Badibanga crashe en direct à la télé
  • jeu, 06/04/2017 - 05:56

Même ceux qui détestaient Matata en viennent à regretter amèrement.

L’homme n’a serré la main du Président de la République ni à l’arrivée de celui-ci dans l’hémicycle, ni à son départ. Le Chef de l’Etat avait fait un tour de l’estrade serrant la main de tous ceux qui s’y trouvaient: les deux Présidents des Chambres Aubin Minaku Ndjalandjoku et Léon Kengo wa Dondo. Mais aussi tout le monde, grand et petit. S’il a choisi de descendre par l’escalier opposé au strapontin où s’était affalé Samy Badibanga Ntita, Kabila s’est directement rendu vers son véhicule...
Erreur de protocole? A-t-il décidé d’ignorer ce Premier ministre qu’il a choisi de descendre en flèche, en direct à la télé, face aux deux Chambres réunies en Congrès, face à la Nation?

GROSSE ERREUR DE CASTING.
Infiniment poli, développant une capacité inouïe de ne pas manifester ses sentiments, Kabila vous affiche le sourire même si vous l’avez blessé... Sans rien oublier!
Qu’il ait décidé d’ignorer ce Ntita, c’est signe d’un état d’exaspération extrême. Le discours sur l’état de la Nation a été le plus court de tous les temps - moins d’un quart d’heure. Face à l’urgence extrême en passe de se muer en insurrection généralisée dans le centre du pays, au Kasaï, même à l’Ouest, dans le Kongo Centrale et à Kinshasa, le temps n’était plus au discours; le Congo n’en avait cure. Le temps était à l’action directe. Or, Badibanga Ntita n’était déjà plus l’homme de la situation. Incapable de se rendre dans le Kasaï, lui, l’originaire alors que des scènes d’atrocités extrêmes et de décapitation de fonctionnaires internationaux, des militaires et des policiers en service, etc., s’y déroulaient! Il fut même interdit par deux fois de s’y rendre perdant toute légitimité. Grosse erreur de casting.
Côté économie, jamais le franc ne s’était aussi déprécié; jamais les réserves internationales n’avaient atteint un tel niveau quasi plancher; jamais le moral des chefs d’entreprise n’avait atteint aussi la poisse. Jamais les périls n’ont été aussi généralisés. Si le mot indolence n’avait pas existé, il aurait porté son nom...
Dans son discours sur l’état de la Nation mercredi 5 avril, chaque mot présidentiel était à sa place. D’entrée de jeu, Kabila attaque et par l’économie - un vrai boulet, une vraie bombe à retardement: «Après Mon adresse sur l’état de la Nation, le mois de novembre dernier, la situation socio-économique, politique et sécuritaire du pays M’obligent ce jour à M’acquitter de ce devoir constitutionnel, plus tôt, que de coutume». Puis, d’enchaîner: «En effet, la morosité des indicateurs macro-économiques laisse aujourd’hui nos concitoyens perplexes, au regard de son incidence bien compréhensible sur leur pouvoir d’achat»!
Puis, avant de conclure, il enfonce impitoyablement: «Comme relevé dans Mon message de novembre 2016, et tenant compte du fait que le pays ne doit plus être l’otage d’intérêts personnels et de lutte de positionnement des acteurs politiques, le Premier Ministre sera impérativement nommé dans les 48 heures». En direct. A la télé. Face au Congrès. Face à la Nation. Jamais passage n’a reçu autant de pétarades. Si Badibanga voulait apprécier sa cote de popularité dans cette enceinte, il avait là un début de réponse.

IL ACCUSE LE COUP, EFFONDRE.
Au prononcé de cette phrase, Badibanga accuse le coup. Il pousse un cri, effondré, expire comme emporté par un AVC. Et ferme les yeux. Les «mortels» réalisateurs donnent ordre aux caméras d’approcher de plus près leur proie, comme pour l’expier davantage. L’homme n’a plus ouvert les yeux qu’à la fin du discours du Chef de l’Etat.
Quand il quitte l’hémicycle, celui qui est déjà l’ex-Premier ministre de la République Démocratique du Congo, qui prétendit, dans un tweet resté tristement célèbre, sur son compte officiel, avoir «rencontré au sommet le président Donald Trump» alors que tel n’était pas le cas - il lui avait juste serré la main avec tant d’autres lors d’un petit déjeuner de prières à Washington et présenta le selfie comme un trophée, une reconnaisance au pouvoir congolais par son Premier ministre, montrant déjà tôt des limites certaines - prend la direction de sa maison, à Binza-UPN...
La vingtaine de gardes de sa suite l’accompagne-t-elle, en cet instant, automatiquement, elle qui a suivi en direct le discours présidentiel? L’histoire ne le dit pas...
Mais voici qu’on déplie un peu la vie de ce Ntita qui, Député, chef de groupe parlementaire, des années durant, n’avait jamais pris la parole une seule fois. Qu’est-il? Badibanga avait su séduire ses recruteurs et rendu attrayant son casting. Sa proximité biologique et politique avec les Tshisekedi présageait un déminage en règle de la transition, sa connaissance supposée du pays et des réseaux de subversion interne et externe, sa conviction que hors du Dialogue, il n’y avait point de salut. Du sexy...
Depuis son arrivée dans les appartements de l’Hôtel du Conseil, plus de chlorophylle dans le bâtiment où tout est ruine, les murs déjà décolorés... Même les plus anti-Matata viennent à regretter l’homme macro-économique...
Quand le gouvernement doit consacrer l’essentiel de son travail à la population, les ministres eux, vont, viennent, à deux voire à trois quand le Gouvernement ne parle que d’une voix et d’une seule!
Devant l’Assemblée nationale, le 22 décembre 2016, dans son discours d’investiture, il se fixe trois objectifs à atteindre à court terme: les élections, la cohésion nationale, la crise économique et sociale. Si les décaissements en faveur de la CENI suivent, on est à la peine partout ailleurs. «Nous travaillerons à la décrispation de la vie politique, à la pacification des esprits, afin d’éviter les pertes inutiles en vies humaines, tout simplement».
Il insiste sur les questions sécuritaires en Ituri, au Tanganika, au Nord et Sud-Kivu, «où des groupes armés nationaux et étrangers, tuent sans pitié nos compatriotes». Comme au Kasaï Central, avec la prolifération de la milice tribale Kamwina Nsapu, question qui, déclarait Badibanga, le tenait «à cœur», et qu’il jurait de «régler, définitivement et rapidement, par une solution pacifique et durable». «Mon gouvernement s’attellera, via des partenariats techniques et financiers, à la relance des exploitations à l’arrêt, et au soutien de l’agriculture familiale, pour qu’elle dispose de l’énergie, et des routes de dessertes locales, dont la rénovation donnera du travail à la jeunesse».

INTERDIT DE FETER SES 100 JOURS.
De la jeunesse, il érige «la gratuité de l’enseignement primaire en «priorité du gouvernement» en vue de «contribuer à relever les taux de scolarisation et éradiquer l’analphabétisme».
En matière de santé, il fait fort, très fort. «La santé publique, l’une des missions principales de l’Etat, et le troisième des objectifs de développement durable, nous avons le devoir d’assurer, au minimum, la gratuité des soins aux enfants de moins de cinq ans, ainsi que la gratuité des accouchements sur l’ensemble du territoire».
D’annoncer l’augmentation des recettes budgétaires en vue de «donner à l’Etat les moyens de conduire ses politiques, et de payer des salaires décents aux enseignants, au personnel médical, aux forces de sécurité, aux militaires, aux magistrats et aux autres agents de l’Etat».
Il aurait dû accomplir ses 100 jours le 10 avril, moment fatidique pour tout Gouvernement de présenter des comptes.
Tout indique que les dégâts sont tels que nul ne permettrait à Babibanga d’aller plus loin. Si cela ne dépendait que du Président de la République, il y a longtemps qu’il aurait arrêter les dégâts... Rien qu’à voir les notes qui tombent des milieux d’affaires et des demandes incroyables qui sont faites!
T. MATOTU.


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