Il a pris son bic rouge
  • ven, 06/11/2020 - 01:10

KINSHASA, PARIS, BRUXELLES.
Le Soft International n°1506|JEUDI 5 NOVEMBRE 2020.

Ce pourrait être inédit dans le siècle. Si les déclarations fracassantes faites sur un blog de télévision par l’ancien ministre Willy Mishiki, dont la réputation avérée est de ne pas avoir la langue dans sa poche, venaient à se concrétiser, si le navire FCC, le Front commun pour le Congo venait à chavirer en se vidant de son contenu ou, à tout le moins, si le FCC venait de perdre l’essentiel de ses élus, il faut s’attendre à un tremblement de terre historique suivi d’un tsunami avec d’imprévisibles dégâts collatéraux.

Qu’a dit celui qui se fait appeler «Prince Willy Mishiki» dont les propos ont toujours fait scandale dans le pays, qui vient de passer à l’Afdc-A, la plateforme disputée de l’ancien ministre et ancien candidat au perchoir de la chambre basse du Parlement, Modeste Bahati Lukwebo après avoir été Lamuka (Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Adolphe Muzitu, etc.) mais a un passé carcéral ombrageux à Bruxelles et à Goma après avoir vécu aux Etats-Unis d’Amérique?
A l’entendre, tout est bouclé. Tout serait cuit pour le Front commun pour le Congo, la plateforme des pro-Kabila, du moins à en croire cet ancien ministre de l’Agriculture du Gouvernement Kengo, encore tout récemment vice-ministre de l’Energie et Ressources hydrauliques du Gouvernement Samy Badibanga Ntita, a créé un parti politique UNANA, Union nationale des nationalistes.

Selon cet homme qui avait rejoint sur le tard le RCD-Goma, originaire de la province du Nord-Kivu, une majorité de députés, 267 au total sur 350 et 67 sénateurs, auraient déjà fait leurs valises au FCC, fait formellement acte d’allégeance au Président de la République, Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Ils auraient été filmés quand ils posaient l’acte d’allégeance et acte leur en aurait été donné par le Président de la République.

A l’en croire, il ne resterait plus qu’à faire constater, par un informateur, à nommer très prochainement par le Président de la République la nouvelle cartographie politique de l’Assemblée nationale, à élire un nouveau bureau de la chambre basse, à désigner un nouveau Premier ministre - ç’en est fini du PPRD-FCC Sylvestre Ilunga Ilnukamba, Willy Mishiki est catégorique - en vue de former une nouvelle équipe gouvernementale.

Aux termes de l’article 78 de la Constitution de la République, «le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci (...). Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition».

A observer les touts récents développements de relations entre le Palais de la Nation et l’Hôtel du Conseil, la suspension des réunions du conseil des ministres, l’exclusion du Premier ministre pourtant présent de la photo de famille prise à la Vème session ordinaire réservée aux officiers supérieurs et généraux du CHESD, le Collège des Hautes études stratégiques et de défense, le refus à cette occasion, du Président de la République de lui faire un signe de reconnaissance - salutation mode Covid-19 - on peut en effet tout conclure.

LOLA KISANGA
OU «LE BON TEMPO».

Il y a aussi cette lettre datée du 27 octobre 2020 de l’ancien gouverneur du Haut-Uélé aujourd’hui sénateur et ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire, le Dr Jean-Pierre Lola Kisanga.

Dans ce texte - «acte d’engagement pour un soutien politique et responsable à Son Excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République, Chef de l’Etat» - celui qui fit en octobre partie d’un groupe de sénateurs FCC qui s’étaient offusqués devant la Cour de Cassation en signant une requête en interprétation de l’article 158 de la Constitution à la suite de la nomination des fameux juges constitutionnels par le Président de la République, semble désormais avoir trouvé le bon tempo.

Dans cette lettre adressée au Président de la République, publiée le 2 novembre sur les réseaux sociaux, Lola Kisanga affirme avoir signé ce texte «en toute responsabilité» quatre jours après l’adresse attendue du Président de la République à la Nation, le 23 octobre.
Il dit souscrire «à la vision noble du Président de la République (...), (celle de) réussir à relever les défis (...) non seulement avec votre partenaire politique, l’ancien Président Joseph Kabila Kabange et sa famille politique le Front commun pour le Congo, mais en lançant un appel hautement responsable en direction des forces politiques, sociales et des personnalités représentatives afin de rassembler la Nation». Il dit «partager (cette) vision de la Gouvernance politique axée sur votre souci permanent à privilégier l’intérêt général du Peuple congolais».

Il dit «soutenir cette démarche (présidentielle) républicaine visant à construire une véritable Union sacrée pour la Nation, par une approche participative et inclusive, à l’effet d’asseoir une large base de réflexion sur les questions essentielles qui constituent les vraies préoccupations de notre Peuple et de la Nation». Il dit «affirmer le caractère irrévocable de (son) engagement à accompagner (le Président de la République) dans la mise en œuvre de (ses) politiques publiques sectorielles, pour l’intérêt supérieur de la Nation et de ne ménager aucun effort, dans le cadre de mes fonctions institutionnelles afin de contribuer à produire les réformes essentielles sur le plan législatif, pour la mise en œuvre de votre politique».

Lola veut «concourir, par (son) expertise dans la gouvernance territoriale de développement, à asseoir la vision et les politiques publiques nationales (du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo) afin d’impulser une action concrète et pragmatique de développement dans les provinces en général et, particulièrement, dans celle du Haut-Uele, sur laquelle (il dit exercer) un leadership politique incontestable, le régionalisme constitutionnel dans notre pays étant un atout majeur pour construire des politiques publiques innovantes pour le développement à la base et nécessite l’implication des acteurs disposant des capacités managériales, technocratiques et politiques avérées».

PIUS MUABILU SE VEUT TOUJOURS FCC.
En clair, tout ce que souhaitait et souhaite le Président de la République de la part des pro-Kabila, à savoir, engagement et accompagnement passionnés pour la République et l’Etat de droit.

Problème : aussitôt ce texte connu, Lola a été déclaré «exclu» - «s’est auto-exclu» - de son parti ECT, Eveil de Conscience pour le Travail et le développement, a décrété dans les médias le président de l’ECT, Boniface Balamage Nkolo, également deuxième vice-président de l’Assemblée nationale. «Il s’agit là, conformément à nos textes, d’une auto-exclusion de notre parti politique et du regroupement. Nous allons donc tirer les conséquences», poursuit le dur FCC Balamage accusant Lola «de vagabondage et d’opportunisme politique», qui doit s’attendre au retrait de son mandat de sénateur conformément aux lois en vigueur dans le pays. Pour ce député de l’île d’Idjwi, située entre les provinces du Nord et du Sud Kivu, avocat de profession, « l’interprétation des textes n’est pas équivoque ».

Il se reporte aux embûches et obstacles dressés par le règlement d’ordre intérieur des chambres qui organise la transhumance et complique la migration lors d’une législature.
Ainsi, un député perd son mandat s’il quitte de façon délibérée son parti politique (art. 26, Règlement d’ordre intérieur, novembre 2006).

«Au début de chaque législature, les partis et regroupement politiques déposent au bureau provisoire de l’assemblée nationale les listes des noms de leurs députés dûment signés par chacun d’eux».
«Un député ne peut faire partie que d’un seul Groupe parlementaire. Le député qui n’appartient à aucun groupe parlementaire est appelé non inscrit. Chaque député est membre du groupe parlementaire auquel appartient le parti politique dans le cadre duquel il a été élu. Les groupes parlementaires sont constitués pour la durée de la législature. Un député qui quitte son Groupe parlementaire perd le droit de s’affilier à un autre groupe parlementaire. Il devient un non inscrit» (art. 46).

Un député non-inscrit est un député fantôme. S’il ne renforce aucun parti politique, sa voix est marginale. La prise de parole dans l’hémicycle est en effet accaparée par les groupes parlementaires selon leur poids en termes de représentation, ce qui ne laisse qu’une portion congrue aux non-inscrits.

Mais le législateur n’avait pas envisagé l’hypothèse d’avalanche au cours d’une législature suivie d’un basculement de majorité - une mutation de la couleur de l’hémicycle - ou un rééquilibrage significatif des forces qui mettrait à mal le bureau de l’Assemblée nationale ou le destituerait... Cela amènerait au vote d’un nouveau règlement d’ordre intérieur...
Le Congo est-il à la veille d’un tel cas de figure?

Si Lola gît sous la menace de perte de mandat, il pourrait en être de même pour le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat Pius Muabilu Mbayu Mukala sauf qu’accusé d’avoir enfreint l’ordre du FCC de boycotter la cérémonie de prestation de serment des juges constitutionnels, en optant de ne pas suivre son premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba et tous les sociétaires ministres FCC, le président du CNC, le Congrès National Congolais assure qu’il a posé un «acte républicain comme ministre», que cela ne signifie pas qu’il a adhéré au projet d’Union sacrée de la République présenté par le Président de la République au point qu’il a déposé une plainte contre son regroupement, l’Alliance pour l’avenir, AA/a en sigle, pour faux et usage.

« Le parquet général a été saisi. Dans ce pays, nous ne devons pas penser que quand quelqu’un assume sa charge avec loyauté et répond de façon républicaine à une invitation citoyenne, parce qu’il relève d’un groupe, il doit être sanctionné », déclare son avocat, Me Clément Kitenge Kisaka, au lendemain de l’annonce de la suspension de Pius Muabilu, le 26 octobre.

Entre-temps, le FCC multiplie ses réunions après celle du 29 octobre à la ferme de l’ex-président à Kingakati autour de son autorité morale qui prône la «résistance» face aux initiatives du Président de la République.
Mais après l’étonnante fuite des audios diffusés sur les réseaux sociaux et dans des journaux qui révèlent un état d’esprit de guerre planifiée, signe de préparatifs très avancés d’un retour au pouvoir, la plateforme que contrôle l’ex-parti présidentiel PPRD affiche prudence.

Si le FCC bat le rappel des troupes et resserre les rangs, il annonce une «retraite politique», la deuxième sur une période de quelques mois, dans un guesthouse au Kongo Central, propriété d’un membre emblématique de la plateforme. C’est l’ancien président qui en a pris l’initiative lui-même, estimant que la coalition FCC-CACH, «est au point mort», que «le pays est comme en 1960» lorsque le président Kasavubu destitua le premier ministre Lumumba qui le destitua à son tour conduisant à la prise du pouvoir par l’armée.

A l’entendre, il y a lieu de s’attendre à un affrontement musclé entre FCC et CACH, les Kabilistes se disant désormais prêts à instaurer un régime de cohabitation qui en réalité est déjà en place. Sinon comment expliquer que les initiatives du Président de la République soient systématiquement retoquées par des membres du Gouvernement identifiés FCC? L’accord liant FCC et CACH paraît impossible à conduire, avouent les deux partenaires.

«C’EST NOUS QUI AVONS LE POUVOIR».
Dans le discours du Président de la République, cinq phrases majeures à retenir. La première : «Je réitère l’engagement de mon serment de ne jamais faillir à cette mission sacrée et de ne jamais trahir le Congo».
La seconde, conséquence de la première: «Je ne laisserai aucun engagement politique de quelque nature que ce soit primer sur mes prérogatives constitutionnelles et sur l’intérêt supérieur du peuple congolais». La troisième, suite de la précédente : «Je ne transigerai jamais avec les intérêts supérieurs de la nation».

La quatrième, socle de tout accord : «Le partage des valeurs liées à l’Etat de droit et à la justice constitue la condition sine qua non de tout partenariat aux actions de mon mandat». De là la cinquième - des «consultations (qui) visent la refondation de l’action gouvernementale autour des principes de participation à la gestion du pays» qui implique la nécessité d’«une union sacrée de la Nation».

Face à ses troupes à Kingakati, Kabila valide ce désaccord dans quasi les mêmes termes : « Il est évident que, la cause principale de la crise actuelle, c’est le nom respect de l’accord, et plus grave, le non respect de la Constitution. On ne partage pas les mêmes valeurs avec nos amis du CACH ».
Dans son adresse à la Nation, le Président de la République avait anticipé le problème.
« Il demeure vrai que la mise en œuvre de l’Etat de droit énerve certains nostalgiques, habitués à l’impunité et aux traitements de faveur».

Puis ce préalable à tout, de tout: «Le partage des valeurs liées à l’Etat de droit et à la justice constitue la condition sine qua non de tout partenariat aux actions de mon mandat ».
Si le FCC prône la «résistance», il reconnaît que la décision revient au seul Président de la République. C’est lui qui donne le cap, montre la direction. Son Haut Représentant et envoyé spécial qui joue un rôle central aux côtés du Président de la République et notamment dans ces consultations, est sans équivoque dans ses prises de position publiques.

«Nous étions en coalition, c’était comme un véhicule automobile qui ne peut avoir deux conducteurs. Le véhicule n’a qu’un seul conducteur (…)», déclare Yesu Kitenge le 26 septembre profitant de la sortie officielle d’un parti CNP, la Coalition Nationale Populaire dont le président est l’ancien vice-ministre de l’Intérieur Basile Olongo. «Voilà pourquoi le Président de la République a dit qu’il rentre vers le peuple, que le peuple lui dise ce qu’il veut que le Président fasse. Ce que le Président a décidé n’exclut personne. Que vous soyez AA, BB…venez».

Puis, Félix Tshisekedi est le seul et l’unique Président de la République. «S’il y a des présidents délégués à l’Assemblée nationale et au Sénat, il n’y a pas de Président délégué à la Cité de l’Union Africaine, au Palais de la Nation. Il y a un Président et un Président unique. Félix Tshisekedi est un père de famille, il ne rejette personne». Puis, «ne vous laissez pas faire, le pouvoir c’est nous».

C’est donc lui, le Président de la République - lui seul et nul autre - qui détient le stylo bleu pour désigner qui il veut et, en même temps, lui, le Président de la République - lui seul et nul autre, qui détient le stylo rouge pour écarter qui il veut. Nul doute, le Président a pris son bic rouge pour punir et sévir.

Pense-t-on qu’après une si grande annonce le 23 octobre et une si grande attente au sein de la population et de la communauté internationale, que le Président de la République qui a promis de revenir devant la Nation pour lui faire livrer les conclusions de ses consultations, s’abstienne à ne pas lever les troupes au moins sur quelques fronts?

En suivant la chronique Tweeter de Yesu Kitenge @KitengeYesu @RDC_HautSpecial, comment ne pas s’attendre à un tsunami? Il y a ce posting qui date du 21 octobre, jour de la prestation de serment des juges constitutionnels : «Par solidarité moqueuse moi HR de mon état ai suivi la cérémonie à la TV. La 1ère d’un processus sévère, déterminant. Les grands arbres (Félix) attirent des grands vents. Le FCC a engagé un corps à corps perdu d’avance. POT DE TERRE CONTRE POT DE FER. Victoire au Peuple souverain».
T. MATOTU.


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