Le Congo légifère en matière des adoptions internationales
  • lun, 11/04/2016 - 04:47

Le Gouvernement congolais propose le renforcement des conditions d’adoption des enfants congolais. Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, Evariste Boshab Mabudj a présenté lundi 4 avril au Sénat un projet de loi modifiant et complétant la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant congolais.

Depuis 2013, le gouvernement bloque le départ des enfants congolais adoptés par des familles étrangères (européennes et américaines). Cette décision est justifiée par la nécessité d’enquêter sur le bien-être des enfants adoptés à l’étranger à la suite d’allégations selon lesquelles certains auraient été maltraités ou leur adoption transférée à des couples homosexuels, ce qu’interdit la loi congolaise. «La problématique des adoptions nationales avait placé notre pays au banc des accusés depuis septembre 2013 au motif qu’une décision gouvernementale sur la matière dont question était en rupture avec les décisions judiciaires. Fallait-il appliquer aveuglement les décisions judiciaires entachées de beaucoup d’irrégularités au risque de discréditer les fondements même de toute société? Fallait-il également laisser perdurer le procès d’intention amplifié par la rumeur assassine jusqu’à rendre aphones les voix autorisées? La solution de sagesse commandait de nous tourner vers la loi, la décortiquer et combler ses lacunes qui posaient avec acuité le problème des adoptions internationales pour mieux protéger l’enfant candidat à l’adoption internationale», a-t-il expliqué.

Les pays d’où viennent le nombre le plus élevé de demandes d’adoption d’enfants congolais? Les Etats-Unis suivis de l’Italie, puis de la France. Le nombre de nos enfants adoptés par les familles américaines est passé de 11 en 2009, puis à 227 en 2012. Puis à 159 en 2013. Une augmentation de 1400% en cinq ans. Pour les familles italiennes, le nombre d’enfants est passé de 61 en 2009 à 114 en 2011, puis à 112. Une augmentation de 100%. Pour les familles françaises, le nombre est passé de 26 en 2009 à 63 en 2012 et à 53 en 2013. Une augmentation de 100%.
La réforme vise à apporter des restrictions sur la modalité d’adoption, réaffirmer l’intérêt supérieur de l’enfant. Plusieurs innovations sont avancées: proposition d’une structure administrative chargée de suivre ce dossier et de la mise en œuvre de l’adoption qui doit être décidée par le tribunal pour enfant, création d’une agence nationale d’adoption d’enfants est une autre réforme attendue.
Au cours du débat qui s’en est suivi, sept sénateurs sont intervenus pour critiquer la politique du gouvernement.
Ci-après en intégralité la réplique du Vice-premier ministre mercredi 6 avril.
Merci de m’avoir accordé le délai sollicité au bout duquel je reviens devant votre auguste Chambre afin d’apporter quelques éclaircissements eu égard aux préoccupations exprimées par les Honorables Sénateurs je voudrais saluer la pertinence des questions soulevées et l’intérêt affiché par les intervenants dans cette entreprise difficile d’amélioration du cadre de vie de nos enfants.
Les préoccupations que vous avez soulevées et pour lesquelles je suis indéfiniment reconnaissant ont été regroupées en trois catégories:
D’abord, celles qui touchent à la politique générale du Gouvernement en ce qui concerne aussi bien la question précise de l’adoption internationale, en particulier, que celle liée à l’enfance, en général. Ensuite, il y a eu des préoccupations relatives à l’évolution récente et à la gestion par le Gouvernement du dossier des adoptions internationales ainsi que les perspectives de leur évolution à terme.
Enfin, il y a eu les observations formulées en termes de technique légistique portant sur l’œuvre législative qui a été soumise à votre censure.
J’aimerais, cependant, avant d’avancer quelque réponse à vos préoccupations, vous rassurer, Honorables Sénateurs que, conscient des imperfections inhérentes à toute œuvre humaine, je reste tout à fait ouvert aux éventuelles améliorations que vous voudriez bien apporter à ce projet du Gouvernement. Ce qui signifie que les répliques que je m’apprête à présenter, dans les lignes qui suivent, n’ont aucunement pour objectif de balayer d’un revers de la main les critiques formulées mais, bien au contraire, faisant œuvre utile, elles visent simplement à préciser l’approche du Gouvernement et à nourrir la réflexion quant aux solutions appropriées que la République se doit d’apporter aux abus décriés sur la vie de nos enfants. Il s’agit, j’en conviens, d’une matière passionnante et même passionnée, de sorte que les sentiments, la perception et la même vision du monde de chaque intervenant font irruption au risque même d’occulter la question principale: la protection d’un enfant en situation de détresse.
Abordons, à présent, les observations retenues à l’occasion du débat général à l’issue de la présentation du présent projet de loi.
En ce qui concerne la politique générale du Gouvernement en matière de protection de l’enfant, notre pays a adhéré et ratifié plusieurs instruments juridiques internationaux dont ceux portant protection des Droits de l’Enfant, notamment la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE).En conséquence, notre pays se devait d’harmoniser certaines dispositions des lois internes devenues obsolètes. Tel est l’objet de la loi portant protection de l’enfant du 10 janvier 2009.
Trois aspects y sont abordés: la protection sociale, la protection judiciaire et la protection pénale.
La protection sociale concerne essentiellement les enfants nécessitant des mesures spéciales de protection telle que définie à l’article 62 de la loi.
La protection sociale de l’enfant est assurée à travers neuf organes prévus par l’article 74, à savoir:
1. Le Conseil national de l’Enfant,
2. Le Corps de conseillers d’orientation scolaire et professionnelle,
3. Le Corps des assistants sociaux,
4. La Brigade spéciale de protection de l’enfant,
5. Le Corps des inspecteurs du travail,
6. Le Corps des inspecteurs de l’enseignement primaire, secondaire et
professionnel,
7. Le Comité national de lutte contre les pires formes de travail des enfants,
8. Les organismes et institutions agréés de la société civile du secteur de l’enfant,
9. Le Parlement et le Comité des Enfants.
La protection judiciaire s’est notamment concrétisée par la mise en place progressive des Tribunaux pour Enfant qui traitent des cas des enfants en conflit avec la loi et les matières civiles telles que l’adoption, la parenté, la tutelle, l’identité, etc.
D’une manière générale, le Gouvernement vise l’amélioration de l’accès des populations aux services sociaux, en rendant disponibles les services de bonne qualité, d’une part, et la réduction de la vulnérabilité dans la mesure où l’accès à ces services sera adapté au pouvoir d’achat des populations congolaises, d’autre part. La problématique d’une politique sociale cohérente incluant la protection sociale de l’enfant comme pilier prioritaire est une question de philosophie politique en ce qu’il s’agit d’un choix fondamental de toute société et dont la lisibilité s’observe au niveau des allocations budgétaires.
A cet effet, les actions suivantes sont en cours de réalisation:
1. Renforcer les cadres politique, légal et réglementaire de protection sociale: élaborer une politique nationale de protection de l’enfant et une politique multisectorielle de protection sociale, d’une part, et vulgariser les textes y relatifs, d’autre part;
2. Améliorer le statut social des personnes vulnérables;
3. Poursuivre la prise des mesures d’application restantes de la loi portant Protection de l’Enfant dont le décret portant organisation et fonctionnement du Conseil national de l’enfant et celui portant organisation et fonctionnement des établissements de garde et d’éducation de l’Etat; l’arrêté interministériel portant organisation et fonctionnement du Parlement et des comités des enfants; l’arrêté interministériel fixant les conditions d’interventions/assistance de l’Etat en faveur des enfants dont les parents sont incapables d’assumer leurs responsabilités;
4. Accroître les moyens nécessaires pour la mise en place d’un système de protection sociale susceptible d’aider les personnes et groupes vulnérables ainsi que leurs familles à faire face à la précarité;
5. Poursuivre le développement des mutuelles de prévoyance sociale, de santé et de sécurité sociale en vue de subvenir aux risques de maladies et de retraite;
6. Concrétiser la réforme du régime de sécurité sociale;
7. Intensifier la mise en œuvre des programmes des transferts sociaux: régime des pensions universelles ou non; allocations familiales, pensions minima pour les personnes âgées et les handicapés, subventions des primes d’assurance sociale;
8. Accroître l’accès équitable des populations aux revenus et améliorer la qualité dans la livraison des services sociaux de base;
9. Mettre en œuvre des programmes de création des richesses adaptés à la situation des groupes cibles;
10. Poursuivre la construction et la réhabilitation les structures sociales publiques telles que: les Etablissements de Garde et d’Education de l’Etat, les centres de récupération ou d’hébergement de l’Etat, les centres de formations professionnelles et les foyers sociaux;
11. Initier des études et créer des bases de données statistiques désagrégées sur les indicateurs sociaux,
notamment ceux portant sur les groupes vulnérables;
12. Promouvoir les programmes de création des emplois pour les jeunes et les chômeurs;
13. Renforcer les capacités institutionnelles et humaines dans le secteur de la protection sociale, y compris la bonne gouvernance du secteur ainsi que l’élaboration des normes, standards et directives nationales sur la protection sociale.
Bref, la protection idéale exige la combinaison des aspects sociaux, judiciaires, légaux, l’accès de l’enfant aux services sociaux de base (école, centre de santé de proximité, eau potable).
Cela exige également que les populations soient bénéficiaires des bienfaits de la sécurité sociale, des mutuelles et assurances contre les risques de vulnérabilité en cas de retraite, de maladie, de chômage, etc.
Sur la politique générale du Gouvernement, je tiens à rassurer l’Hon. Sénateur Djoli sur le fait que je ne me trouve ni immolé ni m’imixant dans une matière qui ne relèverait de ma compétence pour trois raisons. D’abord, partant des principes de collégialité et de solidarité qui régissent le Gouvernement, il est incontestablement admis que tout membre du Gouvernement puisse être délégué par le Chef du Gouvernement pour présenter un quelconque projet de loi quelle qu’en soit la matière ou le secteur.
Ensuite, pour le cas de figure, l’adoption étant une matière transversale qui implique les Ministères de l’Intérieur et Sécurité, de la Justice, des Affaires Sociales, de la Femme, Famille et Enfant, des Affaires Etrangères, il est normal que le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité, étant le préséant de tous ces Ministres, puisse les représenter devant votre auguste Chambre.
Enfin, arrivé au Gouvernement en décembre 2014, j’ai trouvé le moratoire qui pesait lourdement sur les dossiers des adoptions, sur le plan international, notre pays était mis au banc des accusés. A titre purement illustratif, l’Honorable Président du Sénat avait eu l’amabilité de me transmettre la lettre lui écrite par 115 congressmen des USA dénonçant le déni de justice en matière d’adoption par la RDC. C’est que j’ai été voir le Chef du Gouvernement pour lui donner mon point de vue sur ce moratoire en proposant des voies de sortie. Il m’encouragea de présenter le dossier au Conseil des Ministres. Ce qui fut fait. C’est ainsi qu’à l’issue du Conseil des Ministres, j’ai été chargé de finaliser le dossier avec le concours de mes collègues concernés. Il ne s’agit donc pas du dossier du Ministère de l’Intérieur, mais plutôt celui du Gouvernement.
Aussi, le processus d’adoption dans sa phase administrative implique transversalement l’intervention de divers services et structures de notre administration. La nécessaire coordination gouvernementale est effectivement assurée. Ma présence dans ce dossier ne doit nullement être considérée comme un cheveu dans le soupe.
L’Hon. Ndjoli a égerment constaté que l’exposé des motifs était long. Je n’en disconviens pas.
J’ai cru bon d’expliquer avec clarté les formules consacrées qui se révèlent parfois rébarbatives. Telle est la raison majeure.
L’Hon. Djoli éprouve également un malaise en ce qu’on n’aurait pas touché au cœur du système, il y aurait incohérence et approximation. Et pourtant, le tout tient à la trame qui est l’intérêt de l’enfant. Approximation parce que tantôt on fait allusion au tribunal pour enfant, tantôt au tribunal de paix. Point du tout! Il s’agit simplement du réalisme qui milite en faveur de la contextualisation de notre droit. Puisque les tribunaux pour enfant ne sont pas encore installés sur toute l’étendue de notre territoire national, là où il n’y en a pas, des tribunaux de paix font office.
Oui, Hon. Kongo, l’on peut, sans exagérer, soutenir que la famille africaine traverse bel et bien une crise. En effet, la précarité de la situation sociale a assigné précocement certains enfants au travail et, par conséquent, cela a entraîné, hélas, un relâchement de l’autorité parentale. Dois-je m’étendre sur les éléments de langage? Puisqu’il n’y a ni quiproquo ni amphibologie, je reviendrai plus tard sur la légistique.
Certains parents, en dépit de leur bonne foi, ne pouvant plus assumer certaines de leurs prérogatives sont irrésistiblement tentés de s’en remettre à une procédure d’adoption, espérant ainsi mettre leurs enfants à l’abri de la précarité. Or, d’aucuns se souviennent que l’Afrique a depuis toujours eu à développer une solidarité qui a fait que les enfants dont la filiation parentale était rompue (neveux, cousins ou autres) ne se retrouvaient guère seuls, car dans nos communautés et dans nos coutumes, la solidarité était si bien organisée que les enfants infortunés trouvaient une structure familiale de relai semblable à celle qu’offraient leurs familles biologiques.
C’est ainsi, par exemple, qu’il faudrait comprendre l’article 649 du Code de la famille qui illustre bien cette politique de solidarité. En effet, il prévoit que «lorsque la filiation paternelle d’un enfant né hors mariage n’a pu être établie, le tribunal, à la demande de l’enfant, de sa mère ou du Ministère public, désigne un père juridique parmi les membres de la famille de la mère de l’enfant ou, à défaut de ceux-ci, une personne proposée par la mère de l’enfant. Dans ce cas, le père juridique exerce vis-à-vis de l’enfant toutes les prérogatives résultant de la filiation et en assume les devoirs. La parenté juridique ne crée pas d’autres effets».
Malheureusement, l’évolution de nos sociétés, plus que les résultats de nos politiques, est venue fragiliser ce cadre de solidarité de sorte qu’aujourd’hui ces enfants infortunés perdent automatiquement tout espoir d’une croissance harmonieuse. L’enfant qui naguère appartenait à toute la communauté qui pourvoyait à son intégration sociale, appartient désormais à ses père et mère qui eux aussi, pris dans l’engrenage vertigineux de l’économie capitaliste, dans le pire des cas, sont broyés et ne peuvent subvenir aux besoins de leurs enfants, et, dans le meilleur des cas, s’assument. Il importe de relever également que le relâchement des mœurs a eu pour conséquence la présence massive des enfants non désirés que l’on appelle hypocritement les enfants de la rue. Cet euphémisme n’est rien d’autre que de la fausse honte, car on sait parfaitement qu’aucune rue ne peut engendrer les enfants. C’est un phénomène social qui appelle les intelligences de tous pour une solution globale.
J’ose, cependant, croire qu’avec des politiques responsables et efficaces, nous pourrons nous réapproprier nos valeurs et notre sort pour un meilleur développement de nos sociétés.
Lorsque René Dumond avait écrit que «l’Afrique noire était mal partie», insensibles à toute critique, jaloux de nos indépendances fraîchement acquises, personne alors personne ne voulut écouter le discours constructif qui n’était qu’une sonnette d’alarme de Dumond. Il fut attaqué de tout côté. Aujourd’hui, comment dire qu’il n’avait pas raison, tant tous les africanistes ne cessent de dénoncer la dérive dans laquelle pataugent les sociétés africaines, en raison de la mauvaise gestion de l’économie monétaire dont la conséquence tragique est la liquéfaction des ressorts de nos sociétés communautaristes.
L’idée de marquer une pause et d’entreprendre une évaluation judicieuse de nos politiques avant de poursuivre l’œuvre législative est, certes, louable mais les événements ponctuent parfois notre vie avec une telle célérité qu’ils attendent de nous davantage de l’action plus que simplement des mots. Dans tous les cas, l’évaluation législative relève de la compétence du Parlement. En France aujourd’hui, lorsqu’une loi est votée, six mois après sa promulgation, le parlementaire qui avait joué le rôle de rapporteur de la commission, est obligé de présenter un rapport d’évaluation sur l’application de la loi. Si les mesures d’application n’ont pas été prises, le Gouvernement est invité à s’expliquer. En amont de la loi, il y a l’étude d’impact, en aval l’évaluation. Si cette réforme a porté bonheur ailleurs, l’introduire dans notre droit ne serait pas un mimétisme déplorable, mais plutôt un progrès pour un fonctionnement efficace des institutions. On ne peut même pas invoquer l’inflation législative dans notre pays. Non seulement parce qu’il n’y a pas encore des branches orphelines du droit mais aussi et surtout des pans entiers du droit sont en jachère.De même, l’on ne peut pas répondre à cette crise par des mesures d’application dans la mesure où, seule la loi nous permet d’innover, étant entendu que les mesures réglementaires ne peuvent pas régir ce que la loi elle-même n’a pas prévu.
Néanmoins, je m’accorde avec l’Hon. Otshuma Pita qu’il y a lieu de renforcer les capacités des services administratifs impliqués dans les procédures et les mécanismes de protection de l’enfant.
Quelle est la position du Gouvernement sur la possibilité pour les conjoints homosexuels à accéder à l’adoption d’enfants congolais, s’interroge l’Hon. Siluvangi.
J’aimerais, à ce sujet, vous rassurer que l’article 20 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant interdit l’adoption d’un enfant congolais par une personne ou un couple homosexuel. Au demeurant, l’article 330 de la loi n°87/010 du 1er août 1987 portant Code de la famille définit le mariage comme un acte par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union légale et durable. Plus explicite encore est l’article 40 de la Constitution en son alinéa 1er qui dispose: «Tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille». Introduire dans ce projet de loi, la notion d’orientation sexuelle différente irait à l’encontre de l’option du constituant. Si l’avis de la Chambre haute est que la modernité exige de nous adapter au standard des bailleurs des fonds en tout, il appartiendra à la haute chambre d’initier la procédure de révision de l’article 40 de la Constitution. Mais pour l’instant, la position du Gouvernement consiste à respecter la volonté du constituant.
Toutefois, l’article 669 du même Code prévoit que l’adoption d’une personne par une autre, célibataire, veuve ou divorcée de sexe différent, ne peut être admise que si les circonstances la justifient. Dans cette hypothèse, le juge est tenu de justifier sa décision. Le poids de toute la responsabilité repose donc sur le juge qui apprécie au cas par cas. En pratique, il existe dans la plupart de pays une structure administrative chargée d’émettre un rapport d’aptitude d’un citoyen étranger à adopter dans un autre pays. Cette structure peut notifier aux candidats leur inaptitude à adopter au regard de la loi du pays de l’enfant. En conséquence, il est clair que le pays d’origine du couple qui désire adopter en République Démocratique du Congo refuse d’émettre un avis favorable si ledit couple ne répond pas aux exigences de la loi congolaise, en l’occurrence le Code de la famille et la loi portant protection de l’enfant. Il y a donc lieu de redoubler de vigilance dans l’examen de différents dossiers. L’on voit bien ici que, contrairement à ce que semble soutenir l’Hon. Adambu, l’adoption en général et l’adoption internationale en particulier ne relèvent pas exclusivement du Droit Privé. Le mariage, l’adoption bien qu’essentiellement affectifs et personnels ne sont pas des affaires effectivement privées, mais plutôt des affaires publiques soumises à des règles strictes à peine de nullité. Il s’agit là de règle d’ordre public; aucun individu ne peut y déroger, telle est la différence des autres règles de droit civil où la liberté de l’individu est de mise. Ceci ne signifie pas que le mariage et l’adoption n’obéissent à la règle de liberté, mais plutôt lorsqu’on opte pour le mariage ou l’adoption, l’on se soumet aux règles préétablies par l’Etat sans possibilité pour chacun de les changer à sa guise. C’est à ce titre d’ailleurs, puisque l’Etat ne peut demeurer indifférent s’agissant de l’adoption internationale que les droit marocain et algérien interdisent formellement l’adoption internationale en privilégiant les solidarités claniques pour la prise en charge de l’enfant sans parents biologiques ou avec parents défaillants.
En effet, en plaçant les seules dispositions concernant l’adoption internationale dans la loi portant protection de l’enfant, le législateur a très clairement défini le cadre juridique particulier qu’il entendait assigner à la matière. Et la primauté de l’intérêt de l’enfant est une affirmation constante dans le Droit congolais. Déjà l’article 651 du Code de la famille prévoit que l’adoption ne peut avoir lieu que s’il y a des justes motifs et si elle présente des avantages pour l’adopté, c’est-à-dire l’enfant. Ensuite, l’article 6 de la loi n0009/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant dispose que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une préoccupation primordiale dans toutes les décisions et mesures prises à son égard. Et c’est également là l’intérêt de faire intervenir, dans certains cas, l’éminente appréciation du Président de la République. En effet, le recours à l’Ordonnance du Chef de l’Etat est loin d’être exclusivement un vestige du Code de la famille. Il relève surtout d’une démarche qui vise à renforcer la sécurité nécessaire, particulièrement en période et en zone de conflit, en s’en remettant à la seule institution susceptible de revêtir en pareilles circonstances des prérogatives exceptionnelles. D’autre part, la condition d’âge pour l’accès à, la fonction est de n’avoir pas dépassé 35 ans. Le législateur prévoit cependant qu’une dérogation peut être accordée par le Président de la République pour le recrutement d’une personne dépassant cet âge, s’il est prouvé la rareté de sa spécialisation et le besoin de la République. Dans un autre registre, en droit comparé, l’article 171 du code civil français introduit la notion de mariage posthume qui ne peut être célébré que moyennant une autorisation discrétionnaire du Président de la République, s’il existe un motif grave de déduire de l’accomplissement des formalités officielles exigées en vue du mariage avec le consentement du futur époux décédé. Pourquoi le droit français n’a-t-il pas laissé la latitude à tout autre officier de l’Etat civil? Pourquoi ne pose-t-on pas la question pourquoi le Président exerce le droit de grâce? Pourquoi il peut remettre, commuer ou réduire les peines? A force de vouloir inventer la boussole alors qu’elle a été inventée depuis longtemps par les Chinois, nous croyons pouvoir innover en tout, alors qu’un simple arrivant en droit comparé peut démontrer que nouveauté au Sud n’est qu’une simple vieillerie au Nord. L’expérience du procès de l’arche de Zoé où 103 enfants tchadiens prétendument du Darfour ont été enlevés pour être amenés en France, est une raison de plus pour que dans une zone de conflit, on puisse solliciter l’autorisation de la plus haute autorité du pays aux fins de l’adoption. L’exemple de l’arche de Zoé est éloquent car c’est sur le Président Idriss Deby que tombaient toutes les flèches des organisations de défense des Droits de l’homme le traitant de tous les maux et non sur une autre institution.
Concernant les préoccupations relatives à l’évolution récente et à la gestion du Gouvernement ainsi que les perspectives à terme, suite aux multiples abus constatés, la suspension de sortie des enfants adoptés pour l’extérieur du pays est une mesure conservatoire prise par le Gouvernement, en attendant de vérifier la régularité des dossiers relatifs à l’adoption en cours de traitement par une Commission interministérielle constituée à cet effet. Elle n’a donc rien à avoir avec la procédure de la suspension du droit à l’adoption.
Les résultats du travail de ladite commission a produit des statistiques (ci-contre).

L’Hon. Mulaila peut être rassuré qu’à travers la Police des frontières, il est possible de connaître le nombre des enfants qui sont sortis pour l’étranger et répartis par pays, tel que l’ont indiqué les tableaux (en annexe). Toutefois, actuellement, il n’existe pas encore un organe central pour faire le suivi post-adoption qui pourra avoir comme mission de coopérer avec d’autres services centraux de pays d’accueil des enfants.
En attendant la création de cet Organe central d’adoption internationale, il existe auprès de nos représentations diplomatiques des services de suivi des enfants adoptés. Aussi, la Commission interministérielle chargée des dossiers d’adoption internationale a-t-elle réalisé quelques missions de suivi post-adoption, en collaboration avec les autres autorités de pays d’accueil desdits enfants. Ce qui justifie l’intérêt de l’article 19 bis du présent projet de loi qui prévoit l’obligation pour les adoptants de procéder à l’enregistrement dans nos représentations diplomatiques des enfants congolais adoptés. Combien d’enfants étrangers ont été adoptés par les congolais? Je ne dispose pas de statistiques pour la simple raison que l’enfant adopté acquiert la nationalité de l’adoptant, s’il n’est donc pas fait mention s’il s’agit de la nationalité d’origine ou acquise. Enfin, question de légistique, les éléments contenus dans la loi ne se détruisent-ils pas, car d’une part, il est question de procéder à la suspension du traitement des nouveaux dossiers jusqu’à ce que la loi promulguée, d’autre part obligation est faite au Gouvernement de prendre des mesures qui s’imposent pour les dossiers en cours. Evidemment, il n’y a pas contradiction parce que la loi ne peut rétroagir, mais en même temps les jugements couverts de l’autorité de la chose jugée ne peuvent être en souffrance. Raison d’être de la commission gouvernementale de vérification de l’authenticité des jugements de et non de censurer les jugements, ce qui serait contraire à la Constitution. Il y a donc conciliation matérielle pour éviter que la conséquence du moratoire ne soit le déni de justice. C’est l’effet de la qualité de la loi qui exige que les problèmes annexe et connexe à son entrée dans l’ordonnancement juridique ne soient laissés pour compte
Cependant, les Congolais vivant à l’étranger adoptent aussi les enfants de la République Démocratique du Congo. Il s’agit, le plus souvent, de l’adoption interfamiliale. A ce jour, la Commission interministérielle a examiné 118 dossiers.
Quant au délai d’entrée en vigueur de la loi, le report d’un an proposé était justifié par la nécessité de disposer d’un temps raisonnable de traitement des dossiers en cours. Cependant, depuis la date du dépôt du présent projet de loi jusqu’au jour de sa présentation devant votre auguste assemblée, le Gouvernement a accéléré l’examen de tous les dossiers demeurant en souffrance et autorisé la sortie des enfants adoptés. Il va sans donc dire qu’il n’est plus opportun de garder ce délai d’un an.
James Madison écrivait dans le «Federalist» que si les hommes étaient des anges, on n’aurait pas besoin du Gouvernement. Par Gouvernement, nous voulons que l’on entende par là «loi». Et puisque nous ne sommes pas des anges cette loi est nécessaire.
Tels sont les éléments de réponses apportés aux préoccupations des Honorables Sénateurs.
Je vous remercie.
Kinshasa,mercredi 6 avril 2016.
Prof. Evariste Boshab Mabudj,
Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité.


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