Assassinat des experts onusiens, le ministre Lambert Mende s’en prend aux «amalgames maladroitement agencés»
  • ven, 22/12/2017 - 03:21

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Dans un point de presse portant sur «l’état de la Nation après l’adoption par le Parlement de la Loi Électorale qui défraie la chronique ces jours-ci», le ministre de la Communication et des Médias Lambert Mende Omalanga s’en est pris à une «campagne médiatique qui, à partir d’une enquête menée par deux journalistes de Rfi et Reuters, Sonia Rolley et Aaron Ross, tente, par des amalgames maladroitement agencés, de rendre le Gouvernement congolais responsable ou complice de l’assassinat de deux experts de l’ONU dans le Kasaï Central au mois de mars 2017». Le ministre fait allusion à un long texte écrit par ces deux journalistes insinuant que les autorités congolaises seraient à la base de l’assassinat dans le Kasaï Centrale des deux experts onusiens, la Suédoise Zaïda Catalan et l’Américain Michael Sharp. En l’espèce, le porte-parole du Gouvernement présente la version des faits du Gouvernement. Ci-après:
«Pour faire court, cette véritable chronique judiciaire littéralement saucissonnée semble poursuivre l’objectif de remettre en cause la version du Parquet militaire congolais partagée par la Commission d’enquête mise en place par le Secrétaire général de l’ONU accusant les insurgés Kamuina Nsapu d’avoir assassiné ces deux enquêteurs onusiens pour essayer d’induire la culpabilité du Gouvernement congolais dans ce crime odieux.
C’est le lieu de rappeler que ni le Gouvernement, ni le Secrétaire général des Nations Unies et encore moins des journalistes ne sont qualifiés pour accuser qui que ce soit de quoi que ce soit. La responsabilité de poursuivre des faits criminels et de procéder à l’accusation revient exclusivement au Ministère public dont nous, Gouvernement, nous nous limitons de temps en temps à relayer les conclusions qui, en l’espèce, ressortent d’une instruction juridictionnelle qui est du reste publique devant les Cours Militaires Supérieures de Kananga et de Mbuji-Mayi. Il est surprenant que des professionnels de médias aussi respectables fassent fi du principe élémentaire de la séparation des pouvoirs qui laisse au seul ministère public (le parquet en l’occurrence) la plénitude de l’action publique et aux juges le pouvoir de désigner les coupables de crimes et d’infractions.
Les deux auteurs de la fameuse enquête de Rfi et Reuters se permettent de se substituer aux magistrats et de caricaturer leur démarche en parlant de «scénario dessiné au fil des audiences» comme si, au-delà du compte-rendu des audiences qui sont en train de se dérouler, il leur revenait à eux d’instruire cette affaire parallèlement avec la justice. Aucun Etat de droit au monde ne peut accepter pareille usurpation de qualité même sous le prétexte du journalisme d’investigation.
En réalité, les «révélations» de Rfi et de Reuters ne contiennent aucun élément nouveau pour quiconque suit la chronique de ce procès qui oppose devant les Cours Militaires Supérieures de Kananga et Mbuji-Mayi les Auditeurs Militaires Supérieurs près ces juridictions aux personnes impliquées dans les violences dans l’espace kasaïen et notamment dans l’assassinat des deux experts de l’ONU. S’agissant de ce dernier dossier, d’après les renseignements recueillis au cours des audiences publiques (pas besoin d’être un fin limier pour y accéder), la Suédoise Zaïda Catalan et l’Américain Michael Sharp sont arrivés à Kananga le 8 mars 2017en provenance de Goma à bord d’un avion de la MONUSCO avec le projet d’effectuer un déplacement de Kananga vers la mission catholique de Bunkonde à 78 kms au sud du chef-lieu du Kasaï Central. Le 10 mars, c’est-à-dire deux jours après avoir débarqué à Kananga et sans sacrifier à la tradition qui veut que les visiteurs nationaux ou étrangers nantis d’un mandat officiel présentent leurs «civilités» à l’autorité politico-administrative du lieu, (le Gouverneur de province), ils participent à une réunion de la famille régnante de la chefferie Kamuina Nsapu qui s’est tenue au domicile de M. Tshibuabua Mbuyi José, un fonctionnaire, Inspecteur Adjoint à la Direction Générale de Migration de son état dans un poste reculé de l’intérieur du Kasaï Central. C’est manifestement cette qualité de fonctionnaire de la DGM qui semble avoir fait bondir les auteurs des prétendues révélations impliquant le Gouvernement comme si tous les fonctionnaires congolais étaient des petits saints ne pouvant poser un acte que sur instruction du Gouvernement. Or tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, ce n’est pas en sa qualité de fonctionnaire de la DGM que M. Tshibuabua Mbuyi José a organisé la réunion, auquel cas elle se serait tenue au siège de la DGM et non à son domicile. Il n’aurait du reste pas pu le faire à Kananga car c’était un agent subalterne qui n’avait aucune responsabilité ni au niveau de la province ni même à celui de la ville de Kananga car il n’était que chef d’équipe au poste frontalier de Muenye Mbulu vers l’Angola dans le territoire de Luiza. Originaire du village Dinyuka, secteur Dibatayi dans le territoire de Dibaya, Tshibuabua Mbuyi José est, de plus un membre connu de la famille régnante du chef coutumier Kamuina Nsapu. C’est donc à ce titre qu’il a abrité dans sa résidence de Kananga (N° 41 avenue du Rail, Quartier des Plateaux) la réunion entre ladite famille régnante et les deux experts onusiens. Tous ceux qui suivent l’instruction juridictionnelle devant la Cour Militaire Supérieure de Kananga ont par ailleurs pu apprendre que c’est à cette résidence de Tshibuabua Mbuyi José que logeaient tous les membres de la délégation de la famille régnante Kamuina Nsapu venue à Kananga dans le cadre de pourparlers avec le gouvernement provincial du Kasaï Central après les incidents qui avaient entraîné la mort du chef Kamuina Nsapu lors d’affrontements entre sa milice et les forces de sécurité.
Le 10 mars donc, Tshibuabua Mbuyi José a porté à la connaissance de ses visiteurs qu’il venait d’être informé par le Colonel Jean de Dieu Mambueni, officier des renseignements de la garnison locale des FARDC (21ème Région Militaire), de la présence à Kananga de Mme Catalan et M. Sharp dont l’intention était d’enquêter sur la mort du chef Kamuina Nsapu et que les deux enquêteurs cherchaient à rencontrer la délégation de la famille régnante Kamuina Nsapu présente à Kananga. Les membres de la délégation ont accepté et la rencontre a eu lieu le lendemain 11 mars 2017 à l’Hôtel Wood-Land de Kananga. Y ont pris part, outre les 2 visiteurs Tshibuabua Mbuyi José lui-même, Betu Tshintela Abdoul et 7 autres membres de la délégation venue de Kamuina Nsapu.C’est au cours de cette réunion qu’il sera convenu que Betu Tshintela et Tshibuabua Mbuyi José allaient se charger de l’organisation du déplacement des deux experts de Kananga vers la mission catholique de Bunkonde, après que les deux experts aient fait part de leur volonté de visiter plutôt le village Kamuina Nsapu où ils souhaitaient enquêter à la source sur les circonstances de la mort du chef Kamuina-Nsapu Pandi.
Le 12 mars, les deux experts ont quitté Kananga à l’insu des autorités provinciales. Ils avaient, par souci de discrétion, loué 3 motos-taxis et n’étaient accompagnés que par Betu Tshintela Abdoul et trois motards (taximen). Le dernier appel téléphonique de Betu Tshintela Abdoul à Tshibuabua Mbuyi José qui était resté à Kananga a eu lieu à 12H06’ à partir du pont sur la rivière Moyo, à quelques 12 Km de la mission catholique de Bunkonde. Ils seraient tombés sur une barrière érigée par un groupe terroriste après le pont sur la rivière Moyo à l’entrée du village Moyo Musuila. Emmenés devant les chefs miliciens Tshidima Bulabula Mpiana (chef du village Moyo Musuila), son frère Kabongo Gérard et Muteba Tshiakuisha François alias Kapipi (chef du village voisin de Mulumba Muteba) qu’accompagnaient ses deux fils majeurs, Mulumba Mamba Tshiakuisha Clément et Biduaya Mulumba Tshiakuisha Augustin, tous miliciens Kamuina Nsapu, ils subissent un bref interrogatoire à l’issu duquel Tshidima Bulabula Mpiana et Mulumba Muteba Tshiakusha François auraient décidé de leur mise à mort. Ils sont tout de suite acheminés dans la brousse avoisinante et assassinés avant d’être mutilés selon plusieurs témoignages concordants.
Ce sont les faits que rien ni personne jusqu’à présent n’est encore parvenu à infirmer devant la Cour Militaire Supérieure de Kananga. Rfi et Reuters n’apportent rien de nouveau et se contentent de broder sur l’implication du colonel officier de renseignement cité par le fonctionnaire de la DGM Tshibuabua Mbuyi José. Cet officier a comparu en qualité de renseignant tandisque Tshibuabua Mbuyi José a été arrêté le 14 novembre dernier dans le village de Kalamba Mbuji en territoire de Luiza, près de la frontière angolaise par l’ANR après avoir refusé de déférer à deux mandats de comparution successifs émis par l’Auditeur Militaire Supérieur de Kananga respectivement le 1er mai et le 6 mai. Il a été transféré à Kinshasa le 17 novembre 2017. Ce M. Tshibuabua Mbuyi José avait été utilisé occasionnellement comme informateur bénévole par l’ANR (comme le font tous les services de renseignements normalement constitués) au plus fort de l’offensive terroriste. La seule chose qu’on peut dire c’est que le Congo bashing se vend bien, car au fond, on nous a rabattu les oreilles avec des nouveaux éléments que les deux journalistes auraient mis à jour, alors qu’en réalité il n’y a aucun nouvel élément que leur enquête ait révélé. Il y a de leur part comme une tentative de jouer sur la curiosité légitime du public à connaître les conclusions que la justice militaire donnera à ce dossier mais il faut bien qu’ils se fassent une raison car le temps de la justice n’est pas le temps des médias ou des politiques. Tous les éléments dont ils ont fait état ont été publiquement évoqués au procès de Kananga qui n’a pas encore jusqu’à ce jour abouti à une sentence. Nous avons tous entendu Mme Sonia Rolley reconnaître hier sur une chaîne publique française qu’il s’agissait en fait «à la fois de nouveaux éléments et pas tellement nouveaux». Ça s’appelle dire une chose et son contraire. S’il est donc vrai qu’un agent de l’Etat au moins est impliqué dans ce drame, rien ne permet d’en déduire la complicité ou l’implication du Gouvernement de la RDC dans ce crime. Même parmi le groupe de la branche Kamuina Nsapu de Kinshasa qui passe en jugement devant le tribunal militaire de la garnison de Kinshasa, il y a quelques officiers renégats de la Police nationale, ce qui ne veut nullement dire que le Gouvernement soit mêlé à l’attaque de la prison de Makala ou à l’assassinat de l’administrateur du Marché central. Tout se passe comme si ces journalistes essayaient de forcer les juges à aller vite en besogne et, pire, à influencer leur intime conviction. Ce qui est inacceptable pour le système judiciaire dans un Etat de droit digne de ce nom. Cette curieuse chronique judiciaire est, on ne sait pour quelle raison, saucissonnée car elle exclut certains détails importants. Elle n’évoque par exemple pas l’intérêt de la justice à avoir quelques éclaircissements sur les quatre contacts téléphoniques retracés entre Sonia Rolley et le présumé principal bourreau des deux enquêteurs qui répond au nom de Kabasele Manga, des appels qui sont bien répertoriés dans le relevé que la police scientifique a mis à la disposition des magistrats. Sonia Rolley aiderait la justice en dévoilant par n’importe quel moyen le contenu de ces échanges qu’elle a eu avec ce suspect et dont elle ne parle nulle part dans sa fameuse enquête».


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