Le Dép. Bitakwira frappe deux fois: «Il y a des grenouilles qui se prennent souvent pour des bœufs... à l’UNC»
  • lun, 08/12/2014 - 04:44

«Je ne m’étais jamais imaginé que nous avions créé un parti qui allait se noyer dans le radicalisme, encore moins dans l’extrémisme aveugle. Dans quelle armée, pouvez-vous déloger un général pour y placer un sous-lieutenant?», assène le Député ex-Maï-Maï.

Est-il toujours membre de l’UNC? On peut douter. Elu en 2006 sur les listes d’un des partis Maï-Maï du Sud-Kivu, réélu en 2011 sur les listes de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise) avant d’en diriger le groupe parlementaire UNC & Alliés, Justin Bitakwira frappe deux fois. Il déplore le «radicalisme» voire «l’extrémisme aveugle» du parti de Vital Kamerhe Lwa-Kanyiginyi. L’homme connu pour ses références continuelles à «la marmite de sa grand’mère» comme à ses proverbes animaliers, apparaît est très remonté. Qui vise-t-il? L’homme offre sa radiation de l’UNC à qui la réclame!
Sept mois après sa démission du poste de président du groupe parlementaire UNC et alliés, Justin Bitakwira sort de son silence et livre à «Jeune Afrique» les raisons qui l’ont poussé à prendre ses distances avec le parti de Vital Kamerhe. Sur le papier, il reste, pour l’instant, membre de l’Union pour la nation congolaise. Mais le cœur n’y est plus. Depuis qu’il a pris ses distances en mai avec le parti de Vital Kamerhe dont il était le président du groupe parlementaire, l’élu d’Uvira se dit «en repos», se consacrant aux activités de sa Fondation. Mais ses (anciens) camarades le soupçonnent de se rapprocher de Joseph Kabila. Qu’en pense l’intéressé? Pour la première fois, ce cadre de la première heure de l’UNC sort du silence et livre à Jeune Afrique sa version des faits.

Après sept mois d’absence aux activités du parti, vous considérez-vous encore comme membre de l’UNC?
C’est par conviction personnelle que j’ai démissionné de ma fonction de président du groupe parlementaire UNC et Alliés. En 2009, Vital Kamerhe s’était donné plus de 14 mois de repos après avoir démissionné de la présidence de l’Assemblée nationale. Sans comparer les deux situations, j’estime qu’il me faut aussi du repos. Quelques six ou huit mois, nos postes n’étant pas équivalents. Mais, je vais bientôt rebondir, peut-être mieux qu’avant. Toutefois, si cette attitude dérange, on peut m’exclure ou me radier de l’UNC, je m’assumerais comme un adulte.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à prendre vos distances avec l’UNC?
Je suis l’un des pionniers de l’UNC. Quand nous avons créé ce parti, j’avais la nette conviction que ce serait une formation politique qui allait non seulement condamner avec virulence toutes les actions contraires aux intérêts de la République, mais aussi accompagner, encourager celles que poserait le gouvernement au profit de la nation. Je ne m’étais jamais imaginé que nous avions créé un parti qui allait se noyer dans le radicalisme, encore moins dans l’extrémisme aveugle.
Comment comprendre que je sois opposé par médias interposés au secrétaire général de mon parti, Jean-Bertrand Ewanga, parce que, lors de la défaite du M23, j’ai félicité le président de la République et l’armée congolaise pour avoir vaincu un mouvement insurrectionnel qui a causé tant de torts au pays? À mon sens, quand une opposition ne mêle plus élégance et fair-play dans sa lutte, elle n’en est plus une. À l’UNC, il y a des grenouilles qui veulent souvent se faire passer pour des bœufs. Il est temps d’engager un débat interne et sincère, sinon l’UNC va droit dans le mur.

Quels sont vos rapports aujourd’hui avec Vital Kamerhe?
Ils sont bons, je l’espère. Mais nous ne nous sommes pas vus depuis cinq mois environ. À l’UNC, je poursuivais deux objectifs: implanter le parti et former les militants. Malgré mon dévouement et tous les sacrifices endurés pour cette cause - alors que les autres privilégiaient plutôt des alliances, des coalitions, des plateformes parfois contre-natures -, j’ai commencé à subir des coups qui frisaient le mépris. Dans quelle armée, pouvez-vous déloger un général pour y placer un sous-lieutenant? Comme on dit chez nous, un enfant ne peut pas jouer avec les trois pierres de la case quand la marmite est encore au feu. S’il le fait, il devient un danger pour toute la famille.

À qui s’adresse ce dicton?
C’est un proverbe bantou.

Votre nom est souvent cité parmi les prochains ministres du gouvernement de «cohésion nationale» qui est attendu. Avez-vous été approché dans ce sens par le pouvoir?
J’ai rencontré pour la dernière fois Joseph Kabila en 2012 à la Cité de l’Union africaine alors que j’étais encore président du groupe parlementaire. Tout ce qui se raconte autour de ma modeste personne n’est que spéculation. Mais depuis mon jeune âge, j’ai beaucoup d’ambitions. Je suis né dans un coin perdu, à Katala (Lemera), dans le territoire d’Uvira, dans le Sud-Kivu. J’ai perdu mon père quand je n’avais encore que 7 ans. Tout ce que je suis devenu aujourd’hui n’est qu’une question de destin. Et celui-ci ne s’est pas encore arrêté.

Êtes-vous disposé à participer au gouvernement de «cohésion nationale»?
Le jour où mon pays aura besoin de moi pour le servir ailleurs qu’à l’Assemblée Nationale, j’évaluerai et je m’assumerai. Mon parcours témoigne de mon engagement pour la République. J’ai déjà connu la prison, 82 jours en détention sans voir un être humain, 24 jours mains et pieds menottés...

Quand l’UNC dit que vous vous autoexclurez si vous acceptez un poste ministériel. Que répondez-vous?
Tout acte que je pose, c’est parce que ma conscience me l’a autorisé et non un individu ou un groupe d’individus. Je milite pour la liberté de pensée. C’est sacré. C’est pourquoi, j’ai refusé de signer le document de l’UNC qui décrétait l’autoexclusion de tout membre du parti qui accepte un poste ministériel. D’autant que le terme «autoexclusion» ne figure pas dans les dispositions constitutionnelles ni dans les statuts et règlements du parti. Ce n’est pas Vital Kamerhe qui maîtrise ces textes par cœur qui me contredira. Pour prendre la décision de quitter la présidence du groupe parlementaire de l’UNC, je n’avais que Dieu et ma conscience. Mon épouse ne l’a su que lorsque j’ai déposé la démission. Il en sera de même de mon mandat de député.
TRESOR KIBANGULA,
Jeune Afrique.


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