Que l’Exécutif envisage «l’arme atomique» pour ses lois majeures
  • lun, 23/05/2016 - 13:10

Démocratie oblige! Il faut (toujours) en débattre au Parlement, s’humilier devant les élus, se remettre en cause.

Démocratie oblige! Il faut (toujours) en débattre au Parlement, s’humilier devant les élus, se remettre en cause... C’est la règle du jeu. Oh! Ce n’est certes pas toujours chose aisée! Mais, en l’espèce, la France a prévu l’arme atomique qu’elle use depuis Charles de Gaulle jusqu’à François Hollande en passant par Georges Pompidou, Giscard d’Estaing, Jacques Chirac. Il est grand temps que le Constituant congolais y pense... Cela dédramatiserait bien de choses dans les relations Gouvernement-Parlement.

IL Y A TOUJOURS UN COMPLOT.
Que de drames quand l’Exécutif vient en Chambre présenter ou défendre un projet de loi, parfois essentiel. C’est-à-dire, un projet qui tient à des valeurs qui fondent l’Etat et le Gouvernement.
«On sait comment on y entre, on ne sait jamais comment on s’en sort», récitent sans cesse les connaisseurs des méandres parlementaires.
Un Premier ministre ou un ministre a beau imaginer que «le bon sens» est avec lui, il existe toujours dans la salle un petit malin! D’autres diront un complot. Un complot ourdi parfois par son propre camp (nos pires ennemis sont les nôtres propres) contre l’Exécutif. Qui aurait pu s’imaginer qu’en moins de deux mois (ou environ), l’Exécutif français lâché par sa propre majorité allait recourir, coup sur coup, notamment lors du projet de loi de Travail dit El Khomry, à l’arme atomique, à savoir, l’article 49.3, qui permet au Gouvernement de faire passer outre un vote à la Chambre et passer en force un projet de loi, en engageant sa responsabilité?
Que dit cet article de la Constitution de la Vème République française et comment fonctionne-t-il?

STABILITE DU GOUVERNEMENT.
Cet article 49 de la Constitution de 1958 fait partie du Titre V: «Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement» (articles 34 à 51). Il organise la responsabilité politique du Gouvernement devant le parlement. En cela, il donne à la Constitution un des traits principaux du régime parlementaire. Il s’agit cependant d’un parlementarisme fortement rationalisé, c’est-à-dire cherchant à assurer la stabilité du gouvernement. Il réutilise en les renforçant des éléments déjà présents sous la IVe République et introduit par son alinéa 3 une disposition originale, sans équivalent dans des constitutions antérieures ou à l’étranger, et fournissant une arme très puissante au Gouvernement. Ces dispositions visent à apporter au pays la stabilité gouvernementale qui lui faisait défaut en protégeant le gouvernement de majorités de circonstance qui défaisaient les gouvernements au gré des alliances, tout en étant incapables de proposer une alternative.
L’article comprend quatre alinéas et constitue un des éléments forts pour permettre d’éviter les crises ministérielles, telles que la France les a connues sous la IVe République. Il organise:
- l’engagement de responsabilité sur un programme (dit aussi «question de confiance») à l’initiative du gouvernement;
- la motion de censure à l’initiative de l’Assemblée nationale;
- l’engagement de responsabilité sur un texte, le point le plus original, qui permet au gouvernement de forcer l’adoption d’un texte, sauf si l’Assemblée est prête à le renverser;
- la possibilité enfin pour le gouvernement de demander l’approbation de sa politique par le Sénat, cette dernière ou son refus éventuel étant dépourvus d’effets juridiques.

ŒUVRE DEMOCRATIQUE PARFAITE.
L’article 49 alinéa 2, dit de «censure spontanée» (par opposition à l’alinéa suivant, où la censure est en quelque sorte «provoquée» par le gouvernement), en imposant l’adoption de la motion par la majorité absolue des membres, change la charge de la preuve, force l’Assemblée à démontrer qu’il y a un rejet effectif du gouvernement. Le gouvernement ne peut être renversé avec le concours d’indécis qui se contenteraient de s’abstenir. L’article 49 alinéa 2 n’a abouti qu’une seule fois, en octobre 1962 contre Georges Pompidou qui dut démissionner, pour être aussitôt reconduit, et soutenu par une nouvelle majorité issue d’élections législatives anticipées. L’article 49 alinéa 3, dit d’«engagement de responsabilité», permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l’opposition se doit de déposer pour la forme, avec peu d’espoir de réussite.
Les articles 50, 50-1 et 51 lui sont directement rattachés, apportant pour l’article 50 un complément essentiel à l’alinéa 2 et pour l’article 51 une précision technique sur l’alinéa 3, tandis que l’article 50-1 prévoit la possibilité pour le Gouvernement de faire une déclaration avec débat.
Car c’est là le problème dans la Constitution congolaise dite du 18 février 2006. Tout en disposant d’une majorité, l’Exécutif n’est jamais sûr de s’en sortir vivant.

L’URGENCE DE REVISITATION.
Au sortir de nos guerres récurrentes - et de la IIIème guerre mondiale africaine -, le Constituant a voulu faire une œuvre démocratique parfaite qu’il est temps désormais de revisiter. Le 15 mars dernier, à la rentrée parlementaire de la session en cours, le président de la Chambre haute Léon Kengo wa Dondo, commémorant à sa manière les dix ans de cette Constitution, avait relevé nombre de problèmes et appelé l’élite nationale à s’y pencher. Du coup, le Président de la Chambre haute détaboutisait le débat sur la révision constitutionnelle.
Du coup, le dialogue annoncé devient plus politique que… folklorique qui devra rassembler les maîtres penseurs, l’élite de la majorité et de l’opposition, tout comme les têtes pensantes de la société civile, les universitaires... Kengo de conclure avec prudence: «Pour ma part, cette brève réflexion n’étant ni exhaustive ni exclusive d’autres types d’analyses, je vous invite à la poursuivre».
ALUNGA MBUWA.


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