A l’international, le PM monte en puissance une communication de guerre
  • ven, 31/08/2012 - 11:09

Le PM Augustin Matata Ponyo Mapon a accordé un entretien au Soir de Bruxelles qui l’a publié fin de semaine dernière sous la signature de sa journaliste Colette Braeckman qui faisait partie de la délégation en R-dC du ministre Didier Reynders.
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1184 DATE LUNDI 27 AOUT 2012

Une interview qui montre que dans la crise actuelle dans les Kivu, Kinshasa a résolu de changer de ton face à Kigali. Ainsi, le chef de l’Exécutif r-dcongolais aborde en termes extrêmement clairs le mythe rwandais de la bonne gouvernance décidé de le démystifier et qui fait à l’étranger la réputation du régime de Kigali. Il monte en puissance la communication en montant la pression.
«Je souhaite que la communauté internationale comprenne qu’on ne peut pas laisser un pays semer du désordre ailleurs, profiter de la mutinerie pour organiser son économie. J’ai la conviction que le vice-premier ministre belge, qui a géré les finances de son pays durant dix ans, a compris que la gouvernance est un concept global, qu’on ne peut parler de réussite économique si ce succès est obtenu en pillant le voisin. Il sait qu’on ne peut pas faire de la bonne gouvernance en tirant profit des ressources de son voisin: il ne s’agit pas là de gouvernance, fondée sur des valeurs éthiques, mais de tricherie».

A WASHINGTON AUSSI, LE TON A CHANGE.
Dans une lettre ouverte au président Kagame, onze Congressmen (des démocrates mais aussi des républicains) ne disent pas autre chose lorsqu’ils font état de leur «profonde inquiétude» et «des gains que le Rwanda a tirés en stabilité ces dix-huit dernières années et qui risquent de miner le voisin r-dcongolais en faisant reculer toute la région d’Afrique centrale» et parlent du soutien rwandais au M23 comme «une évidence bien documentée, établie par plusieurs faits, soutenus par plusieurs sources onusiennes et par des témoins impartiaux» bien que nié par Kigali (Le Soft International daté lundi 13 août 2012).
Ci-après les propos rapportés par Colette Breackman dans l’édition du Soir datée du 17 août.

Originaire de l’Est du Congo (Kindu-Maniema), M. Matata Ponyo a longuement répondu aux questions que nous lui avons posées sur la situation à l’Est et sur les perspectives de développement économique de la R-dC.
La rigueur que nous entendez développer n’est-elle pas l’une des causes de la guerre, car vous auriez perturbé certains circuits mafieux?

Il s’agit d’une hypothèse crédible et vérifiable; nous entendons mettre de l’ordre dans la gestion du secteur minier et vous savez très bien qu’il y a des pays qui tirent profit du désordre qui existe dans certaines parties de notre pays, un désordre entretenu par ces mêmes acteurs…
Ils ont compris que si de l’ordre est mis par ce gouvernement, il faut lui faire la guerre. Mais ne vous en faites pas, ces évènements nous donneront aussi l’occasion de faire de l’armée congolaise une armée d’élite, qui défend ses frontières.
C’est parfois en période de guerre qu’ont été créées les meilleures armées. Je suis un économiste mais je saurai aussi affûter les armes pour créer une armée dissuasive… Nous allons mettre de l’argent dans la professionnalisation de l’armée congolaise…

Cette guerre n’est-elle pas en train de freiner vos efforts?
La priorité des priorités, c’est le rétablissement de la paix, la défense des frontières historiques de notre pays et nous avons, hélas, été obligés de réorienter vers la guerre une partie des fonds publics. C’est pour cela que nous voulons que cette guerre se termine… Je souhaite que la communauté internationale comprenne qu’on ne peut pas laisser un pays semer du désordre ailleurs, profiter de la mutinerie pour organiser son économie.
J’ai la conviction que le vice-premier ministre belge, qui a géré les finances de son pays durant dix ans, a compris que la gouvernance est un concept global, qu’on ne peut parler de réussite économique si ce succès est obtenu en pillant le voisin.
Il sait qu’on ne peut pas faire de la bonne gouvernance en tirant profit des ressources de son voisin: il ne s’agit pas là de gouvernance, fondée sur des valeurs éthiques, mais de tricherie.
Je sais que lorsque l’on veut faire des réformes, on navigue à contre-courant.
Durant les 26 mois que j’ai passés au Ministère des Finances, j’en ai fait l’expérience mais j’ai obtenu des résultats palpables. Les réseaux mafieux existent et cette guerre est fondée sur l’exploitation frauduleuse des minerais par des groupes mafieux qui ont certains des relais à l’intérieur de la RDC. Nous sommes décidés à nous attaquer à tous ces réseaux qu’ils soient transfrontaliers ou non… Lorsqu’un pays exporte des minerais et n’en est pas producteur, cela profite in fine à celui qui achète…

Votre ton est plus dur que celui habituellement adopté par les responsables congolais.
J’ai été le premier à aller au front, à me rendre à Goma, à Bunagana. J’ai pris le risque d’y aller car il faut remonter le moral de ceux qui sont au front. Lorsque l’on reçoit une autorité comme M. Didier Reynders, connu pour sa rigueur et son professionnalisme, que pourrions nous faire d’autre que le prendre à témoin, dénoncer ceux qui perturbent la paix dans l’Est du pays. Il y va de mon devoir. Telle est aussi ma contribution, je dois faire des réformes rigoureuses mais je dois aussi rétablir la paix dans ce pays. Et comment développer un pays qui serait coupé dans sa partie Est?

En février dernier, vous avez échappé à un grave accident d’avion à Bukavu. Cela a-t-il influencé votre vision des choses?
Il est vrai que j’aurais pu perdre la vie, que je suis un miraculé. Cela m’a donné une autre façon de voir la vie, plus d’énergie encore à consacrer à mon pays.

Sur le plan intérieur aussi, la lutte contre la corruption doit vous valoir des ennemis…
Dans un pays comme le nôtre ou tant d’anti-valeurs ont été instaurées, il faut naviguer à contre-courant et j’ai la chance d’être soutenu par le Chef de l’Etat. Aujourd’hui, après cent jours, les ressources commencent à être canalisées. Elles ont augmenté substantiellement et permettent de financer tous les projets socio-ecomoniques dont nous parlons aujourd’hui. Parmi les grandes priorites du social figure l’agriculture. Nous avons déjà décaissé 15 millions de dollars et allons continuer car il faut donner à manger à chaque Congolais. Le transport aussi est essentiel. Nous avons commandé des bus pour 4 millions de dollars et nous allons en acheter davantage.

Quels sont les principaux points de votre bilan, cent jours après votre nomination?
Il y a d’ abord le renforcement de l’efficacité de l’Etat, la lutte contre la fraude, la corruption, nombre d’objectifs ont été atteints, la stabilite du cadre macro- économique, le taux d’inflation est en- dessous des 2 pc. Cette stabilite est un socle sur lequel il faut construire l’économie d’une nation moderne; pour la population, les retombees sont là: les salaires de la fonction publique sont bancarisés et j’ai reçu des lettres de fonctionnaires qui me remercient d’avoir pu toucher enfin l’intégralité de leur salaire. Pour la première fois dans l’histoire, il n y a pas eu de prelèvements. D’ ici la fin de l’année, les militaires et les policiers seront eux aussi payés par banque, le fichier électronique sera constitué. Nous avons aussi mis à l’agenda l’amélioration du climat des affaires. Si nous cherchons la croissance, nous ne pouvons avoir un climat des affaires qui chasse les investisseurs… C’est pour cela que nous avons adhére à l’Ohada et déposé les instruments de ratification…
La rigueur que nous voulons imposer est une rigueur pour la croissance: nous avons commencé à financer l’agriculture 23 miliions de dollars, acheté des bus neufs (26 millions de dollars), allons construire des bâtiments publics, des infrastructures (12 millions de dollars par mois). Nous voulons ne voulons pas que notre pays figure tout à la fin de l’échelle du développement humain, c’est inacceptable mais en même temps c’est juste car il s’agît d’un classement objectif. Mais cela doit nous amener à faire des efforts et j’ y suis déterminé. Mon message à l’égard de mes compatriotes de la diaspora c’est qu’il faut qu’ils reviennent, beaucoup sont déjà rentrés nous sommes en train de créer un fonds pour développer la petite entreprise privée…
17 août 2012

LEGENDE :
Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo. PHOTO DR.

Categories: 

Related Posts