Les Etats-Unis très préoccupés après la fuite à Kananga des présumés assassins des experts onusiens
  • mer, 08/05/2019 - 04:50

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
La tension était vive mardi matin à la prison centrale de Kananga. Des tirs nourris ont été entendus dans le périmètre de la prison la nuit.
«Les prisonniers ont profité de la pluie se sauver en masse. Nous n’avons pas le chiffre car il est difficile pour nous d’accéder à nos bureaux. Les prisonniers qui sont restés sont dans la cour et menacent de s’attaquer à tout celui qui entre», explique un fonctionnaire de la prison ayant requis l’anonymat.
Plusieurs autorités se sont rendues à la prison. Elles se tenaient, dans un premier temps, à l’entrée et évitaient d’avancer car les prisonniers menaçaient. «Il semble que plusieurs miliciens Kamuina Nsapu en attente de leurs procès ont pris le large. J’ai entendu des gens dire: «Amenons ce policier au Tshiota (en clair, à la mort). Ce qui confirme l’évasion des Kamuina Nsapu», rapporte une source pénitentiaire.

UN TWEET DE MIKE HAMMER.
On compte parmi les fugitifs, deux des suspects du meurtre des experts des Nations Unies dont la seule personne qui avait été identifiée sur la vidéo du meurtre de l’Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida Catalan, Evariste Ilunga dit «beau gars», et d’un dénommé «Tshiani».
Dans un tweet, l’ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa, Mike «Amani» Hammer (@USAmbDRC) s’est dit «extrêmement préoccupé» par cette fuite de présumés assassins des experts onusiens Michael Sharp et Zaidan Catalan, expliquant qu’il était en contact avec les officiels congolais et sait que les recherches pour les retrouver sont activement engagées. Cette évasion concerne au moins cinq détenus, selon l’auditeur général de l’armée, sur un total de 800 prisonniers. Le général Munkuntu, n° 1 du parquet militaire, dit avoir eu la confirmation de l’évasion de cinq prisonniers. Parmi eux, trois accusés dans le procès des experts de l’ONU, dont deux qui sont directement considérés comme impliqués dans l’assassinat des deux membres des Nations unies. Ils se sont officiellement échappés avec des prisonniers ayant été lourdement condamnés.
Une très mauvaise nouvelle pour le procès de Kananga, dont les audiences n’ont cessé ces dernières semaines d’être reportées pour différents motifs. Evariste Ilunga était considéré par tous - justice militaire, ONU - comme un suspect-clef, mais aussi comme un témoin oculaire, puisque c’est le seul qui ait été identifié par la police des Nations unies comme étant présent dans la vidéo.
C’est lui qui fuit au premier coup de feu tiré sur l’Américain Michael Sharp.
Evariste Ilunga avait fait des déclarations contradictoires, notamment des témoignages incriminant indistinctement des chefs Kamuina Nsapu et coutumiers de la région alors qu’il était détenu au secret et sous la crainte. Mais depuis qu’il avait été présenté devant la justice, sa version avait changé, il avait fini par accuser son collègue, le principal témoin du procès, ancien chef de milice et informateur de l’armée congolaise, Jean Bosco Mukanda d’être le principal donneur d’ordre sur le terrain. Selon Evariste Ilunga, Jean Bosco Mukanda aurait même exigé qu’on lui remette la tête de l’experte suédoise Zaida Catalan pour un commanditaire qui reste à ce jour non identifié. Jean Bosco Mukanda avait démenti, mais il a fini par être inculpé il y a un an par la justice militaire congolaise.
Cette évasion s’est déroulée dans un contexte de grogne des prisonniers et d’un relâchement de la sécurité dans la prison de Kananga.

QUATRIEME FUITE.
Depuis la semaine dernière, les quelque 800 prisonniers de la prison de Kananga dormaient dans la cour et non plus dans leur cellule, dans une situation quasi insurrectionnelle. Notamment parce que depuis deux mois, ceux qui étaient accusés d’avoir participé à l’insurrection Kamuina Nsapu réclamaient d’être libérés puisque leurs collègues, qui avaient rendu les armes depuis l’avènement de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo au pouvoir, n’avaient pas été inquiétés.
Sur instruction de la présidence, la justice militaire s’était dit prête à examiner leur situation au cas par cas et libéré ceux qui n’avaient pas commis des crimes sexuels ou crimes de sang. Plus d’une centaine de prisonniers avaient déjà été libérée. Mais les procédures traînent en longueur et la tension montaient. Nombre d’observateurs disent avoir averti, les avocats notamment, du risque d’évasion, y compris des suspects dans l’assassinat des experts de l’ONU, surtout dans des conditions de sécurité aussi lâches.
Selon l’auditeur général de l’armée, le général Munkunto, ces cinq prisonniers ont fait le mur, mais leur évasion aurait été immédiatement signalée par des codétenus, qui se sont mis à manifester, créant une plus grande confusion. D’autres sources au sein de la société civile parlent au contraire d’une diversion et d’une évasion bien planifiée, visant à permettre l’évasion ou l’exfiltration de certains suspects. Evariste Ilunga avait régulièrement dit à ses avocats qu’il craignait pour sa vie. C’est la quatrième disparition d’accusés dans cette affaire Kamuina Nsapu. Trois évasions ont déjà eu lieu en deux ans et une mort suspecte en détention.
Avec AGENCES.


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