme, tant que tu ne l’as pas mis à une position de gestion, tu ne trouveras pas le sommeil).
Sous Joseph Kabila, Dieudonné Bolengetenge Balela, candidat questeur de la Majorité présidentielle (aujourd’hui au G-7) faisant partie du ticket présenté, porté, défendu bec et ongles, l’avait échappé belle.
Questeur sortant dans le bureau de Vital Kamerhe Lwa Kanyinginyi Nkini, Modeste Bahati Lukwebo également membre de la Majorité présidentielle, s’était maintenu mordicus dans la confrontation jusqu’à défier officiellement, publiquement Kabila alors tout puissant représenté par un homme de grande confiance et, du coup, hyper puissant, considéré de son vivant dans les chancelleries comme le Vice-Président de la République sinon le Président de la République, Augustin Katumba Mwanke qui fut longtemps ministre délégué à la Présidence de la République tué dans le crash resté non élucidé d’un jet en partance de Lubumbashi sur la piste de Kavumu, à Bukavu, le 12 février 2012, peu avant que les États-Unis ne reconnaissent l’élection du président Kabila. Une reconnaissance intervenue quatre jours plus tard.
«La position des États-Unis est claire: nous reconnaissons Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo pour les cinq années à venir. Nous espérons que les irrégularités constatées le 28 novembre 2011 seront évitées aux prochaines élections provinciales, locales et autres», déclare le diplomate américain à Kinshasa James Entwistle qui répondait aux questions des journalistes au cours d’une conférence de presse au Centre culturel américain à Kinshasa.
«Notre attention sur les erreurs commises lors des élections ne doit pas nous faire oublier les moments d’espoir et de promesses», déclare l’ambassadeur à Kinshasa ajoutant: «L’enthousiasme exprimé par les Congolais le 28 novembre a mis en exergue un engagement véritable envers la démocratie. Nous savons tous que le chemin vers la démocratie est long. Les États-Unis sont donc fiers de travailler avec le peuple congolais pour assurer un avenir prospère et démocratique pour le pays dans son ensemble».
Peu avant, Mme Hillary Clinton alors secrétaire d’État, avait critiqué les élections présidentielle et législatives «entachées de graves irrégularités, avec un manque de transparence», ajoutant qu’elles n’étaient «pas a la hauteur des progrès démocratiques observés lors des dernières élections africaines».
Puis: «Sans un engagement fort du gouvernement de la RDC envers la démocratie et les droits de l’homme, peu de choses durables sont possibles», avait prédit à Washington devant le Sénat un autre diplomate américain, Daniel Baer.
Dans un système électoral jamais transparent, nul en effet, ne saura jamais, qui, de Bahati et de Bolengetenge, l’avait emporté ce jour-là, dans les urnes. Même si c’est Bolengetenge qui fut proclamé... .
Le 24 février 2009, après que le bureau Kamerhe fut sacqué et que des élections furent organisées, il n’y avait pourtant eu que du Bahati, Bahati, Bahati, Bahati, peu ou pas de Bolengetenge, puis Bahati, Bahati qui reprenait de plus belle. Présent à plusieurs titres dans la salle, vissé sur le strapontin, au milieu en dernière ligne de l’hémicycle, suivant le dépouillement radio-télévisé en direct, le député Katumba Mwanke faillit faire un AVC. Il n’était pas le seul. Tant Bahati menait la course triomphalement en tête...

BAHATI NE LÈVE JAMAIS LE PIED.
En clair, cet homme né le 13 janvier 1956 à Katana au Sud Kivu, issu de la Société civile, passé à la politique d’abord comme P-dG de la SONAS (avec alors le monopole dans le secteur) et plusieurs fois ministre (Travail, Plan, Économie, etc.) sait donner coups et insomnies à qui lui cherche noise. .
«Il est comme un serpent qui se déplace et qui s’arrête quand on le frappe mais reprend sa marche en avant et s’arrête quand on le frappe, mais ne lève jamais le pied tant que ses intérêts n’ont pas été pris en compte mais peut se satisfaire d’une offre alternative quitte à reprendre le combat pour une offre plus alléchante», témoigne un homme qui l’a longtemps approché dans l’ancien GPI, Groupe Parlementaire des Indépendants dont la présidence fut exercée longtemps par le Député Tryphon Kin-kiey Mulumba et qui comptait en son sein un membre - un certain Alexis Thambwe Mwamba bientôt ministre des Affaires étrangères présenté par sur une liste où on retrouvait en tête un certain Tryphon Kin-kiey Mulumba et présentée par Bahati Lukwebo au Premier ministre d’alors Adolphe Muzitu Fundji - et un autre Athanase Matenda Kyelu ministre des Finances présenté par... Bahati Lukwebo - le même - au Premier ministre d’alors Antoine Gizenga Fundji et reconduit par Adolphe Muzitu Fumutshi, quand Bahati trônait à la questure sous Kamerhe. «C’est à cette époque que Bahati tissa sa toile en consolidant ses arrières, sous un Kamerhe peu regardant sur la caisse tenue par un frère de sang», témoigne un autre.
Les relations entre les deux hommes n’ont jamais été franches.
«Dans un Kivu où on vous dit oui quand c’est non, les relations humaines n’ont été qu’ainsi», tempère un sociologue.
Quand le 25 mars 2009, Kamerhe remet sa démission - accusé de crime de lèse-majesté après des déclarations le 21 janvier 2009 sur Radio Okapi regrettant le début des opérations militaires conjointes entre FARDC et l’armée rwandaise, Forces armées rwandaises, FAR, dans le Nord-Kivu - et entre dans l’opposition, ses relations avec Bahati demeuré proche de Kabila, restent floues.
Quand le G-7 se crée, il s’en trouve pour documenter, expliquer, affirmer qu’à l’origine, le groupe de ces sept personnalités (Charles Mwando Nsimba, Pierre Lumbi Okongo, Christophe Lutundula Pene Apala, Charles Kyungu wa Kumwanza, Olivier Kamitatu Etsu, José Endundo Bononge, Banza Maloba) traitées par l’alors gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe qui rejoindra bientôt son G-7, était à 8. Le huitième c’est Bahati qui, au tout dernier moment, a quitté le navire, ayant trouvé son compte ailleurs.
Il en aurait récolté une «petite récompense» en terme de promotion. Passant au Gouvernement Matata, du ministère du Travail (l’avant dernier dans la hiérarchie de l’Exécutif) à celui à très bon goût de l’Économie nationale bien que délesté des PME...
En rage, Bahati se rappelle qu’il est le mal aimé, s’écrase mais n’en pense pas moins. Même si au ministère du Travail qui devenu à son départ une Vice-Primature - Bahati trouve là une énième explication de maltraitance -, il avait eu sous son escarcelle deux services convoités par des connaisseurs, INSS (depuis CNSS), INPP où il a tissé d’excellents rapports avec les deux administrations et pénètre des chancelleries notamment nippones qui, sur présentation de dossiers qu’il sait monter, apporte du financement pour la construction d’immeubles. Le génie a pu se frotter les mains... L’homme qui l’a remplacé, le PALU Willy Makiashi bombardé Vice-Premier ministre (4 ans, 7 mois et 6 jours à compter du 8 décembre 2014) assumant souvent l’intérim du Premier ministre, n’y a vu que du feu.
«Le week-end dernier, il n’y avait que ça! Ce pavé dans la mare. Le ministre du Plan avait-il choisi de s’en aller loin (très loin) de la Majorité Présidentielle? Lors d’une réception samedi 28 avril de ses nouveaux adhérents, Modeste Bahati Lukwebo déclare, rapportent des journaux en ligne: «Nous sommes dans la Majorité Présidentielle. Nous voulons que ça soit clair: «nous n’accepterons aucune décision qui sera prise sans nous par un groupe de gens au sein de la Majorité Présidentielle. L’AFDC doit être associée à toutes les décisions stratégiques de la MP. Au cas contraire, nous n’accepterons aucune décision qui sortirait de ces réunions». Animateur d’un site en ligne, Stanys Bujatera Tshiamala poste un tweet peu après: «Bahati Lukwebo: «On doit veiller aux prochaines élections parce qu’il y a des gens qui préparent la tricherie». Venu de la bouche d’un ministre... d’État (au Plan), l’alerte fait sérieux. Sauf démenti, les commentaires à qui mieux mieux vont s’emballer!» (lesoftonline 5/01/2018 12:02:00 am, édition papier n°1433, datée 30 avril 2018).
Qui vraiment, au sein de l’ex-Majorité présidentielle, lui jetterait la première pierre? Cette Majorité, véritable caste d’hypocrites, chacun voulant placer et faire triompher son mot à l’Autorité Morale Kabila, installant des ministres ou autres hauts fonctionnaires dans diverses équipes gouvernementales et présentés comme membres de l’opposition alors qu’ils y vont en service commandé, reportent aux mentors et versent des prébendes, ces parts prélevées sur des revenus ou des contrats mirobolants revenant de droit au mentor pour sa subsistance et en compensation de la fonction octroyée.
Après Mobutu, Kabila a mis du temps à connaître son personnel politique mais y est parvenu à la fin de son régime. Quand mercredi 8 août 2018, il désigne peu avant midi le Secrétaire général de son parti présidentiel PPRD Emmanuel Shadary Ramazani candidat président de la République après qu’il eût tenté lui-même en vain de rempiler, jamais accompagné ni par sa cour qui conteste son expertise, ni par la communauté internationale cordialement hostile à la perspective d’un troisième mandat quand elle autorise dans la sous-région, le président place un piège devant ses caciques, chacun candidat résolu à sa succession.
Ce 8 août 2018 était la date limite de dépôt des candidatures pour tout Candidat Président de la République. Le scrutin était annoncé pour le 30 décembre.
Le long chemin de croix mis en place par une Centrale électorale nationale... indépendante ou une administration fiscale briefées et en collusion avec le pouvoir était tel que si vous ne vous étiez pas pris à temps, il vous était impossible de conclure. Même si, au final, des candidats aiguillés ont pu être accompagnés. Ayant retiré le fameux «jeton de file», ils ont pu payer la caution et atteindre l’autre rive...

À MALIN MALIN ET DEMI.
Or, la veille 7 août, Kabila avait réuni tous ses cardinaux dans sa ferme à l’est de la Capitale, à Kingakati, et avait laissé chacun se convaincre qu’il était le dauphin choisi avant de demander qu’ils regagnent la maison en toute sécurité en laissant le téléphone ouvert. Le nom serait annoncé d’ici la nuit...
C’est finalement le lendemain peu avant midi que Kabila sort du chapeau Ramazani lui-même surpris, après que Matata (de la même province du Maniema comme le premier) ait été rayé, honni et rejeté par ses coregionnaires.
À malin malin et demi. Se sachant piégé, chacun des candidats dauphin avait pu apprêter son dossier, engagé des sommes colossales, mis en place matériel et équipes de campagne. Dans la matinée de ce 8 août, Bahati qui s’était laissé convaincre que c’était lui, a déployé ses militants portant son drapeau rouge dans les environs du siège de la Centrale électorale. Qu’importe! si ce n’est pas lui. De toute façon, il rattrapera le temps perdu et arriverait à temps à déposer son dossier. Sauf que Nangaa - le même - aux ordres, savait qui il allait recevoir, avait calé ses rendez-vous. Une journée de travail n’a jamais été élastique. Elle n’a que 8 heures utiles. Après, il faut lever le pied...
Bahati trop tard! Les événements vont s’accélérer à un tel rythme qu’il ne lui restait plus que de jeter l’éponge, accepter ce combat perdu, réaffirmer stratégiquement «son allégeance, sa fidélité, sa loyauté, etc., à l’Autorité Morale de la Majorité Présidentielle», les yeux rougis de larmes.
Jamais dupe, Kabila avait fait fonctionner les Services de l’ANR et autres qui ont documenté et l’ont informé. Le coup de maître a magistralement marché. En sanglots, les hommes sont revenus dans les rangs... Dans son salon, avec des proches, Kabila savoure une énième victoire.
Mais Bahati, si bien traité par son ami Mobutu, n’a rien oublié. Aux Législatives nationales du 30 décembre 2018, il a, à nouveau, mordu la poussière, trop mal inspiré en migrant de sa circonscription d’origine de Kabare - où il n’avait pas été élu en 2006 - pour la ville de Bukavu contestataire comme jamais et toujours aussi acquise à l’opposition portée cette fois par Kamerhe. Or, Bahati est le tout puissant ministre du Plan de Tshibala - donc de Kabila - avec lesquels la ville n’entend rien avoir de commun.
En revanche, longtemps soupçonné d’être tout sauf kabiliste, tout logiquement, la Centrale électorale kabiliste jusqu’aux ongles, a exclu logiquement Bahati de la liste des élus nationaux et locaux.
Qu’importe! Cet homme qui pèse lourd (de nombreux immeubles dans plusieurs villes du pays, plusieurs dizaines de millions de $US), qui a toujours su retrouver sa place auprès des juges (en 2006, ce fut par la Cour suprême qu’il est venu à la Chambre basse), sait mettre en jeu sa fortune colossale, cette fois pour Chambre haute. Bahati le sait: c’est le combat de sa vie. Bahati a juré... Il vise désormais le prestigieux fauteuil de cuir haut perché, succéder au géant des géants Léon Kengo wa Dondo, l’homme battit tous les reconds en étant nommé trois fois Premier ministre de Mobutu. Le perchoir et rien d’autre, qui lui permettrait, en cas de vacance à la présidence de la République - hypothèse souvent avancée au PPRD - d’être Président de la République, d’incarner l’État congolais, même pour quelques semaines.
Bahati a oublié les calculs du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) sous couvert du FCC (Front Commun pour le Congo) qui cherche du pur sang, du dur, capable de faire front aux calculs supposés de son soit-disant allié CACH. Le portrait robot exclut d’office Bahati de l’enjeu...
Mercredi 8 juillet 2019, lors d’une réunion du Saint des saints du FCC dans une salle du Kin Plaza Arjaan by Rotana, Bahati en sort fort contusionné.
Sur le modèle consommé de l’ex-Majorité présidentielle, tous les chiens de garde particulièrement redoutables, des molosses enragés, ont été lâchés. Menaces, injures, vérités contenues, etc., tout passe publiquement.
Ses frères du Sud-Kivu se cachent le visage, évitent tout contact visuel avec un reclus. Trop dangereux pour la suite des événements.
Le président de l’Afdc-A a trop longtemps joué avec le feu. Kabila a pris le temps de le maîtriser. L’ancien Président s’en prend violemment à ces proches qui l’avaient longtemps retenu quand la décision avait été prise de sortir ce bagnard du clan.
Dans une déclaration publique non signée, un délai de 48 heures lui est donné de s’amender publiquement, en faisant un nouvel acte d’allégeance. C’est peu connaître Kabila qui commande le moindre détail au PPRD comme au FCC.

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Le communiqué du 9 juillet de la Conférence des Présidents des Regroupements politiques membres du FCC, signe l’arrêt de mort de Bahati.
«La Conférence des Présidents a pris bonne note de l’évolution positive des consultations entamées auprès des honorables Sénateurs, afin d’obtenir leur adhésion à ce ticket porté par l’honorable sénateur Thambwe Mwamba. La Conférence des Présidents a constaté cependant, avec regret, qu’en dépit des efforts fournis et l’indulgence consentie à l’endroit du Sénateur Modeste Bahati Lukwebo, qui avait pris l’engagement de reconsidérer sa position, tendant à présenter une candidature concurrente et de respecter les décisions pertinentes prise par la Conférence des Président du 08 juillet 2019, le Sénateur Bahati Lukwebo est passé outre et continue à poser des actes qui portent gravement atteinte aux intérêts politiques du Front Commun pour le Congo (FCC). Que de ce fait, considérant son comportement récidiviste, le précité, l’honorable Sénateur Modeste Bahati s’inscrit dans une position d’auto-exclusion. De ce qui précède, vu les dispositions pertinentes de la Charte et de l’Acte d’engagement du FCC, la Conférence des Présidents décide ce qui suit: la mobilisation générale de tous les honorables Sénateurs autour du ticket FCC qui sera porté par l’honorable Alexis Thambwe Mwamba; la suspension à durée indéterminée de l’honorable Bahati, responsable du regroupement AFDC/A du FCC; par conséquent, il est demandé aux cadres et élus du regroupement AFDC/A de présenter à la coordination du FCC un nouveau leadership devant représenter leur regroupement auprès des organes du FCC ; les chefs des regroupements réaffirment leur loyauté à l’autorité morale du FCC, l’honorable Sénateur Joseph Kabila Kabange et renouvellent leur attachement aux idéaux portés par le FCC».
C’est peu connaître ce Shi de Kabare qui n’attendait que ça. Modeste Bahati Lukwebo claque la porte de Joseph Kabila et de son FCC.
«Je reprends mon autonomie. Merci pour la collaboration et pour tous les bons moments passés ensemble», répond Bahati téméraire sur Rfi à la décision de la coordination du FCC de le suspendre pour une durée indéterminée.
La bataille se poursuit pour la présidence du Sénat. La guerre est repartie de plus belle avec la contre-attaque de Bahati qui a réuni en trombe ses états-majors dans un selle d’hôtel de Kinshasa, étole rouge liturgique de prêtre ou diacre catholique entre les épaules. Le communiqué lu par le ministre honoraire de l’Industrie, Rémy Musungayi Bampale, ne fait pas de quartier. Avec la même forme, il dénonce le climat de haine, d’animosité et les règlements de comptes devenus un mode gestion au sein du FCC; renouvelle sa confiance au Président et Autorité Morale du Regroupement Politique AFDC-A, l’Honorable Sénateur Modeste Bahati Lukwebo; note que la Conférence des Présidents des Partis et Personnalités Politiques demeure l’unique organe compétent habilité à engager l’AFDC-A et, ce, par la personne de son Président et Autorité Morale, l’Honorable Sénateur Modeste Bahati Lukwebo. En conséquence, elle fait observer que la déclaration faite en date du 05 juillet 2019 par un groupuscule d’élus et de non élus de notre regroupement, ne peut engager l’AFDC-A; invite particulièrement les Députés Nationaux à examiner scrupuleusement les disposition pertinentes des articles 110 in fine de la Constitution et 95 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale; met en garde tous ceux qui tentent de débaucher en son sein car ils n’auront ni légitimité ni légalité pour engager notre regroupement. L’AFDC-A reste une et indivisible; invite son Groupe Parlementaire à l’Assemblée Nationale à reconstituer son bureau; confirme la déclaration de la Conférence des Président des Partis et Personnalités Politique élargies aux Sénateurs, Députés Nationaux et Députés Provinciaux et Autorité Morale du regroupement politique AFDC-A, l’Honorable Sénateur Modeste Bahati Lukwebo, a été investi en qualité de candidat au poste de Président du Sénat; fait remarquer qu’à la suite du communiqué suspendant son Président et Autorité Morale de la Conférence des Présidents des regroupements du FCC, la Conférence des Présidents des Partis et Personnalités Politiques signale que c’est l’AFDC-A qui est membre du FCC et non son Autorité Morale. De ce fait, seule cette dernière engage ses membres au sein d’autres instances et n’enverra personne au FCC quant à ce; prend acte de cette suspension et annonce que le Regroupement Politique AFDC-A reprend son autonomie totale vis-à-vis des institutions de la République, des Associations de la Société Civile ainsi que d’autres regroupement et partis politiques».
Nul doute, avec cette guerre du perchoir du Sénat, le pays va vivre un cataclysme. Nul doute, ça va voler dans tous les sens. Sur Internet et sur des médias quelconques, la guerre a commencé. Injures, révélations fracassantes, accusations, etc., la saleté commence à être mise dehors. Comme sous Mobutu-Le Léopard, des boas vont être éventrés, au grand bonheur des observateurs... Et Bahati a promis d’être au rendez-vous de la vie ou de la mort mais il sait que c’est un rendez-vous de la vie.
C’est à qui saura le plus claquer ses $US... Bahati peut cracher $US 5 millions. Voire plus. Pas sûr que le FCC en sorte autant. Lui qui veille à ses sous, n’a jamais rien sorti de consistant. Pour la campagne Mabunda, chaque député national a reçu US$ 2.500,00. Des miettes en d’autres termes. Quand des élus provinciaux négociaient jusqu’à US$ 50.000,00 chacun. Autant aller en province que rester à Kin... Mais dans un moment où les observateurs anti-corruption sont aux aguets, le FCC saura-t-il agir?
Si la tragédie Kengo-She se rééditait en mode gratuit? Après avoir fait rêver Abdoulaye Ndombasi Yerodia, c’est She Okitundu qui fut choisi. Impliquant un TSS, Tout Sauf She. En clair, le vote Kengo wa Dondo, ce 11 mai 2017 (55 contre 49) avec tous les Né-Kongo déversés chez Kerngo...
Cette fois, un duo de la province Orientale a été consulté - l’ex-gouverneur de Haut-Uélé Jean-Pierre Lola Kisanga et l’ancien Pdg des Mines d’or John Tibasima Mbogemu - et désigné. Les deux ont mobilisé, ont fait rêver. Tous deux d’anciens rebelles du RCD-Goma. C’est finalement le Maniema qui a été désigné et Alexis Thambwe Mwamba. Lui aussi ancien RCD-Goma.
Du coup, tout devient incertain. Un TST (Tout Sauf Thambwe) lors d’un vote secret? Futé, Bahati a déployé ses espions. Mission: tout vérifier. Il a la chance de compte l’un des siens propre, le président du bureau provisoire. Un élu UNC de Bukavu, Léon Mamboléo Mughuba Itundamilamba.
Et voici que, sur scène, tout soudain devient troublant. Tout le décor est planté. Quand tout se radicalise, voilà qui ne présage rien de bon. Quand le FCC se prend à rêver d’une fronde Afdc-A et exclut Bahati, l’Afdc-A fait ses adieux au FCC. Mobutu-Le Léopard qui connaissait Bahati, n’avait jamais su affronter ce Shi de Kabare. Machine AFDC-A (ci-haut) contre machine FCC-PPRD (ci-bas). Nul doute, une palpitante explication qui sera aussi suivie qu’une finale de foot.
Reste à apprécier ces mots de ATM. «Quels que soit les résultats, je veux me retrouver avec mon frère Bahati pour travailler comme sénateur». Puis: «Je ne suis pas saint mais les sénateurs vont découvrir une fois élu, la vraie personne d’Alexis».
T. MATOTU


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