Gare aux cardiaques
  • jeu, 29/05/2014 - 05:12

Le secret le mieux gardé du quinquennat. Dans ce dossier, c’est le Président qui seul sait. Lui et Lui seul détient et garde SON secret dont le dévoilement n’interviendra qu’au jour, à la date et à l’heure qu’Il décidera Seul. Le pouvoir est un exercice solitaire.

En a-t-il dit un mot au président François Hollande, le dernier dirigeant occidental qu’il a rencontré à l’Elysée lors d’un tête-à-tête mercredi 21 mai avant d’aller rejoindre dans un salon du palais présidentiel français ministres et conseillers pour une réunion de travail? Lors de ces rencontres, loin des regards et des oreilles des collaborateurs, il est de coutume que les Dirigeants se parlent en toute simplicité, loin du protocole gênant, se passent des informations et des messages, testent des hypothèses de travail. C’est le but de ces
huis clos recherchés qui indiquent le degré d’amitié et de confidence.
- «Monsieur le Président, je pense que sur cette question... J’envisage de...»
- «Bien sûr, Monsieur le Président, Vous avez tout loisir de le faire si c’est dans l’intérêt de votre Peuple et je comprends et mon pays Vous appuie et Vous appuiera...».
- «Je Vous remercie infiniment, Monsieur le Président. Je sais que peux compter sur Vous et sur Votre Gouvernement...».

UN AUTRE
QUI SAIT.

Aussitôt revenu de Paris, Joseph Kabila Kabange reprenait, dès le lendemain 23 mai, son bâton de pèlerin pour aller rencontrer - et assister à l’inauguration de son nouveau mandat - l’homme par qui est venu le triomphe des FARDC sur la rébellion du M-23.
C’est mardi 29 octobre 2013 au moment où l’avion du président sud-africain Jacob Zuma décollait de la piste de N’Djili qu’en effet sonnait l’hallali de la rébellion.
Deux ou trois heures auparavant, devant les deux Chambres parlementaires réunies en congrès, le Chef de l’Etat sud-africain menaçait, après un tête-à-tête au Palais de la Nation avec Joseph Kabila Kabange: «Enough is enough. Time for peace is now» (Trop c’est trop. L’heure de la paix a sonné»). Rien d’autre qu’un ultimatum adressé aux rebelles et à leurs souteneurs ougandais et rwandais. Zuma poursuivait dans cette même lancée: «La souffrance du peuple congolais est aussi notre souffrance. De même sa prospérité. La misère ne peut plus continuer et ne sera plus tolérée».
Le jour d’après, 30 octobre, au lendemain de cette première visite d’Etat du Dirigeant sud-africain dans notre pays, les événements s’accéléraient sur le front de bataille dans les Kivu, dans ce conflit qui opposait depuis dix-huit mois l’armée à la rébellion du M23.
Les Loyalistes venaient de faire sauter le dernier verrou rebelle - la cité de Bunagana, à la frontière ougandaise - et, le jour même à 20 heures, au journal télévisé de la chaîne publique Rtnc, le Chef de l’Etat, en Commandant en Chef des armées, s’adressait à la Nation congolaise glorieuse et adressait à son tour un ultimatum aux rebelles, aux différentes bandes armées et aux pays voisins.
A ceux-ci, le Président déclarait: «Je tiens à redire que la voie royale pour la paix et la stabilité dans la région réside dans la mise en œuvre, effective et de bonne foi, de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, ainsi que de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité des Nations Unies». Puis de «les exhorter à remplir leurs engagements aux termes de cet Accord» et de «réaffirmer la détermination, à ce jour non démentie, de la République Démocratique du Congo à remplir les siens».
Les 29 et 30 octobre 2013, un événement majeur venait de se produire. Pour la toute première fois depuis que le Congo est indépendant, l’armée nationale venait d’enregistrer une victoire militaire indiscutable. Chez les Grands du monde, tout est chronométré voire millimétré. Il n’y a aucune place au hasard.
Dans son discours devant les deux Chambres, Zuma avait insisté sur la date du 29 octobre.
Le 29 octobre 2006 - ce fut un dimanche - eut lieu le deuxième tour de la Présidentielle qui vit Joseph Kabila triompher de Jean-Pierre Bemba. L’Afrique du Sud était déjà aux côtés du Congo et avait fourni la logistique après que le pays Arc-en-ciel eut financé et abrité le Dialogue de Sun City.
C’est un 29 du même mois d’octobre - sept ans plus tard - que Zuma effectuait sa première visite d’Etat dans notre pays et s’adressait au Peuple congolais par ses représentants...
Il ne peut donc s’agir d’un hasard. Entre Zuma et Kabila, c’est la grande amitié.
Le week-end dernier au Palais de la Présidence à Pretoria, c’est l’ami, le confident qui a été accueilli et, si besoin, la chaude accolade devant les médias l’attestait.
Venant l’avant veille de Paris, on imagine que l’ami congolais a dû faire état de sa visite à l’ami sud-africain et lui dire ce qu’il allait faire à son retour dans sa Capitale, plusieurs mois après les fameuses Concertations nationales et l’annonce d’un Exécutif de cohésion nationale qui a littéralement plombé l’Exécutif actuel au moins par des mesures conservatoires qui en ont découlé, ralentissant le rythme de travail des ministres, ceux-ci n’étant plus à proprement parler des ministres de plein exercice devant chaque fois recourir à une autorisation expresse préalable du Chef du Gouvernement avant toute décision relevant de leur sphère de travail.
GARE AUX
CARDIAQUES.
- «Monsieur le Président, j’ai finalement pris LA décision. Je vais nommer...»
Ou:
- «J’ai encore besoin de cet homme vu son état de services... Et je souhaite une composition qui puisse répondre à...».
- «Bien sûr Monsieur le Président, Vous avez tout loisir de faire cela...».
Ou:
- «Bien sûr Monsieur le Président, Vous avez tout le loisir d’appeler à Vos côtés l’homme qui paraît le mieux répondre à Vos attentes et à celles de Votre pays. Mon pays se tient à Vos côtés...».
- «Je Vous remercie Monsieur le Président. Je sais que peux compter sur Vous et sur Votre Gouvernement...».
A n’en point douter, Hollande et Zuma sont les deux hommes qui connaissent les grandes lignes de ce que leur homologue congolais s’apprête à faire. Il est impensable qu’ayant rencontré ses deux homologues qui lui témoignent une telle amitié au moment où son pays aborde le dernier virage avant l’annonce de décisions politiquement déterminantes pour la paix, la cohésion et la stabilité du Congo, le Président de la République n’ait pas tâté le pouls des deux Dirigeants importants à l’échelle planétaire, l’un européen et qui compte beaucoup, l’autre africain et qui pèse beaucoup et sait se faire entendre.
Mais il est clair qu’ils n’en diront rien à personne. Sauf le jour où ces décisions seront rendues officielles.
- «Oui, il m’avait dit que ce serait en effet celui-là».
- «Oui, il m’avait dit qu’il voyait en effet les choses de cette façon-là...»
En attendant, tout est et reste un gros mystère que personne n’a su à ce jour perforer. Et, attention aux cardiaques!
On surveille le moindre fait et geste des responsables politiques, ministres influents voire le premier d’entre eux.
- S’est-il rendu à son Cabinet? A quelle heure?
- A-t-il présidé sa réunion habituelle? A quelle heure?
- Envisage-t-il un déplacement? Où? Avec qui?
- A-t-il décidé ceci? A-t-il décidé cela?
- Continue-t-il de… signer et de planifier des dossiers?
- Envoie-t-il encore des ministres en mission? Où? Jusque quand?
Mais le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon de marbre, déjoue tous les calculs. Le Chef du Gouvernement n’a pas changé d’un iota son rythme de travail. Son escorte pénètre toujours à l’aurore le périmètre de l’Hôtel du Gouvernement et peu avant 6 heures du matin, Matata Ponyo ouvre son ballet de réunions dont la plus connue - la troïka stratégique avec ministres et gouverneur de la Banque Centrale. Comme si de rien n’était...
Une fois par semaine, des groupes de visiteurs - généralement des jeunes écoliers ou des étudiants - font le tour de l’Hôtel du Gouvernement aseptisé et transformé en un géant jardin aux fleurs pour sentir sans frais la chlorophylle. Si on le donne pour adversaire coriace du président du Sénat qui ne cacherait pas sa fureur de revenir sur ces lieux une quatrième fois, cela n’empêche pas Matata de l’inviter, pour la énième fois, en plein tourment politicien, en compagnie d’autres anciens premiers ministres, pour venir visiter les bustes qu’il a fait fabriquer par le sculpteur monumentaliste Alfred Liyolo Limbe Puanga et qu’il a placés dans nos jardins des tuileries...
Le même guet est fait sur l’agenda du Chef de l’Etat.
On le croyait passant par Lubumbashi après Paris et Pretoria en vue de prendre quelques jours de réflexion… pour les ultimes réglages. Le voici qui déjoue tout et regagne directement à Kinshasa. Mais c’est précisément pour monter la fièvre de plusieurs crans puisque… «le Président vient faire les annonces».

LE CŒUR
BAT LA CHAMADE.

Et de scruter les journalistes de la presse présidentielle dont un qui n’a même plus le droit de passer par un studio de la Rtnc soupçonné d’être porteur du parchemin tant attendue, l’ordonnance présidentielle.
Dans une capitale et un pays où les rumeurs les plus folles brouissent dans tous les sens, il ne manquait qu’une «instruction» de service du DirCab du Premier ministre, José Selé Salaghuli, pour que le feu se transforme en incendie.
Dans cette note de deux pages (lire en page 4), le plus proche collaborateur du Chef du Gouvernement instaurait ce qui n’avait jamais existé à ce jour: le protocole de remise et reprise entre le Premier ministre entrant et le Premier ministre sortant. Ce qui était une décision ordinaire de gestion de l’Etat, un principe qui allait désormais être érigé en loi codifiant l’entrée en fonction effective du nouveau locataire de l’Hôtel du Gouvernement, prenait une toute autre tournure dans la ville haute et sur les réseaux sociaux à un moment où les rumeurs rendent quiconque fou.
- «Pourquoi maintenant?»
- «S’il l’a fait, c’est qu’il en sait!»
- «S’il le fait maintenant c’est signe que les choses se précipitent. Il n’y a aucun doute...».
Les plus téméraires d’évoquer des décomptes finaux des ministres et de leurs cabinets prépositionnés dans une banque... Aussitôt que l’ordonnance serait publiée, les fonds iraient immédiatement dans les comptes des banques commerciales! S’il y a des sources qui démentent tout en bloc, d’autres se sentent affichent une gêne facile à interpréter! S’il existe un feu sans fumée, une fumée indique toujours un feu!
Car il ne faut pas se tromper: chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus de la date fatidique quand les cœurs battent la chamade chez ceux qui se croient primaturables comme chez les ministrables. Qui entrera? Qui n’entrera pas? LE secret le mieux gardé du quinquennat. Les plus proches du Palais avouent: «Si quelqu’un vous dit qu’il sait qui sera le prochain locataire de l’Hôtel du Gouvernement, il vous ment».
La politique sait faire l’un de ces tours qu’elle seule connaît le secret!
Faut-il continuer à l’aimer ou le temps est-il venu de la détester et de tourner la page. Nul ne prendra plus Kabila en défaut. Le Chef de l’Etat l’a expérimenté plus que quiconque.
A la nomination le 14 mai 2013 du nouveau gouverneur de la Banque Centrale du Congo, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur en fonction, Jean-Claude Masangu Mulongo ignorait tout. Il était pourtant directeur des opérations bancaires et marchés à la même BCC.
Arrivé fin mandat, après seize ans de bons et loyaux services à la tête de l’Institut d’émission, il ne savait rien de son sort et s’était rendu ce mardi à son bureau comme de coutume. Alors que la journée avait débuté comme de coutume, que les signataires circulaient, l’ordonnance présidentielle n°13/021 tombe: la BCC a changé de Gouverneur! Seules deux personnes étaient au courant: Matata - le PM - et le DirCab du Chef de l’Etat Gustave Beya Siku. Reste à savoir depuis quand...
Dans ce dossier, c’est le Président qui seul sait. Lui et Lui seul détient et garde SON secret dont le dévoilement n’interviendra qu’au jour, à la date et à l’heure qu’Il décidera Seul. Le pouvoir est un exercice solitaire.
T. MATOTU.

Categories: 

Related Posts

About author

Portrait de yves