Sauvons le Congo
  • mar, 28/05/2013 - 00:12

Si, face aux périls, le pays resserrait encore les rangs.

LE SOFT INTERNATIONAL N°1229 ED. LUNDI 27 MAI 2013.

Il va falloir attendre quelques jours voire quelques semaines pour avoir une idée précise sur ce que les maîtres du monde veulent et pourquoi leurs Missi Dominici se sont rendus la semaine dernière dans les Grands lacs. Il faut rester prudent et ne pas se lancer dans des conjectures.

Que deux patrons d’institutions les plus élevées de la décision planétaire - diplomatique, les Nations Unies, économique, la Banque Mondiale - se soient mutualisés pour venir à deux chez nous au Congo, est un fait en soi inhabituel. Qu’ils n’aient voulu de contact ni avec l’opposition, ni avec la Société civile, ni à Kinshasa, ni à Goma où la tragédie humaine est visible, rend plus perplexe. Un message lourd délivré? à Kinshasa, ils n’ont lu qu’un texte rédigé depuis leur départ des états-Unis sans se préoccuper de répondre aux questions de la presse.

«Nous en savons déjà trop. Notre conviction est déjà faite. Inutile de nous dévier de notre chemin»? Lequel? Qu’après leur passage, il n’y ait aucun concert d’unanimité fait réfléchir. Il y a péril en la demeure. Sauvons le Congo. Si face aux périls, le pays resserrait les rangs!

Si M. Ban Ki-Moon reste toujours aussi diplomate revenant jour après jour sur l’autre volet - politique - du conflit kivutien, expliquant laborieusement qu’il n’y a de solution que «globale» tenant compte de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, Mme Mary Robinson, son envoyée spéciale dans les Grands lacs, nommée précisément au lendemain - et dans le cadre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba - n’y va pas avec des pincettes. Il ne se passe pas un jour sans que cette ancienne présidente de la République d’Irlande, connue pour son franc-parler et dont certains milieux disent proche de Tony Blair, ne donne de la voix.

Dans une tribune libre cosignée avec le fermier milliardaire américain Howard Graham Buffett, parue dans Foreign Policy Magazine, l’ancien Premier ministre britannique prenait publiquement le parti et le pari du Rwanda. «Stand with Rwanda, Now is Time To Aid Rwanda» (Restons avec le Rwanda, l’heure est venue d’aider le Rwanda, Foreign Policy Magazine, 21 février 2013), écrivait-il. Même s’il n’est plus aux affaires, même si ce sont les Tories qui sont aujourd’hui au 10, Downing Street (la Primature britannique), Blair a certainement portes ouvertes à Londres, comme Washington et à Paris.

Voilà que le couple Obama s’apprête à se rendre pour la deuxième fois sur le Continent (Sénégal, Tanzanie et Afrique du Sud, lire page 24) sans avoir inscrit dans son agenda la visite de Goma ou de Bukavu où des femmes sont systématiquement violées. Il est vrai qu’il n’est guère interdit de rêver...

Voici que François Hollande dont la cote en Afrique n’a jamais été aussi forte est le seul chef d’état européen à s’être rendu à Addis-Abeba, en éthiopie, au sommet de

L’Union Africaine pour les 50 ans de l’organisation continentale. était-il porteur d’un message fort à l’Afrique?

François Hollande qui pousse Bamako à ne pas tenter de déloger les Touaregs du MLNA au nord du pays au grand dam des autorités maliennes. Mais que sauraient faire les responsables maliens face à la France sans laquelle le Mali serait aujourd’hui sous la loi des jihadistes? C’est la situation à laquelle s’était trouvé la Centrafrique quand le président François Bozizé fut lâché par ses mentors d’Afrique centrale (tchadien, brazza-congolais, gabonais)invoquant le fait qu’il n’avait pas respecté les termes de l’«accord politique sur la résolution de la crise politico-sécuritaire en République centrafricaine» signé le 11 janvier 2013 à Libreville. Dans cette affaire, on pourrait se demander quel rôle ont joué les chancelleries occidentales.

Et voilà! Alors que tout paraissait rondement aller, depuis deux jours, des déclarations laissent perplexes. Alors que la fameuse force spéciale d’intervention venait anéantir les forces vives - toutes, «y compris» le M23, voilà que les discours paraissent migrer. La force d’intervention ne serait donc plus la solution contre les forces négatives... De là, la soudaine montée en confiance des Seigneurs du M23 désormais présenté en porte-parole d’un peuple opprimé.

Au fait, avons-nous assez déployé pleinement notre trésor diplomatique ou Kinshasa, n’est-elle toujours, depuis Mobutu, que cette BMW (Beer, Music, Wife) tant décriée? La ville où on s’occupe de tout sauf de ce qui est important! C’est le message qu’a passé vendredi 24 mai la ministre sud-africaine de la Défense, Nosoviwe Mapisa-Nqakula (ci-après).

Voilà que le président tanzanien, Jakaya Kikwete, dont les troupes sont déjà déployées à Goma dans le cadre de cette force spéciale et que va rencontrer en juillet Barack Obama, déploie sa feuille de route devant Ban Ki-Moon et une demi-douzaine de chefs d’état tous réunis pour la toute première fois: Kinshasa doit retourner à la table des négociations - à Kampala mais aussi Kigali - c’est la première fois qu’on le dit publiquement - doit accepter de parler avec ses ennemis des Forces démocratiques de libération du Rwanda et Kampala doit prendre langue avec les rebelles de l’ADF-NALU. Chacun face à ses rebelles. Pas de paix durable, sans négociation globale. Le chef de l’état rwandais est resté de marbre. «S’il n’a rien dit, c’est déjà ça», explique un témoin. «Jusqu’à présent, pour Kagame, les FDLR c’était le diable». L’Ougandais Yoweri Museveni s’est fendu d’une phrase - une seule: «On discute avec ceux qui veulent discuter et on isole les autres». Il est temps que les Congolais sauvent leur pays; qu’ils resserrent les rangs; qu’ils s’occupent enfin de ce qui est important. Non de l’accessoire...

Alunga Mbuwa

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