Un mammouth ingouvernable même pour un brillant professeur d’économie
  • ven, 15/03/2019 - 07:39

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Un de ses patrons - belge celui-là - fut révoqué par Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga. Le Léopard en plein meeting à la cité du parti-état à la N’Sele devant une délégation syndicale. Il se serait mal défendu..
◗ Plusieurs autres dirigeants de ce mammouth d’entreprise l’ont été plus tard, laissant derrière des plumes mais aussi des cadavres dans les placards. ONATRA (SCTP, Société commerciale des transports et des ports), compagnie indirigeable même par un brillant économiste qui sait peut-être plus composer un budget que communiquer avec du personnel chauffé à blanc par des redoutables adversaires (mais au fait, l’ex-ONATRA est-il dirigeable?) Suspendu mercredi 13 mars dans la soirée avant d’être déféré devant un procureur, le DG Daniel Mukoko Samba, affirme sa sérenité et dit être disposé à répondre de sa gestion devant la justice et croire en la justice de son pays, tout en disant être disponible pour servir son pays qui lui «a tout donné», écrit-il sur son compte Twitter que ne verra aucun agent SCPT. Dommage! Ci-après quelques données qui permettent de comprendre la complexité du problème ONATRA que certainement Mukoko n’aurait jamais dû accepter d’en prendre les commandes malgre les appuis dont il a tiré profit de a ministre de tutelle (Portefeuille), Wivine Mumba Matipa.

Situation actuelle.
◗ Le Port de Matadi n’est pas à l’arrêt. Les activités se déroulent sous le format d’un service minimum qui se renforce de jour en jour.
◗ Il n’y a jamais eu d’arrêt de travail au Complexe ferroviaire de Matadi, ni aux ports de Boma et de Banana.
◗ Les activités de chemin de fer se déroulent normalement: en cours, les travaux d’entretien de la voie ferrée et la réhabilitation de quelques ouvrages d’art (PK 227 et PK 337). Le transport de charbon et de gypse entre Matadi et les cimenteries se déroulent normalement.
◗ Un service minimum est organisé dans quelques exploitations de Kinshasa: Port de Kinshasa, Chantier naval de Ndolo.
◗ Le chargement du ciment de PPC Barnett destiné à Kisangani commencera au Port de Kinshasa lundi 4 mars 2019. Deux bateaux sont programmés pour assurer le transport de cette cargaison ce mois de mars: ITB Kokolo le 13 mars et M/B Luberu le 30 mars.
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A l’Arrivée de Mukoko.
Ressources humaines:
◗ à fin août 2017: 7.783 agents en activité et 13.089 retraités, dont 12.106 rentiers et 983 en attente de paiement de décompte final.
◗ Au 31 décembre 2017: 7.663 actifs et 1.072 pensionnés debout. Intensification des départs à la retraite, vu l’âge moyen très avancé du personnel (53 ans).
◗ Dette sociale
à fin août 2017: 79.304.841.262,90 FC, soit $US 49.971.544,54 répartie comme suit:
- Arriérés dus aux actifs: $US 23.443.449,15.
- Arriérés dus aux pensionnés: $US 3.747.031,38.
- Décomptes finals en souffrance: $US 20.978.592,47.
- Autres avantages dus aux agents: $US 1.802.471,59.

Les ressources financières se caractérisent par un déséquilibre financier chronique:
◗ Réduction du chiffre d’affaires (de $US 12 à $US 13 millions/ mois jusqu’en 2015 à $US 4 à $US 6 millions/mois depuis l’entrée en exploitation du port privé MGT) et à la mauvaise affectation des ressources financières.
y Ainsi, pour le mois d’août 2017, le chiffre d’affaires attendu était de $US 6.370.977,49 grevé de nantissements ($US 443.939,48) et de paiements en compensation ($US 1.176.511,00), soit des encaissements attendus de $US 4.750.527,01.
La masse salariale mensuelle représente 83% des encaissements attendus du mois.
C’est cette situation qui a conduit à l’accumulation des arriérés de salaires et des avantages sociaux reconnus aux agents.
Dépendance du seul Port de Matadi (86% en moyenne du chiffre d’affaires), le chemin de fer ayant été négligé pendant de très longues années. En 2015, le Chemin de fer n’a évacué que 2% du tonnage manutentionné aux Ports de Matadi et de Kinshasa, contre 10% en 2006. Cette proportion est même tombée à 0,98% en 2016. Ce faible niveau d’activité ne permet pas au CFMK de couvrir les charges d’exploitation. La même situation s’observe dans tous les autres départements opérationnels. à la perte de parts de marché sur le tonnage évacué aux Ports de Matadi et de Kinshasa, il faut ajouter, à partir de 2016, la perte de parts de marché du tonnage traité au Port de Matadi à cause de l’entrée en opération de MGT.

Service de la dette non soutenable: à fin décembre 2017, l’endettement total auprès des banques s’élevait à $US 47.985 820,86.

◗ Le service de la dette était non soutenable, l’échéance mensuelle envers une seule banque s’élevant à 28% du chiffre d’affaires mensuel.
◗ Des difficultés de recouvrement des créances SCTP auprès de l’état ($US 14 millions au moins) et de certaines entreprises du Portefeuille;
◗ Une convention collective non adaptée aux conditions actuelles et qui a tendance à gonfler les charges liées au personnel.

Changements amorcés.
Relance rapide de l’exploitation fluviale et ferroviaire:
◗ Partenariats avec les cimenteries pour tirer profit du réseau multimodal de la SCTP afin de transporter le ciment de Kinshasa à Kisangani, Ilebo, Bandundu pour nouer des partenariats avec les cimenteries afin d’assurer le transport du ciment par voie ferrée puis par voie fluviale de Lukala à Kisangani et à Ilebo. Une convention de transport a été signée avec PPC Barnett en février 2019 pour le transport de 2.000t de ciment par mois de Kinshasa à Kisangani.
◗ Conclusion d’un contrat de partenariat avec la firme sud-africaine ARSS-SCTP SA sur le transport ferroviaire: 2 locomotives de ligne et 50 wagons porte-conteneurs ont été réceptionnés le 30 juin 2018 sur un total de 7 locomotives de ligne et 140 wagons.
◗ L’acquisition en cours de trois locomotives de ligne TRANSNET pour renforcer le parc de locomotives de la SCTP SA.

◗ Déploiement des nouveaux engins de manutention aux ports de Matadi (en lieu et place de ceux de Bolloré Logistics dont un terme a été mis au contrat de location), Boma et Kinshasa.
◗ Acquisition des équipements en vue de la remise en exploitation de la Carrière de Kiasi-Kolo, indispensable pour la production du ballast et autres intrants nécessaires à l’entretien de la voie ferrée.

Normalisation des relations avec les banques:
◗ Avec un service de la dette de US$ 1,6 million/mois au minimum (soit 34% des encaissements mensuels moyens), la Direction générale a privilégié la restructuration de la dette existante à fin août 2017 et le recours à de nouveaux emprunts garantis par la RLT et sur des projets spécifiques bancables plutôt que sur les maigres ressources d’exploitation.
◗ Restructuration de la dette financière existante: la dette vis-à-vis des deux principales banques a été restructurée, en septembre-octobre 2017 pour la Rawbank ($US 11 millions) et en juillet 2018 pour BgfiBank ($US 29 millions).
◗ Réduction drastique du nombre des comptes en banques, à la suite d’un audit des comptes. De 593 comptes ouverts dans plusieurs banques, la SCTP n’a plus que 199 comptes (recettes et fonctionnement).
◗ Réduction sensible des engagements financiers vis-à-vis de clients au titre de compensation dans les factures futures de la SCTP: d’un encours de $US 7,9 millions (juillet 2017) à $US 2,7 millions à fin mars 2018, soit un effort de remboursement de près de $US 5 millions.
◗ Rachat des impayés des agents auprès des banques: les montants impayés par les agents affiliés à la RAWBANK ont été rachetés par la société à concurrence de $ US 620.000, ceux auprès de la FBNBANK, FIBANK et BIAC sont en cours de négociation.

Arriérés de salaires.
Malgré tous ces efforts, la tâche demeure ardue pour la Direction générale afin de ramener la paie dans le mois et éponger les arriérés de salaires.
◗ Les arriérés de salaires des agents actifs s’élevaient à CDF 37,2 milliards à fin août 2017. Ils sont estimés à CDF 69,7 milliards au 7 février 2019. Quant aux rentes de pensionnés, leurs arriérés sont passés de CDF 6 milliards à fin août 2017 à 16,3 milliards CDF au 7 février 2019.
◗ Depuis sa prise de fonction fin juillet 2017, l’actuelle Direction générale a assuré le paiement de:
◗ Frais scolaires 2017 et 2018.
◗ Gratification (13ème mois) 2017 et 2018.
◗ Salaires et rentes de: juin et juillet 2017; janvier à juillet 2018
◗ Les salaires de juillet 2018 sont partiellement payés à Kinshasa.

◗ Les salaires d’août 2018 sont totalement payés aux Ports maritimes et à la Ligne Chemin de fer et les salaires de septembre 2018 sont partiellement payés au Kongo Central.
◗ La masse salariale totale s’élève actuellement (dernier trimestre 2018) à CDF 6 milliards, soit $US 3,7 millions.

Engagements financiers.
◗ Depuis sa prise de fonction fin juillet 2017, l’actuelle Direction générale a renégocié la dette existante respectivement vis-à-vis de Rawbank et de Bgfibank. Elle a contracté un nouvel emprunt auprès d’Afriland First Bank, après avoir obtenu l’autorisation du Gouvernement pour faire supporter cet engagement par le nantissement de la RLT.
◗ Le total des échéances mensuelles est très lourd. Il avoisine $USD 3 millions.

Des $US 30 millions de Afriland.
◗ En date du 25 septembre 2017, le Conseil d’Administration avait approuvé le plan d’affectation des ressources RLT et des emprunts bancaires à garantir par la RLT.
◗ Le 18 avril 2018, Afriland First Bank CD avait notifié à la SCTP l’accord de financement pour un montant total de US$ 29.551.146,11 sur base du plan d’urgence de sortie de crise validé par le Conseil d’Administration.
◗ En novembre 2017, Afriland First Bank CD a accepté de faire un crédit d’avance de $US 5.000.000 ($US cinq millions) qui a servi à payer les salaires des agents du mois juillet 2017 payé, ce qui a réduit le montant de la ligne accordée de $US 11.386.173,53 à $US 6.386.173,53, montant prévu pour le salaire.
◗ En avril 2018, la mise en place du crédit renseignait un encours de $US 6.386173,53 qui a servi à la paie des salaires des mois de mars et avril 2018. La ligne accordée pour la paie des salaires est à ce jour totalement utilisée.
◗ Le décaissement de ce crédit a été fait sur la base du plan de trésorerie validé par le Conseil d’administration.

Le dossier du Directeur du Département Financier.
Les véhicules des mandataires.
◗ Le Département des Marchés et Approvisionnements a placé deux commandes de voitures de service en octobre 2017 pour le DG et le DGA auprès de CFAO.
◗ La voiture du DG a été livrée en janvier 2018. Les factures et le Bon de livraison ont été bel et bien établis au nom de la SCTP.
◗ Le DG découvrira plus tard, après les premiers rapports sur l’investigation concernant les activités illicites du Directeur Financier, qu’une demande d’immatriculation avait été établie en son nom propre le 16 janvier 2018. Ce document (joint en annexe) contient plusieurs irrégularités. Il est signé pour ordre par une personne inconnue et l’adresse du DG est incorrecte.
◗ De plus, après une longue et laborieuse vérification auprès de la DGI, il appert que le Bon de sortie unique établi par le Guichet Unique de Dédouanement du Port de Boma fait référence à la date du 10 mars 2017 alors que le M. Daniel Mukoko Samba n’avait pas encore été nommé DG de la SCTP.
◗ Les indications contenues dans ce Bon de sortie ainsi que dans la facture se réfèrent à une Jeep Toyota Prado de couleur noire alors que la voiture utilisée par le DG est de couleur grise.
◗ Le DG a entamé la procédure de réimmatriculation de ce véhicule qui est actuellement propriété de la SCTP.
◗ Il apparaît clairement que le traitement du dossier du Directeur Financier est la seule voie pour jeter tout l’éclairage nécessaire sur ce dossier des voitures. Le Directeur Financier avait en effet conduit, selon ses propres déclarations, les démarches de paiement après qu’il ait été saisi par le Département des Marchés (document joint). La Direction générale est de l’avis que le Directeur financier a camouflé l’achat de plusieurs véhicules non retracés à la SCTP à travers ce dossier.

Sauver le soldat SCTP.
La SCTP n’est pas condamnée à mourir. Elle peut être sauvée mais au prix de réformes courageuses dont certaines ci-après:
◗ Réviser la convention collective afin de diminuer sensiblement les charges sociales découlant des avantages superflus.
◗ Réduire le nombre de syndicats, après l’organisation des élections syndicales crédibles: 24 syndicats sont opérationnels actuellement à la SCTP.
◗ Interdire aux hauts cadres d’être des responsables des syndicats: le syndicat majoritaire ECO a été créé par de hauts cadres de la société qui l’utilisent pour leurs propres fins.
◗ Admettre à la retraite anticipée tous les hauts cadres de la société impliqués dans des malversations documentées mais dont les sanctions n’ont jamais été appliquées à cause de la complaisance des administrateurs.
◗ Insuffler du sang nouveau en recrutant à des postes-clés des experts venant du secteur privé: Finances, Commercial, NTIC, Logistique, Gestion du personnel.
◗ Améliorer le choix des administrateurs pour faire du Conseil d’administration un réel organe d’orientation et de contrôle.
◗ Transférer tous les pensionnés à la CNSS.
◗ Assurer la transition de la SCTP pour qu’elle redevienne d’abord une société de transport avant d’être une société de manutention portuaire: la relance du chemin de fer et son prolongement sur le fleuve et sur la rivière Kasaï doivent être les points de concentration des efforts de redressement de la société.


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