Des habitants de la ville courent dans tous les sens après des coups de feu entendus à Goma. PHIL/AFP.
Goma résiste
  • mar, 20/11/2012 - 08:39

Kinshasa met la rébellion au défi de prendre la ville touristique. A l'heure où nous allons sous presses mardi aux petites heures, Goma résistait toujours. Selon des récits de correspondants de presse occidentaux, la ville touristique était sur le point de tomber aux mains des rebelles du M23.
LE SOFT INTERNATIONAL N° 1201 DATE MARDI 20 NOVEMBRE 2012
Le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku avait affirmé pourtant lundi 19 novembre dans la soirée que la ville de Goma est toujours sous contrôle des Forces armées de la R-dC, que «l'ennemi (qui) s'était infiltré dans la ville, a été éloigné».
«La population doit savoir que nous sommes dans une situation de guerre au Nord-Kivu. Mais particulièrement pour la ville de Goma, il y a eu effectivement beaucoup de tirs mais à l'heure qu'il est, les forces armées viennent de nous rassurer qu'elles contrôlent toute la situation», a déclaré le gouverneur, disant avoir reçu des assurances personnelles après avoir été en contact avec «tous les commandants qui sont dans tous les points chauds de la ville et à l'aéroport».
«La ville de Goma est tenue par les forces armées de la République démocratique du Congo. Donc les tirs de l'ennemi ont été éloignés et l'ennemi a été évacué et la ville de Goma est sous contrôle de l'autorité légalement établie».
A la question de savoir si l'ennemi a été évacué d'où et s'il était où exactement, le gouverneur explique que lorsqu'il y a des combats dans les villes, il y a toujours des infiltrés. «En pareille circonstances, les combats en ville ne peuvent pas être confondus avec des combats qui se passent en milieu rural. Lorsqu'il y a des combats en ville il y a de l'infiltration et donc lorsque des coups de bals sont entendus, les forces sont déployées dans un rayon donné pour s'assurer que l'ennemi a été évacué».
Lundi, les affrontements se sont poursuivis entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise aux portes de Goma, tandis que la tension montait avec le Rwanda voisin qui a accusé notre pays de l'avoir «délibérément» bombardé, ce que Kinshasa a aussitôt démenti.
«Le Rwanda n'a pas l'intention de répondre à la provocation venant de la R-dC. Les enjeux (en RDC) sont trop sérieux pour être soumis à ce petit jeu», a déclaré la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, à Reuters. «Le Rwanda s'efforcera d'aider la R-dC, comme nous l'avons fait depuis le début de la crise», a-t-elle ajouté. Selon Kigali, ces tirs auraient blessé trois personnes. Kinshasa a démenti ces accusations, disant que le Rwanda a fait feu sur son propre territoire pour prétexter une intervention.
«Selon nos informations, le Rwanda a fait feu sur son propre territoire pour justifier une plus importante intervention», a déclaré le ministre des médias, Lambert Mende Omalanga.

KIGALI A TOUJOURS POUSSE SON AVANTAGE.
Les Nations unies ne sont, de leur côté, pas en mesure de confirmer que les forces congolaises ont tiré à l'arme lourde en direction du territoire rwandais, a déclaré un porte-parole des casques bleus déployés en R-dC.
Des tirs soutenus pouvaient par ailleurs être entendus près de la frontière en provenance de la région de l'aéroport de Goma, où les troupes congolaises ont pris position à la tombée de la nuit.
Les rebelles du M23, qui se trouvent aux portes de la ville, ont par ailleurs donné lundi 24 heures au gouvernement de Kinshasa pour ouvrir des négociations et ordonner le retrait de ses forces dans le secteur.
L'ultimatum a été rapidement rejeté par Kinshasa, qui a qualifié le Mouvement du 23-Mars de «fiction créée par le Rwanda pour dissimuler ses activités criminelles contre la RDC».
Kinshasa n'a jamais voulu reconnaître le M23, préférant rechercher la paix par la voie diplomatique notamment via la CIRGL, la conférence des Etats de la région des Grands lacs.
Le fait pour Kinshasa de repousser officiellement tout dialogue avec le M23 est signe que les autorités du pays ne veulent pas reconnaître cette énième rébellion des Kivu qui menace de prendre Goma en la mettant au défi d'entrer dans une ville où la rébellion ne serait pas acceptée. Si tant est que le M23 est soutenu par le Rwanda, il paraît difficile, dans l'état actuel des connaissances du Rwanda, d'envisager l'entrée des rebelles dans Goma. La montée en puissance de cette rébellion s'explique certainement par des succès diplomatiques engragés récemment par Kinshasa dont les autorités envisagent de pousser leur avantage vers Londres et, bientôt, vers Washington.
Or, le fond de commerce de Kigali est précisément la diplomatie. Comment pourrait-on imaginer que ce pays, malgré ses dénégations, scotché par un rapport onusien, continue de soutenir le M23 et de «narguer» les Nations Unies en s'emparant d'une ville de 300.000 personnes sans qu'il ne subisse des sanctions.
Dans le passé, Kigali a été souvent fort de pousser son avantage mais de s'arrêt net, il suffit que les Occidentaux le lui en demandent.
Cela a été le cas au Katanga quand Kigali se sentit obligé d'arrêter l'avancée de ses troupes, combattant aux côtés de celles du RCD-Goma.
Cela l'a été à Kisangani au lendemain des combats entre troupes rwandaise et ougandaise.
L'avancée de l'initiative française d'une résolution au Conseil de sécurité contre le M23 et contre ses «soutiens extérieurs», a certainement favorisé la montée en puissance du M23, ses alliés voulant adresser un message ferme au Gouvernement.
On sait désormais que Kinshasa ne s'en est pas laissé compter...

«Il ne se passe rien à Goma»
La rébellion du M23, qui a lancé une offensive depuis jeudi et débordé les FARDC, avait stoppé son avance dimanche à quelques kilomètres du centre de Goma, apparemment sans chercher à prendre la ville.
Lundi, les mutins ont lancé un ultimatum au gouvernement, lui demandant d'ici 24 heures de démilitariser la ville et d'ouvrir des négociations.
Devant le refus de Kinshasa, la rébellion a repris dans l'après-midi ses tirs d'artillerie.
Selon une source hospitalière, une vingtaine de blessés auraient été admis à l'hôpital Heal Africa, dont l'un est décédé. Aucun autre bilan n'était disponible.
L'ONU a annoncé l'évacuation pour mardi de ses employés «non essentiels», les Casques bleus restant en revanche dans la ville pour assurer leur mission de protection des civils.
Inquiets de voir des militaires et des responsables administratifs fuir la ville durant le week-end, les civils qui en avaient les moyens sont partis vers le sud ou vers la ville rwandaise de Gisenyi, située à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau de Goma.
«Il ne se passe rien à Goma, on ne sait rien, mais comme on a vu tout le monde partir, on s'est dit qu'on allait faire pareil», a raconté à l'Afp l'épouse d'un commerçant de Goma. Le flot des Congolais fuyant vers Gisenyi est resté toutefois limité.
Capitale de la province du Nord-Kivu, Goma compte environ 300.000 habitants, plus de nombreux déplacés. La ville a déjà été occupée à deux reprises en 1996 et 1998 par des rebellions de l'AFDL et du RCD-Goma.
Le M23 a été créé début mai par des militaires, qui après avoir participé à une précédente rébellion, ont intégré l'armée en 2009, à la suite d'un accord de paix.
Ils se sont mutinés en avril, arguant que Kinshasa n'avait pas respecté ses engagements.
Ils réclament le maintien de tous les officiers dans leurs grades et refusent «le brassage» (affectations dans d'autres unités et d'autres régions) que veut leur imposer Kinshasa, ce qui les éloignerait de leur zone d'influence dans l'est.
Mais la région composée des provinces des Nord et Sud-Kivu est aussi le théâtre de conflits quasiment ininterrompus depuis une vingtaine d'années en raison de ses richesses en ressources minières (or, coltan, cassitérite) et agricoles, que se disputent le gouvernement congolais, divers mouvements rebelles et les pays voisins de la RDC, l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi.
Lundi après-midi, les rebelles ont tiré plusieurs obus de mortier vers l'aéroport tenu par la garde républicaine et le camp militaire de Katindo, selon une source militaire occidentale.
La tension est aussi montée avec le Rwanda, qui a accusé l'armée congolaise de l'avoir «délibérément» bombardé avec un tank et des mortiers.
L'armée congolaise a réfuté avoir ordonné de tels tirs, sans exclure la possibilité d'un tir accidentel, annonçant une enquête. Sur le plan diplomatique, la communauté internationale a vivement réagi à la reprise des combats.
La France devait présenter lundi une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU demandant un renforcement des sanctions internationales contre les rebelles congolais. Cette résolution évoquera l'implication éventuelle d'autres pays dans le conflit, a annoncé l'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud.
L'ONU, comme la R-dC, accuse le Rwanda de soutenir le M23, ce que Kigali a toujours démenti.
Le Conseil de sécurité avait déjà demandé samedi l'interruption «immédiate» de tout soutien extérieur et de toute fourniture d'équipement au M23. Dimanche, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait assuré que les 6.700 Casques bleus basés dans le Nord-Kivu allaient y rester.
L'Union européenne, l'Union africaine et les Etats-Unis ont également condamné lundi l'offensive rebelle.

LEGENDE :
Des habitants de la ville touristique courent dans tous les sens après des coups de feu entendus à Goma mais restent pour la plupart dans la ville. PHIL MOORE/AFP.

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