Elle fait bloc
  • jeu, 17/09/2015 - 05:56

La majorité s’emploie à resserrer les rangs autour de son Chef en prononçant l’autoexclusion du groupe dit des sept.

Les choses sont allées vite, très vite. Un mercredi 16 septembre qui fera date dans les annales de la majorité présidentielle. Jusque là seul un ministre - un seul Barthélemy Botswali Lengomo, ministre des Affaires sociales, Action humanitaire et Solidarité nationale - avait été révoqué un 9 janvier 2010 par ordonnance présidentielle. Surpris prenant part à une rixe dans un débit de boisson à Bandalungwa à Kinshasa avec des membres de son parti. L’acte avait été qualifié de «manquement grave portant atteinte à son honneur de ministre».

Désormais, il va falloir ajouter un deuxième nom sur cette courte liste: Olivier Kamitatu Etsu, autorité morale de l’Alliance pour le Renouveau du Congo, ARC, ancien secrétaire général de l’ex-rébellion du MLC, révoqué; ancien président de l’Assemblée nationale, révoqué.
La rentrée politique ouverte la veille 15 septembre s’annonçait déjà électrique.

ILS AVAIENT ETE ADMONESTES.
Le 14 septembre, des rumeurs faisaient état que sept membres de la majorité présidentielle dont certains membres de son Bureau politique (Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Pierre Lumbi Okongo, Charles Mwando Nsimba, Olivier Kamitatu Etsu, José Endundo Bononge, Banza Maloba Dany) et Christophe Lutundula Apala Pen’Apala) avaient résolu de rédiger un courrier à l’adresse du Président de la République. Le Secrétaire général de la Majorité Présidentielle, Aubin Minaku Ndjalandjoku se charge fermement de les en dissuader expliquant que chacun d’eux pouvait joindre à tout moment le Président de la République dont ils connaissaient le numéro téléphonique, expliquant que si jamais, cette fois, ils n’obtempéraient pas, cela serait considéré comme un acte de rupture. Mais le groupe qui se croit indéfenestrable invoquant des élus dans les Assemblées quand la priorité consiste aujourd’hui à mettre le cap sur l’avenir et non de dormir sur des trophées critiqués à raison, n’obtempère pas. Il rédige son courrier et le fait déposer au siège de la Majorité présidentielle. A la différence de ses deux précédentes correspondances également corrosives dont l’une à l’époque du duo Augustin Katumba Mwanke et Louis-Léonce Koyagialo Ngbase tous deux décédés et donna lieu à des échanges restés épiques lors d’un Bureau politique de la Majorité, cette dernière est ouverte puisque chacun des membres du Bureau politique de la Majorité en reçoit une copie! Pire, peu après - sans que son destinataire final n’en ait pris connaissance - la lettre était fuitée dans les médias, les chancelleries, les réseaux sociaux... Pire chacun des signataires reçoit mission de se répandre dans la presse nationale et internationale dont Rfi. Il s’agit de mieux illustrer le brûlot. Si la rupture était engagée, elle n’était pas consommée... Jusqu’à la réunion extraordinaire du Bureau politique élargie aux présidents des groupes parlementaires ainsi qu’aux alliés du Parti Lumumbiste Unifié représenté notamment par l’épouse du patriarche Antoine Gizenga Fundji, Anne Mbuba Gizenga. Nerfs à vifs, le Bureau Politique entreprend de cadrer le débat en expliquant que cela commençait à être fort de café... Mais ces remontrances ne sont pas du goût du… G-7 dont les membres commencent à quitter une salle pleine pour la circonstance comme un œuf, réunie sur convocation du Chef de la Majorité présidentielle, le Chef de l’Etat! Au reste des membres du Bureau Politique de prendre acte d’une auto-exclusion et décide de resserrer les rangs de la Majorité autour du Président de la République, Chef de l’Etat, de faire bloc autour de lui avant de lui faire rapport des décisions prises.

KABILA DECIDE DE FRAPPER.
Le Président de la République a, sans attendre, pris dans la journée les décisions d’urgence. Il a révoqué son conseiller spécial en matière spécial, Pierre Lumbi Okongo pour «manquements graves aux devoirs déontologiques auxquels sont soumis les membres du cabinet du Président de la République». De même que le ministre Olivier Kamitatu Etsu, revenu au Gouvernement le 7 décembre 2014, révoqué pour «avoir gravement manqué à l’obligation de réserve et de discrétion auxquels sont soumis les membres du Gouvernement en toutes circonstances». Selon toutes les sources, le Bureau Politique de la Majorité Présidentielle a reçu mission de poursuivre le travail qui consiste à nettoyer les écuries d’Augias …
Ci-après le communiqué du Bureau Politique:
«Si certaines observations de cette lettre peuvent être considérées comme pertinentes, force est de noter l’attitude inélégante de ses auteurs qui les a conduit à donner une publicité tapageuse à des analyses qui devaient être discutées en interne. Il en est de même de la volonté délibérée de surenchérir sur les peurs irrationnelles entretenues par une certaine opposition, un véritable paradoxe de la part des auteurs qui se déclarent pourtant toujours sociétaires de la Majorité Présidentielle. Sur le fond, le texte inspire les remarques ci-après:
1. Dans une démarche psychanalytique de «meurtre du Père», les signataires déclarent que c’est le Président Joseph Kabila qui les a invités, il y a dix ans, pour constituer, comme partenaires, une famille politique ayant comme dénominateur commun les prescrits de la Constitution. Ils égratignent les échecs et erreurs de ladite famille politique tout en revendiquant une part significative de ses résultats positifs que sont l’adoption de la Constitution et la victoire aux élections de 2006 et 2011 et accusent le Président d’avoir conduit le pays vers une autre voie que celle convenue auparavant. Ce qui justifie leur posture d’«anges gardiens» de la Constitution face à ce qu’ils qualifient de velléités anticonstitutionnelles du Président.
2. Affirmant vouloir consolider la démocratie et la paix civile et épargner le pays d’une crise politique aux conséquences imprévisibles, les signataires reprennent à leur compte les procès d’intention faits par l’opposition à l’Autorité Morale de la MP accusée de vouloir réviser ou changer la Constitution tout en décriant le passage de 11 à 26 provinces prévu par ladite Constitution. Ils dénient au Parlement le droit de réviser la loi électorale et refusent l’organisation des élections locales et municipales qui, à leur avis, affaibliraient la cohésion nationale et ralentiraient le processus de démocratisation qui ne serait pas opérationnel à la base.
3. Les signataires se situent ainsi aux antipodes des options concertées au sein de la MP, notamment celles du passage effectif de 11 à 26 provinces et de la résorption des arriérés électoraux de 2006 et 2011 avant les scrutins provinciaux, sénatoriaux, législatifs et présidentiel qui priveraient l’opposition d’un argument de campagne contre la Majorité au pouvoir pendant ces deux quinquennats. À l’instar de l’opposition, ils font état de «doutes de plus en plus grands» qui auraient gagné de ce fait la société congolaise et qui auraient écorné le «contrat de confiance entre le pouvoir et le peuple». Dans le paragraphe 4 de leur mémorandum, devenus tout à coup «neutres», ils font état des «échecs et des erreurs» et n’évoquent l’action positive de transformation structurelle de la société congolaise et de l’économie du pays sous le leadership du Président Kabila qu’en la conjuguant au passé et en l’engloutissant dans les grosses vagues des préoccupations dites «insatisfaites» (inégalités, pauvreté).
4. À l’évidence, les auteurs du mémorandum ont pris fait et cause pour l’opposition. Nul n’ignore en effet que l’agenda électoral chahuté n’est pas 1’œuf de la majorité comme ils le prétendent et que les contraintes auxquelles ils font allusion avaient été exprimées en leur temps par le gouvernement et la MP, en vain face à une opposition intraitable. En lieu et place des solutions alternatives crédibles, ils préfèrent s’adonner à instrumentaliser des peurs irrationnelles pour un objectif de positionnement politique. Alors que le respect de la Constitution a toujours été une constante dans les déclarations et les actes du Président, le mémorandum fait croire le contraire, exposant gratuitement notre Autorité Morale à la vindicte publique. Les félicitations de l’opposition aux signataires en font foi.
5. Les auteurs du mémorandum affaiblissent les Institutions de la République en s’en prenant véhémentement au Parlement où la MP est majoritaire pour avoir adopté une loi en matière de répartition des sièges pour les élections locales et municipales et à la Cour constitutionnelle pour avoir pris un arrêt ordonnant au Gouvernement de prendre les mesures exceptionnelles susceptibles de mettre un terme à l’anarchie dans la gestion des nouvelles provinces. Comme s’il fallait une autorisation particulière pour que ces institutions publiques exercent leurs attributions constitutionnelles.
6. Face à ce qu’ils qualifient de défis majeurs qui feraient peser des risques sur l’avenir de la R-dCongo, ils proposent à la MP d’abandonner ses options «suicidaires» et d’adopter la stratégie de l’opposition et des forces néocolonialistes qu’ils estiment «plus réaliste».
Leur évocation de la résurgence des tensions interethniques et de la recrudescence des crimes organisés, du fait de l’affaiblissement de la cohésion nationale sous le leadership du Président Kabila ne résiste pas à l’examen car de par le monde, des crimes organisés ou tueries terroristes ne sont pas nécessairement le fait de sociétés déficitaires en cohésion nationale. Il appert clairement que les auteurs du mémorandum ont rejoint l’opposition. La Majorité Présidentielle, devrait en tirer toutes les conséquences. La proximité plus qu’idéologique entre les thèses défendues par les signataires du mémorandum et celles de l’opposition et ses soutiens extérieurs est inadmissible pour la Majorité dont la stratégie ne peut en tout état de cause qu’être orientée vers la conservation du pouvoir et non l’alternance qui consisterait à céder le pouvoir à d’autres forces politiques.
Le mémorandum livre à cet égard une perception dichotomique de la Majorité Présidentielle. Pire, il jette l’opprobre sur la Majorité en confortant l’idée selon laquelle celle-ci aurait des visées anti-démocratiques que les signataires se sont donnés la mission de pourfendre.
En fait, ils désespèrent de la Majorité Présidentielle et de son Autorité Morale et veulent se positionner par rapport à l’avenir qu’ils estiment appartenir à l’opposition et à des tireurs de ficelles étrangers dont l’ingérence dans les affaires domestiques au Congo-Kinshasa est un lieu commun. Vu ce qui précède, il ne reste à la Majorité Présidentielle qu’à tirer les conséquences du choix stratégique opéré par les signataires du mémorandum en faisant simplement le constat qu’ils ont choisi de la quitter pour rejoindre les rangs de l’opposition.


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